L'éducation du chrétien
L'exégèse est à peu près d'accord pour admettre au chapitre 9 une division importante qui commence au v. 51. À ce moment commence le voyage de Jésus vers Jérusalem. C'est une séquence que l'on trouve seulement chez Luc : l'évangéliste y a condensé tout un relevé des paroles et des actes de Jésus particluièrement intéressants.
Par conséquent les chapitres que nous allons étudier se divisent clairement en deux parties : du 5 au 9 et du 9 au 18. Si je devais donner un titre à chacune de ces parties je les intitulerais :
- l'éducation du chrétien (chap. 5 à 9) ;
- la formation de l'évangélisateur proprement dit (chap. 9 à 18).
Bien entendu avec ces deux titres nous n'embrasserions pas tout le contenu de ces chapitres car l'Évangile est un monde qui contient des richesses infinies ; lorsque nous indiquons un titre, c'est seulement pour donner un itinéraire de lecture et pour mettre en lumière quelques aspects du message, en sachant bien que l'on pourrait en souligner beaucoup d'autres.
Examinons brièvement le contenu des permiers chapitres, 5 à 9. Le chapitre 4 constituait "l'ouverture", l'introduction de la scène "Jésus évangélisateur manqué", et contient à lui seul tous les thèmes essentiels chers à Luc, y compris la passion et la mort.
Au chapitre 5 commence l'appel adressé aux disciples, c'est-à-dire le ministère public proprement dit de Jésus. Le contenu de ces chapitres peut se subdiviser comme suit : d'abord une série de sept miracles. Ces miracles vont en quelque sorte par orde d'importance croissante, puisqu'ils se terminent par la résurrection d'un mort. Je vous les rappelle rapidement : la guérison du possédé, cele de la belle-mère de Simon, celles du lépreux, du paralytique, de l'homme à la main paralysée, du serviteur du centurion, la résurrection du fils de la veuve de Naïm. Après un petit temps d'arrêt, voici une autre série de miracles : la tempête apaisée, les guérisons rétrospectives du possédé de Gérasa, de l'hémoroïsse, la résurrection de la fille de Jaïre, la multiplication des pains, la Transfiguration et la guérison de l'épileptique.
Quatorze miracles - deux fois sept - après lasquels le chapitre 9 commence ainsi :
Ayant appelé les douze, il leur donna puissance et autorité sur tous les dméons, ainsi que le pouvoir de guérir les maladies. Puis il les envoya proclamer le Royaume de Dieu et guérir les malades.
Il est intéressant de noter que ce pouvoir fut communiqué aux apôtres après une première série de miracles.
Pour accompagner ces miracles nous avons ensuite les paroles de Jésus qui contiennent différents enseignements : je les grouperai, en gros, sous trois sous-titres, bien qu'il soit difficile de les résumer entièrement. Ce sont avant tout celles que j'appellerai les paroles d'enseignement fraternel, qui traitent essentiellement de l'amour, de la miséricorde, qui montrent comment nous devons répondre de façon éfficace et courageuse à ce qui nous est demandé ; les paroles de polémique qui s'élèvent contre le manque de foi et contre la rigidité religieuse inhumaine des pharisiens (Luc 6, 1-11). Enfin les paroles messianiques ou de renversement des valeurs : "Bienheureux les pauvres ... malheur à vous, ô riches !" Voilà le contenu global des ces chapitres. Tel est le type de formation que reçoivent Pierre, Jacques, Jean, les disciples qui suivent Jésus, restent à ses côtés et se mettent à son école.
Jésus a le souci de leur donner l'éducation du chrétien, c'est-à-dire de les habituer à devenir des hommes responsables, capables de discerner les besoins et les souffrances des autres. On mesure la valeur éducative des miracles auxquels assistent les disciples, et qui font défiler devant eux toutes les souffrances humaines : des maladies aux infortunes, des diverses formes d'obsession mauvaise aux souffrances physiques et psychiques.
Les disciples, se trouvant témoins de ces faits, côtoient ces gens, voient combien le monde renferme de mal, de souffrance, d'abandons, de dépravations et sont amenés à acquérir pour chacune de ces tristes réalités un coeur, une sensibilité, une âme compréhensive. Ils sont ainsi formés à la bonté, à la bienfaisance, à la compassion pour tous les maux des hommes. Ils sont fomés à cette ouverture de coeur que l'on reconnaît comme caractéristique de Jésus : par exemple lorsque Pierre résume l'action de Jésus en disant :
Jésus ... a passé en faisant le bien et en guérissant tous ceux qui étaient tombés au pouvoir du diable (Actes 10, 38).
Jésus fait partager à ses disciples sa compassions sensible, son aptitude à discerner les souffrances et les malheurs d'autrui.