176 Par le travail, l'homme, utilisant son intelligence, parvient à dominer la terre et à en faire sa digne demeure: « Il s'approprie ainsi
une partie de la terre, celle qu'il s'est acquise par son travail. C'est là l'origine de la propriété individuelle ».Centesimus annus, 31 La propriété privée et les autres
formes de possession privée des biens « assurent à chacun une zone indispensable d'autonomie personnelle et familiale; il faut les regarder comme un prolongement de la liberté humaine. Enfin,
en stimulant l'exercice de la responsabilité, ils constituent l'une des conditions des libertés civiles ».GS, 71 La propriété privée est un élément essentiel d'une politique
économique authentiquement sociale et démocratique et la garantie d'un ordre social juste. La doctrine sociale exige que la propriété des biens soit équitablement accessible à
tous,Centesimus annus, 6 de sorte que tous en deviennent, au moins dans une certaine mesure, propriétaires, sans pour autant qu'ils puissent les « posséder
confusément».Rerum novarum, 102
177 La tradition chrétienne n'a jamais reconnu le droit à la propriété privée comme absolu ni intouchable: « Au contraire, elle l'a
toujours entendu dans le contexte plus vaste du droit commun de tous à utiliser les biens de la création entière: le droit à la propriété privée est subordonné à celui de l'usage
commun, à la destination universelle des biens ».Laborem exercens, 42 Le principe de la destination universelle des biens affirme à la fois la seigneurie pleine et entière de
Dieu sur toute réalité et l'exigence que les biens de la création demeurent finalisés et destinés au développement de tout l'homme et de l'humanité tout entière.GS, 69; CEC 2402-2406
Ce principe ne s'oppose pas au droit de propriété,Rerum novarum 102 mais indique la nécessité de le réglementer. En effet, la propriété privée, quelles que soient les formes
concrètes des régimes et des normes juridiques relatives à celle-ci, n'est par essence qu'un instrument pour le respect du principe de la destination universelle des biens et, par conséquent,
en dernier ressort, non pas une fin mais un moyen.Populorum progressio, 22-23
178 L'enseignement social de l'Église exhorte à reconnaître la fonction sociale de toute forme de possession privée,Mater et magistra, 430-431 avec une référence claire aux exigences incontournables du bien commun.Quadragesimo anno, 191-192, 193-194; 196-197 L'homme « ne doit jamais tenir les choses qu'il possède légitimement comme n'appartenant qu'à lui, mais les regarder aussi comme communes: en ce sens qu'elles puissent profiter non seulement à lui, mais aussi aux autres ».GS, 69 La destination universelle des biens comporte, pour leur usage, des obligations de la part de leurs propriétaires légitimes. L'individu ne peut pas agir sans tenir compte des effets de l'usage de ses ressources, mais il doit agir de façon à poursuivre aussi, au-delà de son avantage personnel et familial, le bien commun. Il s'ensuit un devoir de la part des propriétaires de ne pas laisser improductifs les biens possédés, mais de les destiner à l'activité productive, notamment en les confiant à ceux qui ont le désir et les capacités de les faire fructifier.
179 En mettant à la disposition de la société des biens nouveaux, tout à fait inconnus jusqu'à une époque récente, la phase historique actuelle
impose une relecture du principe de la destination universelle des biens de la terre, en en rendant nécessaire une extension qui comprenne aussi les fruits du récent progrès économique et
technologique. La propriété des nouveaux biens, issus de la connaissance, de la technique et du savoir, devient toujours plus décisive, car « la richesse des pays industrialisés se fonde
bien plus sur ce type de propriété que sur celui des ressources naturelles ».Centesimus annus, 32
Les nouvelles connaissances techniques et scientifiques doivent être mises au service des besoins primordiaux de l'homme, afin que le patrimoine commun de
l'humanité puisse progressivement s'accroître. La pleine mise en pratique du principe de la destination universelle des biens requiert par conséquent des actions au niveau international et
des initiatives programmées par tous les pays: « Il faut rompre les barrières et les monopoles qui maintiennent de nombreux peuples en marge du développement, assurer à tous les individus et à
toutes les nations les conditions élémentaires qui permettent de participer au développement ».Centesimus annus 35
180 Si, dans le processus économique et social, des formes de propriété inconnues par le passé acquièrent une importance notoire, il ne faut pas
oublier pour autant les formes traditionnelles de propriété. La propriété individuelle n'est pas la seule forme légitime de possession. L'ancienne forme de propriété communautaire revêt
également une importance particulière; bien que présente aussi dans les pays économiquement avancés, elle caractérise particulièrement la structure sociale de nombreux peuples indigènes.
C'est une forme de propriété qui a une incidence si profonde sur la vie économique, culturelle et politique de ces peuples qu'elle constitue un élément fondamental de leur survie et de leur
bien-être. La défense et la mise en valeur de la propriété communautaire ne doivent cependant pas exclure la conscience du fait que ce type de propriété est lui aussi destiné à évoluer. Agir de
façon à ne garantir que sa conservation signifierait courir le risque de la lier au passé et ainsi de la compromettre.GS, 69
La distribution équitable de la terre demeure toujours cruciale, en particulier dans les pays en voie de développement ou qui sont sortis des systèmes
collectivistes ou de colonisation. Dans les zones rurales, la possibilité d'accéder à la terre grâce aux opportunités offertes par les marchés du travail et du crédit est une condition
nécessaire pour l'accès aux autres biens et services; non seulement elle constitue une voie efficace pour la sauvegarde de l'environnement, mais cette possibilité représente un système de
sécurité sociale réalisable aussi dans les pays disposant d'une structure administrative faible.Pour une meilleure répartition de la terre, 27-31
181 Une série d'avantages objectifs dérive de la propriété pour le sujet propriétaire, qu'il s'agisse d'un individu ou d'une communauté:
conditions de vie meilleure, sécurité pour l'avenir, plus vastes opportunités de choix. Par ailleurs, une série de promesses illusoires et tentatrices peut aussi provenir de la
propriété. L'homme ou la société qui arrivent au point de lui attribuer un rôle absolu finissent par faire l'expérience de l'esclavage le plus radical. Aucune possession, en effet, ne peut
être considérée comme indifférente à cause de l'influence qu'elle a aussi bien sur les individus que sur les institutions: le propriétaire imprudent qui idolâtre ses biens (cf. Mt 6,
24; 19, 21-26; Lc 16, 13) vient à en être possédé et asservi plus que jamais.383 Ce n'est qu'en reconnaissant leur dépendance vis-à-vis du Dieu Créateur et en les finalisant
par conséquent au bien commun qu'il est possible de conférer aux biens matériels la fonction d'instruments utiles à la croissance des hommes et des peuples.