Note sur les psaumes "imprécatoires"
Certains Psaumes ou passages de Psaumes qui appellent à la vengeance font difficulté. Et l'on a de la peine à croire que le Christ les a priés. S. Thomas d'Aquin, qui reprend ce que disait déjà S. Augustin, enseigne que les imprécations contre les ennemis peuvent s'entendre de quatre manières : 1) comme des annonces prophétiques (et non des souhaits) des malheurs à venir ; 2) comme des châtiments temporels qui visent la correction et la conversion des pécheurs ; 3) comme visant le règne du péché, ou du Tentateur (et non les pécheurs) ; 4) comme une volonté d'adhésion à la volonté divine qui châtie ceux qui s'endurcissent dans le péché. Voici le commentaire qu'en fait mon professeur de théologie morale (Servais Th. Pinckaers, dans son livre : La prière chrétienne, Éd. universitaires Fribourg Suisse, 1989, p. 253) : "Les psaumes imprécatoires, étant des prières, comportent nécessairement la remise entre les mains de Dieu du soin de faire la justice selon ses vues à lui qui sont plus pénétrantes que les nôtres et qui associent toujours la justice à la miséricorde. De ce fait, ces prières, si vigoureuses qu'elles soient, contiennent toujours un dépassement du désir de vengeance qui consiste proprement dans la volonté de se faire justice à soi-même, selon ses vues et ses sentiments propres. S'en remettre à un autre, et surtout à Dieu, pour juger de la justice et l'accomplir, produit une ouverture et un dépassement qui brisent le cercle de l'égoïsme vengeur. Les prières imprécatoires sont donc des appels légitimes au jugement de Dieu, mais précisément à cause de cela, elles nous entraînent à remettre notre cause à une justice meilleure que nos idées et nos sentiments humains. Aussi les prières imprécatoires peuvent-elles servir à notre éducation et à notre progrès dans les voies de la justice selon Dieu, qui constitue une dimension nécessaire de la charité et de la miséricorde, car, comme l'écrit saint Thomas à propos de la 5me béatitude : La justice sans la miséricorde est cruauté, et la miséricorde sans la justice est la mère de la dissolution." C'est certainement dans ces dispostions que Jésus a prié et continue de prier ces psaumes. Et l'on peut déplorer le fait que ces psaumes, du moins en partie, ont été supprimés dans la "Prière du Temps Présent". À l'époque, des théologiens, dont le Père Vesco, professeur d'Écriture Sainte à Toulouse, (qui me l'a dit), avaient protesté contre ces suppressions. Malheureusement ils n'ont pas été entendus. Précisons, contrairement à ce que l'on pourrait penser, que ces prières ne se trouvent pas seulement dans l'Ancien Testament. Un seul exemple que je propose à votre méditaiton : " Lorsqu'il ouvrit le cinquième sceau, je vis sous l'autel les âmes de ceux qui furent égorgés pour la Parole de Dieu et le témoignage qu'ils avaient rendu. Ils crièrent d'une voix puissante : - Jusques à quand, Maître saint et vrai, tarderas-tu à faire justice, à tirer vengeance de notre sang sur les habitants de la terre ? Alors on leur donna à chacun une robe blanche en leur disant de patienter encore un peu, le temps que fussent au complet leurs compagnons de service et leurs frères qui doivent être mis à mort comme eux." (Ap. 6, 9-13) Pour terminer, voici une anecdote assez amusante, racontée par le Père Vesco à ce sujet, lors d'une session sur les Psaumes. Un été il avait été appelé à remplacer pour un temps le recteur du sanctuaire dédié à Ste Marie Madeleine, à la Sainte Baume, en Provence (aucun lien avec le Da Vinci Code). Avant son départ, le recteur lui montre une urne dans laquelle, chaque jour, les pèlerins déposent leurs intentions de prière. Et le lendemain, il célébrait l'eucharistie à toutes ces intentions. Le premier jour après le départ du recteur, le Père Vesco n'avait pas oublié, et le soir venu, il vide l'urne qui contenait beaucoup d'intentions de prière. Par curiosité il en lit quelques unes, parmi lesquelles celle-ci : "Sainte Marie Madeleine, si tu me débarrasses de mon mari, je te promets de t'aimer plus que le bon Dieu." Il y aurait beaucoup de choses à redire sur cette manière de prier, mais enfin, il vaut mieux prier comme cela ... que d'empoisonner son mari ! Et on ne saura jamais comment le Seigneur et Marie Madeleine s'y sont pris pour rectifier la prière de cette dame, à l'intention de laquelle le Père Vesco a célébré la messe le lendemain. Mais on peut leur faire confiance.
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