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Praedicatho homélies à temps et à contretemps

Praedicatho homélies à temps et à contretemps

C'est par la folie de la prédication que Dieu a jugé bon de sauver ceux qui croient. Devant Dieu, et devant le Christ Jésus qui va juger les vivants et les morts, je t’en conjure, au nom de sa Manifestation et de son Règne : proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire. Crédit peintures: B. Lopez


Raniero Cantalamessa, La Pauvreté

Publié par Walter Covens sur 1 Octobre 2007, 21:26pm

Catégories : #la vache qui rumine (Années B - C)


    raniero.cantalamessa.jpgAprès la publication des deux petits livres sur l'Obéissance et la Virginité, beaucoup m'ont sollicité pour que je fasse une réflexion analogue sur le thème de la Pauvreté, se montrant même étonnés que j'aie tant tardé. Je voudrais expliquer la raison de ce retard en faisant une confidence. Deux ou trois fois dans le passé, j'ai essayé de traiter le thème de la pauvreté dans la Prédication de l'Avent à la Maison Pontificale. Une fois j'avais même imprimé et diffusé le programme avec ce thème. Mais au dernier moment j'ai toujours été obligé de me retirer. Je me sentais absolument incapable et indigne de traiter un tel sujet. Il me semblait pécher par rapport aux pauvres et par hypocrisie. De quel droit, me disais-je, parlons-nous de pauvreté, quand ce qui pour nous serait considéré aujourd'hui comme une pauvreté quasi héroïque, est un fait normal et de toute la vie pour des millions d'êtres humains, si ce n'est pas même un luxe. Jeûner toute la vie au "pain et à l'eau" serait pour nous le maximum de l'austérité, alors que pour des millions de personnes avoir "le pain et l'eau assurés" serait déjà comme un rêve.

    Comment ai-je fait, cette fois-ci, pour surmonter une telle difficulté ? D'abord en me rappelant l'exemple du Christ. Au temps de Jésus, en Galilée et ailleurs, la pauvreté des foules était-elle moindre que celle d'aujourd'hui ? Et pourtant cela n'a pas empêché Jésus de proposer l'idéal de pauvreté. Au contraire, il faut faire de cette situation de pauvreté une incitation de plus à redécouvrir l'idéal de pauvreté volontaire, de la sobriété et de la simplicité de vie. Qu'est-ce donc qui engendre les pauvres et les maintient dans cet état, sinon la recherche immodérée de la richesse et du confort de la part de quelques autres ? Et qui est en mesure de comprendre vraiment les pauvres et d'épouser leur cause, sinon les pauvres volontaires ?

    Il y a quelqu'un, me suis-je dit, qui a tous les droits pour parler encore aujourd'hui de pauvreté : c'est Jésus Christ. Donc je le laisserai parler, le plus directement possible. La parole de Dieu est "vivante et éternelle", et elle est inépuisable. Aujourd'hui encore elle a quelque chose de nouveau à nous dire sur la pauvreté. Projetons alors des paroles de Dieu comme des faisceaux de lumière sur notre réalité ; faisons-les flamboyer comme des épées enflammées, ou comme des phares qui, la nuit, explorent la mer de part en part. Ou plutôt, plaçons-nous devant elles comme devant un miroir et regardons-nous y.

    Faire mémoire de l'exemple de mon Séraphique Père saint François m'a été aussi une aide. Dans sa Règle, après avoir présenté aux siens l'idéal de la très haute pauvreté, il écrit :
J'avertis et je prie mes frères de ne pas mépriser et de na pas juger les hommes qu'ils voient se vêtir d'habits somptueux et de couleurs recherchées et témoigner d'une recherche exagérée dans le boire et le manger, mais que chacun, plutôt, se juge et se méprise lui-même. (Règle définitive (1223), chap. 2)
    Il est donc possible de parler de pauvreté avec une clé exclusivement positive, sans devoir juger personne, mais uniquement soi-même. Le ver qui a toujours ruiné la prédication de la pauvreté dans la chrétienté et l'a rendue suspecte a été la tendance à l'exiger des autres, à en faire toujours un chef d'accusation contre quelqu'un.

    La grandeur et la nouveauté de François a été de briser cette habitude. À une époque où beaucoup criaient à tue-tête contre la richesse et la corruption de l'Église institutionnelle, il a éliminé tout reproche de sa vie, il a exclu tout "contre". Il n'a pas été polémique contre l'Église hiérarchique ; il n'a même pas voulu faire de la polémique contre ceux qui en faisaient, avec l'Église, contre les hérétiques. Il a été le plus bel exemple de ce que Yves Congar a défini comme "la vraie réforme" dans l'Église : la réforme non par voie de critique, mais de sainteté.

    Pour moi, m'abstenir de toute critique envers les autres devrait être beaucoup plus facile que pour saint François. Il était pauvre ; moi, malheureusement je ne le suis pas, ou du moins pas assez. Un ancien Père donnait ce conseil à qui est contraint, par devoir, de parler de choses spirituelles auxquelles il n'est pas encore arrivé dans sa vie :
Parle comme quelqu'un qui appartient à la classe des disciples et non avec autorité, après avoir humilié ton âme et t'être fait le plus petit de tous tes auditeurs.
    C'est ainsi que moi aussi, je m'efforcerai de parler de la pauvreté dans ces méditations. Je fais miennes les paroles prononcées par saint Grégoire le Grand dans une situation semblable à la mienne :
Je parlerai afin que le glaive de la parole de Dieu, en passant par moi, parvienne à transpercer le coeur du prochain. Je parlerai afin que la parole de Dieu résonne aussi contre moi à travers moi.

Raniero Cantalamessa, La Pauvreté, Éd. des Béatitudes 1998, p. 6-8


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