Le rejet du pape Benoît XVI par les cardinaux déclenchera une situation sans précédent
Écrit par fr Alexis Bugnolo (10/11/2022) - Traduction française autorisée : père Walter Covens
La place du Successeur de saint Pierre dans le dessein salvifique de Dieu.
Dieu seul connaît les temps et les lieux où chacun de nous sera appelé à se tenir devant le trône du Christ et à recevoir le jugement de sa vie. Et ce jugement sera inexorable et infiniment juste dans tous ses détails. Mais jusqu'à ce moment, nous devons vivre comme Ses humbles serviteurs, en confessant nos péchés et en travaillant pour le bien de Son Église, qui est Son Épouse Mystique sur Terre.
Au cours des siècles, l'Église est en pèlerinage depuis la Pentecôte, où elle est née parmi les hommes et s'est manifestée pour la première fois aux non-croyants, jusqu'au Banquet de mariage éternel et final du Ciel, où elle célébrera ses noces avec le Christ Roi.
Et pour s'assurer qu'Elle arrive saine et sauve à ce Jour des jours, Notre Seigneur et Maître Jésus-Christ l'a confiée en temps voulu à Saint Pierre et à ses successeurs, afin que de génération en génération, au cours de ce long pèlerinage, Elle ait une main fidèle pour la guider sans erreur jusqu'à cette fête magnifique.
Une brève histoire de l'élection des Pontifes romains
Liste de tous les papes
Chaque pape de la succession apostolique à Rome accepte ce devoir lorsqu'il accepte son élection comme évêque de Rome. Mais au cours des âges, cette élection s'est déroulée selon des modalités différentes.
Tout d'abord, à la mort de saint Pierre, c'est très probablement saint Paul Apôtre qui a présidé à la première élection d'un pape, saint Lin, quand, par crainte des persécutions, l'Église de Rome s'est réunie en secret pour élire son propre évêque, fidèles, clercs et consacrés confondus. En ces temps-là, l'Église de Rome présidait à toute la vallée du Tibre, s'étendant des collines de Toscane à celles d'Albanie, et de l'arrière-pays du Tibre aux rives de la mer Tyrrhénienne.
Nous ne savons rien de plus précis sur la première élection d'un pape. Il ne s'agissait pas d'un conclave, car ce terme provient des premières élections du XIIIème siècle (1216 ?, 1241 et surtout celle de 1269 à Viterbe) conduites sous clef, pour éviter que les cardinaux ne tardent trop à se prononcer.
Au cours des âges, les élections des Pontifes romains ont généralement eu lieu dans la Province romaine, dans un lieu quelconque, pas toujours à Rome, mais toujours là où se réunissaient ceux qui avaient le droit d'élection. Dans les premiers âges, le droit d'élection concernait chaque membre de l'Église, mais dans les âges suivants, il a été limité aux évêques des diocèses de la ville et de la banlieue (diocèses satellites autour de Rome).
Le pape Nicolas III a rédigé l'une des premières lois pour les élections papales en 1059 - In Nomine Domini, 13 avril 1059 - et FromRome.Info a publié la seule traduction anglaise disponible sur Internet, ICI.
Une longue explication historique des élections papales est maintenant disponible sur Wikipedia, qui contient d'autres informations sur les élections du pape à travers les âges, bien que celles-ci se trouvent sous le terme anachronique de Conclave ICI (NDT : en français, plus succinctement ICI).
Au début, les élections papales se sont déroulées selon la Tradition Apostolique, c'est-à-dire le précédent établi par l'apôtre saint Paul lorsqu'il a présidé à l'élection de saint Lin. Saint Pierre, ayant établi son Siège à Rome, l'a légué à l'Église de Rome à sa mort. Il est important de noter que l'Église de Rome n'est pas un diocèse séparé des autres diocèses de l'Église, mais qu'elle est l'Église fondée par Jésus-Christ sur Pierre, dont tous les autres diocèses ont été séparés.
Ainsi, l'Église de Rome a toujours suivi ses traditions et ses règles particulières pour l'élection des évêques et n'a jamais respecté les règles qui ont été établies ailleurs, même dans les conciles généraux, pour les autres diocèses.
Jusqu'à ce qu'il y ait une loi papale pour l'élection d'un Pontife Romain, on disait que les élections étaient valides ou non. Une fois qu'une loi papale était promulguée, on disait qu'elles étaient légitimes ou non. Une fois que les papes ont établi des canons pour régir le processus, on disait qu'ils étaient canoniques ou non. Dans la Règle de saint François d'Assise, promulguée en 1223 par le pape Honorius III, nous trouvons que saint François promet "de faire preuve de révérence et d'obéissance envers le seigneur pape Honorius III et ses successeurs canoniquement élus".
La limitation contenue dans la loi papale actuelle sur les élections papales
De nos jours, les Papes sont élus selon la Loi papale, Universi Dominici gregis, promulguée par le Pape Jean-Paul II en la fête de la Chaire de Saint Pierre, le 22 février 19961. Mais puisque le Code de droit canonique de 1983 précise que les élections doivent se faire par une loi spéciale, cette loi spéciale, on peut dire que ces élections sont à la fois canoniques et légitimes, bien qu'il soit préférable de dire qu'elles sont légales ou non.
Une lecture attentive de la loi papale sur les élections révèle cependant que cette loi papale a un caractère provisoire, puisqu'elle interdit aux cardinaux électeurs d'élire un Pontife Romain par tout autre moyen que de suivre toutes les prescriptions de cette loi. Ainsi, puisque cette loi exige qu'ils se réunissent en conclave avant le 21ème jour après la mort du Pontife Romain, s'ils ne le font pas, ils perdent tout droit d'élire le Pontife Romain. Et si un tel événement devait se produire sans qu'une force majeure n'intervienne, alors la loi ne serait plus en vigueur2.
Que ferait alors l'Église de Rome ? Puisque cette Loi, dans sa promulgation, annule explicitement toutes les lois antérieures, une telle élection devrait être conduite selon la Tradition Apostolique, puisque c'est la seule règle qui ne peut être abolie par un Pontife Romain. En fait, chaque loi et canon papal concernant les élections papales n'a été qu'une application de ce droit selon un ou plusieurs arrangements pour la spécification et la réduction des électeurs à certaines conditions.
J'ai déjà abordé ce sujet, le 31 août 2020 ICI, mais il sera utile d'en reparler.
Sans une loi papale, alors toutes ces spécifications et réductions d'électeurs deviennent caduques.
Le rejet du pape Benoît XVI par les cardinaux déclenchera une situation sans précédent
Comme je l'ai déjà dit, ce point de vue concernant l'élection d'un Pontife romain avec tous les Cardinaux électeurs manquant à leur devoir, n'est pas simplement une hypothèse ou une spéculation inutile, puisque maintenant l'Eglise de Rome risque d'être confrontée de plein fouet à une telle situation.
En effet, le pape Benoît XVI n'a pas renoncé à la papauté. Et pourtant, tous les Cardinaux électeurs reconnaissent publiquement l'antipape et usurpateur, qui est un hérétique manifeste et même pas un chrétien dans ses croyances personnelles, comme il l'a manifesté à de nombreuses occasions publiques.
Les Cardinaux ne peuvent donc pas se réunir en conclave pour élire un successeur au Pape Benoît XVI. Et cet échec déclencherait alors le recours à la Tradition Apostolique, au motif que la loi papale rendrait alors illégal pour eux l'élection d'un quelconque pape à une date ultérieure.
La seule façon d'éviter cela est qu'au moins un cardinal électeur se déclare publiquement pour le pape Benoît XVI et se réconcilie avec lui avant sa mort. La déclaration publique et la réconciliation sont toutes deux nécessaires, car, en raison de leur communion publique avec un antipape hérétique, ils sont impliqués dans le crime public de schisme, par lequel ils perdent tout droit d'élire un pape, car ils perdent tout droit à la dignité du cardinalat.
L'élection d'un Pontife Romain selon la Tradition Apostolique
L'élection du pape Benoît XVI pourrait donc être la première élection d'un pape selon la Tradition apostolique depuis 769 après J.-C., date à laquelle le Synode du Latran a aboli le droit des laïcs de participer à l'élection. Cette abolition fut elle-même abolie par la clause générale de la loi papale actuelle, qui abolit toutes les lois précédentes.
Ainsi, il n'y aura vraisemblablement pas de loi papale pour régir l'élection du successeur du pape Benoît XVI, ce qui est peut-être ce qu'il a signifié dans sa Declaratio lorsqu'il a parlé de la suppression des cardinaux (vobis decisionem) et d'une future élection par ceux à qui il appartient de le faire (ab his quibus competit).
Il est important de noter ici que si le Pape Benoît XVI dans son Testament, dont il a parfois parlé, établit quelque chose à cet égard, si cela n'est pas publié de son vivant, cela n'a aucune force juridique, car une loi papale doit être promulguée pendant la vie du Pape, puisqu'il n'a aucune autorité après sa mort. De même, s'il a réconcilié en secret un cardinal, cette réconciliation ne peut être retenue comme authentique que si elle est accompagnée d'un document signé par des témoins dignes de confiance et revêtu de son sceau, de son vivant.
Le rôle du droit canonique dans une telle élection selon le droit apostolique
Cela ne signifie pas que les principes généraux du droit canonique doivent être ignorés. Si tous les fidèles pourront participer, ils doivent au moins, selon la norme du droit canonique, être en mesure de participer : ils doivent être baptisés selon le rite romain et avoir atteint l'âge de raison ; ils doivent avoir reçu le sacrement de la confirmation, qui fait d'une personne un adulte dans l'Église ; ils doivent être exempts de censures ecclésiastiques imposées par les vrais papes ; et ils doivent résider, selon le droit ecclésiastique, dans le diocèse de Rome ou dans l'un des diocèses de la banlieue, qui font tous partie de l'Église de Rome selon la coutume ecclésiastique.
Ce nombre de fidèles, tous électeurs, comprend tous les catholiques qui déclarent que le pape Benoît XVI était le vrai pape. Ce nombre comprend les cardinaux de l'Église romaine, qu'ils soient électeurs ou non, les archevêques, les évêques, les monseigneurs, les pasteurs, les prêtres, les diacres, les séminaristes, et tous les religieux qui sont membres de congrégations de rite diocésain dans l'un des diocèses que j'ai mentionnés, qui résident à Rome ou dans l'un d'entre eux. Ceci inclut les laïcs de toute condition et de tout rang dans la vie, depuis la femme au foyer jusqu'au chef des familles nobles romaines.
Le clergé incardiné dans le diocèse de Rome, quel que soit son lieu de résidence, et les cardinaux électeurs ou non, se repentant de leur schisme dans un acte public avant ou au début d'une telle élection, peuvent également participer, quelle que soit leur résidence, puisque par leur dignité de cardinal ils sont princes de l'Église de Rome.
Aucun membre des loges maçonniques, quel que soit le rite ou l'observance, ne peut participer, puisque ceux-ci sont excommuniés par le droit canonique, comme l'a rappelé le cardinal Ratzinger il y a plus de 40 ans.
Les archevêques et les évêques d'autres diocèses peuvent assister simplement en tant que témoins, mais ils ne peuvent pas prendre la parole sans autorisation, et on ne peut pas leur accorder le droit de vote.
Pour être résident, il faut avoir fait sa demeure à Rome ou dans l'un de ces diocèses au moins 1 an avant l'élection et l'avoir fait en abandonnant sa résidence physique dans tous les autres lieux, sans intention d'y revenir.
Conditions de temps et de lieu et convocation des électeurs
Il n'y a pas de condition précise quant à la date de l'élection, bien que je sois d'avis, pour lever tout doute canonique, qu'elle soit tenue au plus tôt le 22ème jour après la mort du Pontife Romain, afin d'exclure toute prétention des Cardinaux électeurs d'avoir conservé le seul droit d'élection.
Elle peut être tenue en tout lieu du territoire de l'Église de Rome, comme je l'ai déjà mentionné.
Je crois qu'il y a un argument solide pour dire que la convocation des fidèles de l'Église de Rome doit être faite par le clergé de Rome, s'il y en a qui sont en communion avec le pape Benoît XVI - et à ma connaissance, il y en a. En fait, j'en connais au moins deux, et il y en a probablement beaucoup plus que cela.
L'élection peut se faire par acclamation populaire ou par vote public ou secret, mais la méthode d'élection doit être convenue par les électeurs. Il faut également décider si un vote est considéré comme valide à la majorité ou aux deux tiers.
La question de savoir si l'élection doit être modérée est également une décision qui doit être prise.
Si une quelconque simonie est impliquée, elle invaliderait l'élection d'un élu en vertu de l'influence de celle-ci, selon les normes générales du droit canonique. C'est le seul point, où les canons de l'Eglise imposent une règle plus stricte que la loi papale actuelle, qui permet explicitement une élection simoniaque valide, en raison du fait qu'un Conclave se tenant en secret, rend impossible la détermination de l'implication de la simonie par le reste de l'Eglise.
Je crois cependant que le moment et le lieu de l'élection devraient être rendus publics à l'avance, afin de lever tout doute sur le fait que c'est l'Église de Rome et non un groupe privé, qui agit.
Qui peut être élu successeur du Pape Benoît XVI ?
En ce qui concerne l'élu, le droit canonique reste en vigueur, à savoir qu'un tel élu doit être un catholique, quel que soit le rite dans lequel il a été baptisé, de sexe masculin, en âge de raison, libre de toute censure ecclésiastique sous le pape Benoît XVI ou ses prédécesseurs. Mais il n'est pas nécessaire qu'il soit cardinal, archevêque, évêque, prêtre, diacre ou même séminariste ou religieux. Mais il doit être célibataire, c'est-à-dire ne pas être actuellement dans un mariage sacramentel, ni dans un mariage civil, et être libre de l'obligation morale de s'occuper d'enfants. Il doit être de bonne réputation morale et capable de diriger. Il n'est pas nécessaire qu'il soit le citoyen d'une nation particulière, ni un résident de la Cité du Vatican ou un membre de la Curie romaine. Il doit être un mâle biologique de naissance, et ne peut pas être mutilé ni avoir eu un changement de sexe. (Hélas, cela doit être précisé en raison du monde pervers dans lequel nous vivons).
Mais il doit être une personne dont il est publiquement connu qu'elle n'a pas participé au schisme et aux trahisons contre le Pape Benoît XVI, sinon de sérieux doutes quant à la légitimité de son élection surgiront, car beaucoup diront certainement que les ennemis du Pape Benoît XVI ont pris le contrôle de l'assemblée - et puisque les schismatiques et les hérétiques ne peuvent pas être élus Pape, des doutes surgiront quant à la validité du processus d'élection.
Cependant, selon mon jugement, je pense qu'il devrait au moins connaître le latin et avoir étudié la théologie, car sinon comment pourrait-il gouverner l'Église ?
Celui qui sera élu n’a pas à être présent à la convocation, il peut être n’importe où dans le monde. Toutefois, s’il n’est pas présent, son consentement à accepter son élection doit être attesté par au moins trois témoins qui lui parlent par téléphone ou par vidéoconférence. Il faudrait que la convocation délègue les personnes concernées.
Et si une telle élection doit avoir lieu, alors l'élu doit être prêt à être crucifié, car, sans aucun doute, tout l'enfer élèvera la voix contre lui, et il sera persécuté d'un bout à l'autre de la terre.
Les pouvoirs et les droits de l'élu entrent en vigueur dès qu'il accepte son élection
L'élection sera valide si elle se déroule selon les normes et faits canoniques généraux ci-dessus. Dès que l'élu accepte son élection, il devient le Successeur de Saint Pierre, même s'il n'a pas encore été consacré évêque ou n'est même pas prêtre3. À partir de ce moment, il a le plein pouvoir du Vicaire du Christ pour gouverner et légiférer et peut réconcilier tout cardinal, archevêque, évêque, prêtre, diacre ou séminariste, qui est en schisme ou sous le coup d'une censure. Il peut également commencer à remettre l'Église en ordre en excommuniant formellement les rebelles et en réconciliant les repentis. Il est cependant de meilleure opinion, à mon avis, que le pape n'a le droit d'exercer le pouvoir d'enseigner qu'après son ordination épiscopale, mais c'est là une question sujette à controverse. Je maintiens cette opinion, parce que le munus d'enseigner les fidèles n'est contenu que dans le sacrement de la consécration épiscopale, qui même s'il est distinct du munus pétrinien, a une relation nécessaire avec lui, puisque celui qui est élu l'est pour être l'évêque de Rome, et non pas seulement ou uniquement le vicaire du Christ ou le successeur de saint Pierre.
NOTES DU RÉDACTEUR
(1) Notons que, dans son Motu proprio, qui publie la présente Loi pontificale, le Pape Jean-Paul II déclare : « C’est précisément pour cette raison, tout en reconnaissant que les théologiens et les canonistes de tous les temps conviennent que cette institution n’est pas de sa nature nécessaire à l’élection valide du Pontife romain, » — Il reconnaît donc qu’il existe une autre façon d’élire le Pontife romain. Cela fait partie de sa disposition secrète — à mon avis — de la renonciation pontificale qui exigeait celle du munus, canon 332 §2) qui, si elle passait inaperçue à tous les cardinaux électeurs, dans une tentative de coup d’État contre le pape régnant, permettrait une élection de Droit Apostolique, dont traite cet article.
(2) Parce qu’il peut être raisonnablement argumenté, dans le cas d’une extrême nécessité induite par des menaces extérieures (ex. occupation de Rome par une force militaire ou un gouvernement hostile) ou des situations impossibles (ex. Rome étant détruite par une attaque nucléaire), que les cardinaux ont l’autorité qui leur est accordée par la Loi pontificale pour organiser un conclave à une date ultérieure. Cela ne peut être fait, s’ils sont en schisme avec un antipape, cependant, car dans un tel cas, ils ne peuvent pas exercer leurs droits d’élire le Successeur du vrai Pontife romain.
(3) Tel est l’enseignement de saint Grégoire VII, qui a été mis en œuvre lors de l’élection du pape Adrien V, même si le canon 332 §1 stipule que « la pleine et suprême puissance » (termes qu’il ne définit pas) est obtenue après la consécration épiscopale. Cf. Juan Ignazio Arrieta, éd., Codice di Diritto canonico, commentaire sur le canon 332 §1.