Hans-Urs von Balthasar, Théologie et Sainteté (1e partie)
Les articulations essentielles de la théologie rapportent un événement si prodigieux quon ne peut jamais en faire abstraction à la manière de Husserl qui met méthodologiquement entre parenthèses la facticité. La science humaine aura toujours tendance à mettre de telles parenthèses, même quand elle est théologie, et elle comprendra la Révélation historique moins comme un événement à entendre et écouter de façon toujours actuelle que comme un présupposé constituant la matière de la réflexion théologique.
Les saints se sont toujours défendus contre cela en induisant un retour dans lactualité de lévénement de la Révélation. Ils veulent être présents au moment et à lendroit où il a lieu. Avec Marie, ils sont assis aux pieds de Jésus. Ils sont suspendus aux lèvres du Seigneur, à la parole de la Révélation. Ils ne veulent rien savoir que ce que Dieu leur dit. Ils ne veulent pas un instant se distraire découter la parole actuelle de la Révélation, comme si on pouvait examiner son contenu comme un résultat donné et définitif, comparable aux résultats dautres domaines du savoir humain. Ils sont devant Dieu, dans un rapport exclusif. Ils veulent tout entendre de Dieu, même ce quils savent déjà, comme sils nen avaient jamais entendu parler. Ils veulent se laisser offrir à nouveau le monde entier, se le faire expliquer et interpréter à nouveau à lintérieur de la Révélation. Ils ne veulent pas regarder la nature avec dautres yeux que ceux du Christ. Ils veulent connaître Dieu non comme pur ens a se, mais uniquement comme le Père de Jésus Christ, et lEsprit non comme un monde abstrait de lois et de valeurs générales, mais comme lEsprit des langues de feu qui souffle où il veut. Ils ont un fanatisme de lexclusif qui leur paraît le chemin le plus direct vers luniversalité et la catholicité de la vérité. Ils ne sont pas anxieux de savoir comment se réalisera la synthèse entre nature et surnature, entre science et foi, entre lordre profane et lordre ecclésial, parce quils savent que le souci dune telle synthèse est épargné à celui qui sattache immuablement au Christ, le souci, non la tâche, le souci de lunité, non la mission qui arrachent à cette unité pour jeter dans le monde. Pour remplir leur mission chrétienne, même comme penseurs et comme théologiens, ils ne sont pas obligés de se détacher du Christ. Car le Christ est lenvoyé de Dieu dans le monde qui les envoie à son tour et leur promet dêtre avec eux pour toujours et jusquaux limites de la terre. Même quand ils sadaptent aux différentes langues du monde, ils savent quils nagissent pas en diplomates, mais par la force du miracle de la Pentecôte qui est capable de traduite le message immuable dans toute langue spéculative et conceptuelle. (À suivre)
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