Michel Hubaut, Christ notre bonheur. Prier avec S. François et Ste Claire, Desclée de`Brouwer,2e éd., p. 45-47
Contrairement à ce quon pourrait croire, le Christ que François contemple avec le plus démerveillement, ce nest pas le Christ pauvre mais le Christ priant, le Fils qui a prié et qui prie le Père. Il est la suffisante justification de la prière. Pourquoi prier ? Parce que Jésus a prié, répondrait François. Pour lui, prier est encore une manière de suivre les traces du Christ. Comment suivre le Fils sans mettre ladoration du Père au centre de sa vie ? François évangélise, convertit sa prière à lécole du Christ priant. En contemplant lévénement-Jésus, il découvre à la fois qui est Dieu et qui est lhomme, ces deux partenaires vivants de la prière. Son incarnation et donc sa prière sont une Bonne Nouvelle permanente pour lhomme. (
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François, à la suite de saint Paul, a un sens cosmique de la primauté du Christ dans lordre de la création et de la rédemption. Il est le Commencement et la Fin de tout lunivers créé : " Il est limage du Dieu invisible, premier-né de toute créature, car cest en lui quont été créées toutes les créatures, dans les cieux et sur la terre, les visibles et les invisibles. Il est avant toute chose et tout subsiste en lui. Il est aussi la tête du corps, cest-à-dire lÉglise (vivante et priante). Il est le Principe, premier-né dentre les morts. Il fallait quil obtint en tout la primauté. "
Dans cette même perspective, François écrit avec une audacieuse intuition : " Considère, ô homme, le degré de perfection auquel ta élevé le Seigneur : il a créé et formé ton corps à limage du corps de son Fils bien-aimé et ton esprit à la ressemblance de son esprit. " Ce qui signifie quen créant le monde et lhomme, Dieu pensait déjà à lincarnation de son Fils, exemplaire parfait de al création. Cette intuition spirituelle sera reprise par les théologiens franciscains, pour qui la première raison de lincarnation nest pas le péché et la rédemption, mais la plus grande gloire de Dieu. Aussi le pauvre dAssise ne peut concevoir sa prière en dehors de celle du Fils qui est lunique Adorateur, Intercesseur et Glorificateur, en qui le Père trouve sa joie et sa suffisance. Il est le Médiateur de toute prière. François écrit : " Indigents et pécheurs que nous sommes tous, nous ne sommes pas dignes de te nommer ; accepte donc, nous ten prions, que notre Seigneur Jésus-Christ, ton Fils bien-aimé en qui tu te complais, avec le Saint-Esprit Paraclet, te rende grâce lui-même pour tout comme il te plaît et comme il lui plaît, lui toujours te suffit en tout. "
La prière de lhomme nest donc possible que par Jésus, avec Jésus, en Jésus qui adore et intercède en nous. Il est celui par qui toute grâce descend du Père et en qui remonte toute action de grâce. Toute prière, de la plus simple à la plus sublime, est participation, communion à lunique prière actuelle, permanente du Christ vivant. Il assume toutes les prières du monde. En lui, notre prière devient sa prière, son action de grâce, son intercession, son adoration.
Croire au Christ vivant, cest croire au Christ priant. Là est loriginalité de la prière des chrétiens. Depuis la résurrection du Christ, premier-né, chaque croyant et toute la communauté chrétienne prient " par Jésus-Christ, ton Fils qui vit et règne avec toi, dans lunité du Saint-Esprit, maintenant et pour les siècles des siècles ", comme en témoigne la conclusion de toutes les oraisons liturgiques de lÉglise. François sait que désormais Dieu a sans cesse devant lui, au cur de son inimité divine, notre humanité qui, en Jésus, adore, intercède et rend grâce.
Au sein même de la vie trinitaire, le Fils, dont le corps glorifié garde lempreinte des stigmates de sa Passion, est déjà notre humanité qui supplie, crie, intercède, jour et nuit, devant le Père. Et le Christ lui-même a tenu à initier sas disciples à la prière pour les associer à sa propre prière. Il veut que sa prière filiale sincarne, aujourdhui et demain, partout dans le monde. Il veut démultiplier à linfini sa prière, afin quelle sélève aussi bien dans laffairement des villes que dans le silence des monastères. Ainsi, sa prière filiale, unique, parfaite, se propage dâge en âge, comme une onde damour au cur de ses frères pour féconder le cur de la terre. Mais il ne veut rien faire sans notre consentement. Il nous faut donc accueillir librement son Esprit, afin quil prie en nous : Je suis le cep, vous êtes les sarments. Car hors de moi, vous ne pouvez rien faire. " Surtout pas vivre une prière qui porte fruits. François et Claire ont parfaitement saisi et vécu cette révélation.
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