En troisième lieu Jésus forme ses disciples à considérer les problèmes intimes des hommes. Pensons à l'épisode du paralytique :
"Tes péchés te sont remis" ;à cette parole de Jésus :
"Je ne suis pas venu pour les justes, mais pour les pécheurs" ;à la parole concernant la femme pécheresse, prononcée dans la maison de Simon :
"Il lui est beaucoup pardonné parce qu'elle a beaucoup aimé".C'est ainsi que les disciples, qui n'avaient probablement qu'une connaissance très limitée de la vie et ne s'intéressaient vraiment qu'à leur propre famille, comme tous ceux qui se trouvent submergés par le travail et la fatigue, s'habituent à remarquer qu'il y a beaucoup de gens qui ont besoin de compassion, qui souffrent intérieurement, qui sont déchirés de contradictions et qui ont besoin d'une parole de réconfort.
C'est cela qu'implique la formation de l'homme chrétien, en insistant sur le mot "homme", qui désigne une être capable de se tourner fraternellement vers les autres. Il faut reconnaître que cette prescription de Jésus est la plus facile à suivre, car tout ce programme paraît attirant et idéal : fraternité, compassion, bienfaisance. Personne ne pourrait dire qu'il ne lui convient pas. Ces pages de l'Évangile sont les plus connues et elles font apparaître Jésus comme un grand maître en ce qui concerne le souci du bien de l'humanité, même aux yeux de nombreux jeunes qui n'ont pas la foi. Nous voyons quelquefois s'engager dans des oeuvres de dévouement volontaire des jeunes qui n'ont pas une croyance religieuse précise mais qui se proposent spontanément pour aider le prochain, pour servir ; nul ne peut dire que ce soient des orientations vaines ou étranges. Cette première forme d'éducation est donc importante, et l'évangélisateur devra passer par là. Le prêtre, en particulier, pourra saisir les besoins les plus secrets des gens - les plus difficiles à deviner, parce qu'ils touchent au mystère le plus intime de la personnalité - s'il a compris leurs besoins les plus immédiats tels que la maladie, la faim, la solitude, la contrainte sous toutes ses formes ; s'il a su sensibiliser son coeur à toutes ces misères. Ce sont les diaconies "ex-fide" qui sont ainsi pratiquées, les nombreuses formes de service, d'assistance, d'attention aux besoins des pauvres ; ces oeuvres sont essentielles pour conduire aux autres, plus spirituelles.
Une communauté chrétienne vraie et féconde est celle qui sollicité abondamment de ses baptisés des activités de cette nature, qui éduque ses garçons et ses filles dans cette perspective. Sans quoi nous courons le risque d'offrir aux fidèles une nourriture spirituelle supérieure sans avoir compris qu'ils avaient d'abord besoin d'une nourriture plus immédiate et mieux adaptée.
C'est un problème sur lequel il convient de réfléchir avec attention à propos de la formation sacerdotale ; il est bon que le prêtre soit formé dans une atmosphère un peu à part qui favorise l'étude, la prière, l'acquisistion d'une discipline, d'une austérité de vie bien nécessaire et sans laquelle on ne peut résister aux difficultés de la vie sacerdotale.
Il est pourtant tout aussi nécessaire et indispensable que le prêtre passe aussi par ces pratiques de fraternité chrétienne et ne les oublie jamais. On trouve parfois des prêtres qui, dans le but de raffermir un peu l'esprit de leur vocation, se consacrent pendant un certain temps au sirvice immédiat des pauvres, des malades, et retrouvent ainsi le sens de l'Évangile et de la vie considérée comme un don de soi. D'autre part, on peut dire que toute notre vie est liée à cette sorte d'aide, de service, de compréhension d'autrui, en particluier des malades, qui sont réellement le trésor de la communauté, ceux qui ont le plus grand besoin de notre sollicitude.
Je ne peux manquer, à cette occasion, de rappeler l'extrême importance que présente pour nous l'aide aux prêtres malades ; c'est même le point de référence qui permet de vérifier si nous sommes fidèles ou non à cette formation de l'homme chrétien, bien que consacrés plus particulièrement, entre mille services possbibles, au ministère évangélique. Ces jours-ci j'ai justement reçu une lettre d'un prêtre âgé et malade qui assume son état d'une manière remarquable, du point de vue de la foi et de l'acceptation. Il m'écrit, notamment, qu'il prie ardemment à toutes les intentions que lors de ma visite, je lui ai recommandées : l'Église, le pape, le vaste diocèse dont j'ai la charge, les prêtres.
Il me paraît utile de rappeler que nous devons faire resplendir le Christ par la charité envers nos confrères malades : les structures juridiques ne suffisent pas. Il existe, comme vous le savez, quelques prêtres chargés au nom de tout le diocèse de visiter leurs confrères malades pour me rendre compte de l'état de chacun d'eux ; mais le diocèse est si étendu qu'ils ne peuvent contacter ceux-ci que de temps en temps.
Il y aussi le vicaire épiscopal qui fait les visites, il y a l'évêque qui essaie de visiter les cas les plus graves, mais se sont des gouttes d'eau dans la mer : il faut que nous nous y mettions tous ensemble, il faut que chacun pense - même si nous avons beaucoup à faire - à nous ménager un moment de répit pour effectuer une de ces visites. Les malades sont souvent sujets à la mélancolie, en proie à la crainte, ils voient alors tout en noir et une visite peut leur changer les idées, leur rendre la sérénité et la paix.
Cette formation ne cesse jamais, chacun de nous est toujours poussé à s'interroger : comment suis-je capable de pratiquer, dans les situations que je rencontre dans mon entourage, la charité, la fraternité, la miséricorde que Jésus a enseignée et à laquelle il a formé ses disciples, en particulier envers les malades et beaucoup d'autres formes de misère ?