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Praedicatho homélies à temps et à contretemps

Praedicatho homélies à temps et à contretemps

C'est par la folie de la prédication que Dieu a jugé bon de sauver ceux qui croient. Devant Dieu, et devant le Christ Jésus qui va juger les vivants et les morts, je t’en conjure, au nom de sa Manifestation et de son Règne : proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire. Crédit peintures: B. Lopez


Monique Vincent, Saint Augustin, maître de prière, Beauchesne 1990, p. 45-49 (2e partie)

Publié par Walter Covens sur 1 Juin 2006, 18:33pm

Catégories : #la vache qui rumine (Années B - C)

La première de ces conséquences c’est que toute prière d’un chrétien adhérant vraiment au corps du Christ devient prière du Christ Lui-même. Le Christ assume toutes les prières qui sont prononcées par un des siens. En effet, si le Christ a voulu prononcer dans les psaumes des paroles qui ne conviennent en apparence qu’aux membres de son corps, c’est pour que nous nous reconnaissions dans ces paroles, et que, inversement, nous reconnaissions nos paroles dans celles du Christ. Aussi Augustin nous invite-t-il souvent à ne pas séparer les paroles du corps de celles de la tête. " Quand vous entendez les paroles du corps n’en séparez pas la tête ; quand vous entendez les paroles de la tête n’en séparez pas le corps. " Cet " échange ", Augustin l’explique ou du moins l’illustre par une image qui les est familière, celle du Christ marchand. Le Christ " n’a pas dédaigné de nous transfigurer en Lui et de parler avec nos paroles pour que nous aussi nous parlions avec ses paroles. En effet, ce double et merveilleux changement s’est opéré, ce divin commerce a été achevé, cet échange de possession a été fait publiquement en ce monde par le négociateur céleste ". En prenant notre condition d’esclave, le Christ a pris nos paroles pour en faire les siennes. En échange, Il nous a donné les siennes pour que nous en fassions les nôtres. À cela, une seule condition : que nous, membres, soyons unis à Lui par le lien de la charité sans lequel il n’y pas d’unité entre les membres et la tête, donc pas de voix commune. Le Christ, Lui, a promis de ne pas se séparer de nous lorsqu’Il a dit : Et moi, je suis avec vous pour toujours jusqu’à la fin du monde. Promesse qu’Augustin semble avoir prise particulièrement au sérieux. Il cite très souvent ce verset dans les Enarrationes et presque toujours en relation directe avec la mention du corps du Christ. On devine d’après la fréquence de ce rappel que c’est un des versets évangéliques qui l’ont marqué le plus profondément. Il y puise l’essentiel de sa doctrine d’union à Dieu qu’il a lui-même vécue du jour de sa conversion à celui de sa mort. La grâce de la présence du Christ en nous étant ainsi promise, il reste à Augustin à exhorter les fidèles à adhérer au corps du Christ par la charité pour que sa voix et la leur ne fassent plus qu’une voix qui monte vers le Père : " Que chacun soit dans le corps du Christ et c’est Lui qui parlera. " S’il nous est relativement facile de penser que le Christ en nous loue son Père, il nous est moins aisé de Le reconnaître priant en nous lorsque cette prière revêt une forme plus humble. " Voici que nous entendons (le Christ) qui gémit, qui prie, qui s’accuse ; nous répugnons à Lui attribuer ces attitudes… Comme si nous craignions de Lui faire injure en affirmant que ces paroles trop humaines sont de Lui, le fils de Dieu, alors que c’est à Lui qu’elles s’adressaient lorsque nous exprimions notre prière à Dieu. Voilà donc notre esprit qui hésite, qui s’efforce de donner une autre interprétation à ces paroles, mais l’Écriture ne lui fournit d’autre solution que d’en revenir là sans pouvoir s’en écarter. " Tout s’explique cependant par le mystère de l’Incarnation. Il suffit que notre esprit s’aperçoive " que Celui qu’il venait de contempler dans la condition divine, a pris la condition d’esclave, s’étant rendu semblable aux hommes… Dans sa condition de Dieu, Il reçoit les prières, dans sa condition de serviteur, lui-même prie : là Créateur, ici créature… faisant de Lui et de nous un seul homme, tête et corps… Que personne donc… ne dise : ce n’est pas le Christ qui les prononce. Qu’il ne dise non plus : ce n’est pas moi. S’il se sait appartenir au corps du Christ, il doit dire à la fois : c’est le Christ qui parle, et : c’est moi qui parle. Tâche de ne rien dire sans Lui, et Lui ne dira rien sans toi. " Cet admirable début de l’enarratio sur le psaume 85 montre bien que le Christ assume toutes les prières de son corps, même les plus humbles, celles qui consistent à demander du secours, à gémir, voire à se reconnaître pécheur, Lui qui est sans péché, bref toutes les formes de la prière de demande. " Quand un des membres fait cette prière, c’est moi qui la fais ", dira, par la bouche d’Augustin, le Christ voulant justifier semblable prière. On comprend l’enthousiasme du prédicateur de l’enarratio 85 en face d’un mystère aussi sublime, œuvre de la grâce divine. C’est encore à cette enarratio que nous emprunterons la conclusion de ce développement : " Dieu ne pouvait faire aux hommes un don plus magnifique que de leur accorder pour tête son propre Verbe par lequel Il a créé toutes choses, afin qu’Il soit tout à la fois fils de Dieu et fils d’homme, un seul Dieu avec le Père, un seul homme avec les hommes ; afin qu’en adressant à Dieu nos prières nous n’en séparions pas le Christ et que le corps du Christ offrant ses prières ne soit point séparé de la tête ; afin que Notre Seigneur Jésus-Christ, fils de Dieu, unique sauveur de son corps, prie pour nous, prie en nous et reçoive nos prières. " La prière chrétienne prend ainsi des dimensions insoupçonnées de qui n’a pas cherché à pénétrer avec Augustin dans le grand mystère du corps du Christ. Le chrétien peut bien désormais prier " dans le secret du cœur ", " dans la chambre close ", " crier au-dedans ", sa prière n’est plus celle d’un individu isolé, replié sur lui-même. Elle est celle du Christ en personne ; et non seulement la prière du Christ n’annihile pas la sienne, mais elle lui donne au contraire toute sa valeur, elle la rend digne d’être entendue par le Père en même temps que par le Fils qui la formule.
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S
Jésus la tête, nous les membres souffrant en son corp ex: ps 1O1<br /> cependant, certaine prière de Jésus sont difficile à lui attribuer ex: le psaume 1O8.<br />  <br />  
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W
C'est la question des psaumes dits "imprécatoires". S. Thomas d'Aquin, qui reprend ce que disait déjà S. Augustin, enseigne que les imprécations contre les ennemis peuvent s'entendre de quatre manières : 1) comme des annonces prophétiques (et non des souhaits) des malheurs à venir ; 2) comme des châtiments temporels qui visent la correction et la conversion des pécheurs ; 3) comme visant le règne du péché, ou du Tentateur (et non les pécheurs) ; 4) comme une volonté d'adhésion à la volonté divine qui châtie ceux qui s'endurcissent dans le péché. Voici le commentaire qu'en fait mon professeur de théologie morale (Servais Th. Pinckaers, dans son livre : La prière chrétienne, Éd. universitaires Fribourg Suisse, 1989, p. 253) : "Les psaumes imprécatoires, étant des prières, comportent nécessairement la remise entre les mains de Dieu du soin de faire la justice selon ses vues à lui qui sont plus pénétrantes que les nôtres et qui associent toujours la justice à la miséricorde. De ce fait, ces prières, si vigoureuses qu'elles soient, contiennent toujours un dépassement du désir de vengeance qui consiste proprement dans la volonté de se faire justice à soi-même, selon ses vues et ses sentiments propres. S'en remettre à un autre, et surtout à Dieu, pour juger de la justice et l'accomplir, produit une ouverture et un dépassement qui brisent le cercle de l'égoïsme vengeur. Les prières imprécatoires sont donc des appels légitimes au jugement de Dieu, mais précisément à cause de cela, elles nous entraînent à remettre notre cause à une justice meilleure que nos idées et nos sentiments humains. Aussi les prières imprécatoires peuvent-elles servir à notre éducation et à notre progrès dans les voies de la justice selon Dieu, qui constitue une dimension nécessaire de la charité et de la miséricorde, car, comme l'écrit saint Thomas à propos de la 5e béatitude : La justice sans la miséricorde est cruauté, et la miséricorde sans la justice est la mère de la dissolution." C'est certainement dans ces dispositions que Jésus a prié et continue de prier ces psaumes. Et l'on peut déplorer le fait que ces psaumes, du moins en partie, ont été supprimés dans la "Prière du Temps Présent". À l'époque, des théologiens, dont le Père Vesco, professeur d'Écriture Sainte à Toulouse, (qui me l'a dit), avaient protesté contre ces suppressions. Malheureusement ils n'ont pas été entendus. Précisons, contrairement à ce que l'on pourrait penser, que ces prières ne se trouvent pas seulement dans l'Ancien Testament. Un seul exemple que je propose à votre méditation : " Lorsqu'il ouvrit le cinquième sceau, je vis sous l'autel les âmes de ceux qui furent égorgés pour la Parole de Dieu et le témoignage qu'ils avaient rendu. Ils crièrent d'une voix puissante : - Jusques à quand, Maître saint et vrai, tarderas-tu à faire justice, à tirer vengeance de notre sang sur les habitants de la terre ? Alors on leur donna à chacun une robe blanche en leur disant de patienter encore un peu, le temps que fussent au complet leurs compagnons de service et leurs frères qui doivent être mis à mort comme eux." (Ap. 6, 9-13) Pour terminer une anecdote assez amusante, racontée par le Père Vesco à ce sujet, lors d'une session sur les Psaumes. Un été il avait été appelé à remplacer pour un temps le recteur du sanctuaire dédié à Ste Marie Madeleine, à la Sainte Baume, en Provence. Avant son départ, le recteur lui montre une urne dans laquelle, chaque jour, les pèlerins déposent leurs intentions de prière. Et le lendemain, il célébrait l'eucharistie à toutes ces intentions. Le premier jour après le départ du recteur, le Père Vesco n'avait pas oublié, et le soir venu, il vide l'urne qui contenait beaucoup d'intentions de prière. Par curiosité il en lit quelques unes, parmi lesquelles celle-ci : "Sainte Marie Madeleine, si tu me débarrasses de mon mari, je te promets de t'aimer plus que le bon Dieu." Il y aurait beaucoup de choses à redire sur cette manière de prier, mais enfin, il vaut mieux prier comme cela ... que d'empoisonner son mari ! Et on ne saura jamais comment le Seigneur et Marie Madeleine s'y sont pris pour rectifier la prière de cette dame, à l'intention de laquelle le Père Vesco a célébré la messe le lendemain. Mais on peut leur faire confiance.

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