Traduction française autorisée du commentaire : père Walter Covens
Une fois de plus, la Fraternité Saint-Pie X se précipite pour défendre la légitimité du prétendu pontificat de Jorge Mario Bergoglio, et cette fois c'est un désastre épique sous la forme d'une interview podcast/vidéo du Père Tranquillo, FSSPX. (Il a été confirmé à FromRome.Info, que le prêtre est bien Don Mauro Tranquillo, un membre italien de la Société).
Je m'abstiens autant que possible de critiquer les prêtres, mais lorsqu'il s'agit du salut des âmes, je ne peux pas me taire, et voici donc une liste des erreurs de cette vidéo, qui est un enchaînement d'erreurs, de mensonges, de faussetés, de mauvaises orientations, de mauvaises interprétations, de mauvaises traductions, le tout avec un joli sourire.
"Un Pape peut-il abdiquer ?"
Ici, la question est elle-même erronée. Dans les documents de l'Église, le mot "abdication" n'est jamais appliqué au pape ou à un évêque. Dans le droit de l'Église, le terme est "renonciation", dans le langage courant, on parle de "démission" ou de "retraite" du Pape. Dans les discussions intelligentes, si vous ne pouvez même pas utiliser la terminologie de base, vous pouvez tout aussi bien ne pas allumer la caméra.
Le Père Tranquillo répond en déclarant que le fait qu'un Pape puisse abdiquer, est un dogme de l'Eglise. Il y a deux erreurs ici. Un dogme est une vérité qui est contenue dans le dépôt de la foi et qui peut être définie comme telle. La doctrine concerne tous les autres enseignements qui découlent d'une ou de plusieurs vérités révélées, comprises conjointement avec des vérités non révélées. Les premières sont vraies avec une certitude connue sur le témoignage de Dieu, auteur de l'Écriture, ou de l'Église lorsqu'elle témoigne de la Tradition. Les autres peuvent également être connues avec certitude, mais dans la mesure où une vérité non révélée peut être plus ou moins certaine, la conclusion peut également être plus ou moins certaine.
Ainsi, lorsque le pape Boniface VIII - et non pas saint Célestin V - a publié le rescrit "Quoniam" (voir le texte et la traduction anglaise ICI), il a enseigné magistériellement, mais comme cela concerne quelque chose qui n'est pas révélé dans l'Écriture, ce n'est pas un dogme, ni un enseignement infaillible, car cela concerne simplement le droit de renoncer à une fonction, qui est un droit naturel. Il ne cite aucune bulle de Célestin V.
Il ne s'agit donc pas d'un enseignement défini ni révélé par Dieu.
De plus, Boniface VIII n'a rien dit de l'"abdication", ni de la "renonciation", il a simplement affirmé qu'un Pape peut "démissionner". Donc matériellement, factuellement et formellement, le Père Tranquillo a tort sur tous les points !
Il a également tort lorsqu'il affirme que l'Église a "canonisé" des "papes" qui ont "abdiqué". En fait, elle n'a canonisé qu'un seul pape, Célestin V, mais pas en tant que pape, mais en tant que saint ermite. Les autres papes qui sont considérés comme des saints ont vécu avant l'époque des canonisations.
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Je passe sur les insultes avant et après cette question, qui traitent ceux qui sont fidèles au pape Benoît XVI et au droit canonique, de "types de sédévacantistes" ou ceux qui doutent de la validité de la renonciation, de "fondés sur l'ignorance", dont la vérité est exactement le contraire. Je passerai également sur l'absurdité proférée par le laïc, interrogateur, qui dit que si l'on peut refuser l'élection au poste de pape, alors logiquement on peut abdiquer. Il a tort de faire cette comparaison, car l'homme qui n'a pas encore accepté n'a rien à voir avec la fonction papale. La véritable justification de la capacité de démissionner de la fonction papale est que celui qui accepte peut licitement rejeter ce qu'il accepte, puisque ce qui est en son pouvoir d'accepter est en son pouvoir de rejeter (tant que la chose acceptée n'est pas, par sa nature même, de la volonté divine pour la personne qui accepte, d'être acceptée : comme une vocation, ou un enfant).
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"Pour avoir une bonne, une vraie abdication, il suffit d'un acte volontaire, d'un acte libre", dit le Père Tranquillo.
Faux. Le canon 332 section deux dit que pour qu'un pape cesse d'être pape, il doit
1. renoncer
2. au Munus Pétrinien
3. Librement
4. Et exprimer manifestement une telle renonciation au munus dûment.
"Le Pape qui abdique n'est soumis à aucune loi positive"
Faux et trompeur. Celui qui renonce est l'homme qui a accepté, et donc il est soumis à la loi. Car comme le dit le canon 12 §1, tous ceux pour qui il y a un canon sont soumis à la loi. Et il y a un canon concernant les renonciations papales (canon 332 §2), donc l'homme qui est pape y est soumis.
"Même dans ce cas (d'être contraint par la fermeture de la banque au moment de la démission), ce n'est pas valide" - les actes volontaires ne sont invalides que dans le cas de menaces qui sont déclarées invalidantes par le droit positif.
Tous deux totalement faux. Il s'agit d'une attaque directe contre la raison et la réalité elles-mêmes. Si une menace quelconque est exercée sur une personne qui est censée poser un acte libre, pour la contraindre à faire ce que, sans cette menace, elle ne ferait pas, l'acte n'est PAS volontaire, mais forcé. Et en tant qu'acte juridique, il est invalide et peut être contesté. Dire que la loi écrite doit spécifier les cas dans lesquels les menaces rendent les actes volontaires invalides, permettrait de toujours pouvoir trouver une menace pour faire poser un acte par un sujet, et échapper à la justice et voler le droit. Ce que dit ce prêtre, c'est la logique d'un avocat de la mafia, et non d'un sens sain de la société humaine ou du droit des contrats. - Ce prêtre, aussi, a la morale d'un pédophile, parce que si l'acte sexuel d'un mineur est fait par lui sous la menace, et que cela soit considéré comme libre et consensuel malgré la menace, toute sorte d'abomination s'ensuivrait.
"Il doit juste faire en sorte que CE soit clair pour tout le monde"
Le Père Tranquillo est un orateur tortueux. Il ne dit jamais qu'un pape doit manifester un renoncement. Il appelle ce qu'il doit faire un CE, mais ne dit jamais ce que c'est que ce CE. Il souligne seulement qu'il doit LE faire librement. Et ainsi il contourne l'ensemble du Canon 332 §2. Alors que, si vous manifestez autre chose qu'une renonciation au munus papal, vous n'avez clairement pas précisé ce que vous avez fait ou ce à quoi vous avez renoncé. Il a également tort de dire que tout comportement avant et après doit être observé pour savoir ce que l'acte signifiait.
"Il suffit que vous compreniez le sens des mots. C'est ce que dit la loi."
Faux. J'aimerais vraiment savoir où se trouve dans le Droit Canon une manoeuvre si astucieuse pour interpréter les actes des supérieurs, car je suis sûr que nous aimerions tous en faire bon usage. Mais tel qu'il est, le Droit Canon ne dit jamais une telle chose, parce que sinon ce serait le chaos dans l'Eglise, avec chacun faisant ce qu'il pense que son supérieur veut qu'il fasse, sans aucune obligation de communiquer réellement aux sujets sans équivoque ce qui doit être fait. Au contraire, le Canon 41 dit que le sujet a le droit d'omettre toute réponse au commandement ou à l'acte d'un supérieur, s'il n'y a rien de clair à ce sujet. Et le Canon 40 dit que si l'acte semble incomplet ou contenir des imperfections intégrales, il ne peut être mis en œuvre.
"Et les traductions qui sont sorties par la suite sont correctes"
Que puis-je dire à ce sujet, mais ce prêtre est soit totalement ignorant, soit le plus grand menteur de ce côté du Texas. Voici mon étude de toutes les traductions vernaculaires pour ne mettre en évidence que quelques-unes des erreurs majeures de toutes ces traductions.
"La distinction entre ces deux mots (munus et ministerium) n'a pas de sens !"
C'est un mensonge éhonté et ignorant. Munus et ministerium ont eu des existences parallèles depuis plus de 2500 ans, et en droit canonique ils ne sont jamais utilisés pour signifier la même chose. Même le pape Benoît XVI les utilise de manière distincte. Nous, qui sommes fidèles au droit canonique, n'avons pas inventé cette distinction et le canon 17 exige que tous reconnaissent qu'ils signifient des choses distinctes, puisque le droit canonique les utilise de cette manière, comme je l'ai prouvé dans mon article académique qui n'a jamais été réfuté par quiconque en presque 2 ans. (voir ICI)
"Jean-Paul II dit 'l'exercice du ministère de saint Pierre'. Si ministère a toujours eu le sens d'"exercice", alors pourquoi dire, l'"exercice du ministère" ?"
Je peux répondre à cette question. Si quelqu'un dit : "J'aime l'exercice du baseball, donc le baseball est un exercice", il argumente mal, car, sous l'aspect du mouvement physique, la pratique du sport du baseball implique un exercice et peut être appelé tel matériellement. Mais formellement, le baseball est un jeu de sport, qui implique et nécessite un mouvement physique, mais ce n'est pas un exercice, comme celui que l'on fait dans une salle de gym. De la même manière, le mot "ministerium", ne signifie pas toujours les actes accomplis par celui qui a le pouvoir et l'autorité d'une charge, mais il signifie aussi la collectivité du service rendu par la charge. Ainsi nous disons le ministère sacerdotal, mais nous disons aussi le ministère de la prédication. Je peux donc dire que j'abandonne le ministère de la prédication sans que cela signifie que j'abandonne le sacerdoce. Je peux aussi dire que je renonce à l'exercice du baseball, mais cela ne signifie pas que pour des raisons autres que celle de l'exercice, je refuse le baseball. Si vous avez appris à utiliser les génitifs au lycée, vous savez qu'il existe plusieurs types de génitifs, et pas seulement un.
Mais la vraie raison étymologique pour laquelle ministerium n'est pas munus, est que celui qui a le munus pétrinien détient le magistère, et vous ne pouvez pas renoncer au magistère en renonçant au ministerium, pas plus que vous ne pouvez renoncer à être le propriétaire d'un palais parce que vous renoncez à gérer les horaires de nettoyage des majordomes.
"De telle sorte que"
Le pape Benoît n'a jamais dit, quomodo. Il a dit ita ut. Donc le Père (Tranquillo), en utilisant la mauvaise traduction préparée par le Vatican, profère un mensonge.
"Le siège de Saint Pierre soit vacant"
En fait, le Pape Benoît XVI a dit que le siège de Saint Pierre vacet, ce qui ne signifie pas vacant, mais inutilisé ou libre. Un sede vacante existe quand un pape meurt ou renonce au munus. Vous pouvez renoncer à tout autre chose dans le monde, comme pape, mais le siège ne sera pas vacant. Il est donc malhonnête de traduire vacet par vacant, lorsqu'une renonciation au munus ne précède pas. Parce que si vous le faites, alors vous utilisez une fausse traduction qui est contraire aux faits, pour soutenir une fausse conclusion qui est contraire à la loi. Ce genre de choses fonctionne en enfer, mais pas dans l'Église qui est "la colonne et le rempart de la vérité" (l'apôtre saint Paul).
"Et un nouveau pontife doit être élu"
Une fois de plus, le pape Benoît XVI n'a jamais dit quoi que ce soit de ce genre. En latin, "doit" est signifié par "oportet" ou "debet", et le Saint-Père n'a utilisé ni l'un ni l'autre. Il a utilisé le futur passif périphrastique, convocandum esse, qui est simplement requis dans une clause subordonnée où l'on souhaite signifier le futur. De plus, puisque le Pape a spécifié que ce Conclave devait être convoqué par ceux qui étaient compétents, vous ne pouvez clairement pas soutenir que les Cardinaux assis en face de lui étaient ces hommes, puisque c'est proprement une insulte d'omettre les mots, "vous mes Frères Cardinaux", dans un moment aussi solennel si vous convoquiez réellement un Conclave. En outre, la phrase concernant la convocation d'un conclave ne suit pas ita ut que le Père traduit erronément par "de telle sorte que", mais dépend de "je déclare", et n'a donc aucune fonction structurelle dans l'interprétation de ce que la renonciation au ministerium entraîne. En outre, si la renonciation est valide, il n'y a aucune raison de convoquer un Conclave, car ni l'homme qui est pape, ni le pape en tant que pape n'ont le pouvoir de convoquer un Conclave. Un Conclave n'a lieu que lorsqu'il n'y a pas de pape et est convoqué par la loi papale pour sede vacante.
Remarques finales
Je laisse à mes lecteurs le soin de détailler toutes les autres erreurs du Père Tranquillo. Le Père dit, à peu près au milieu de cette vidéo, qu'il ne faut pas utiliser les choses qui ne sont pas claires pour interpréter les choses qui sont claires. Et je suis d'accord. Je demande donc pourquoi il utilise de fausses affirmations et des traductions erronées pour imposer un sens au texte réel, qu'il cache commodément et interprète mal pour son public ?
De plus, si vous ne connaissiez pas l'identité de ce prêtre et deviez deviner, à partir de ses seuls arguments, s'il s'agit d'un jésuite argentin, d'un membre de l'Opus Dei espagnol ou d'un prêtre de la Fraternité Saint-Pie X, que devineriez-vous ? Et si les réponses de ce prêtre de la FSSPX ne sont pas meilleures ou même pires que celles que ces derniers donneraient, leur motivation pour offrir le Saint Sacrifice de la Messe dans l'Ancien Rite leur profite-t-elle d'une quelconque grâce et sagesse ?
À propos, en 2016, le Pape Benoît XVI a effectivement nié que ce qu'il a fait ressemblait à l'abdication du Pape Célestin V. Mais je ne pense pas que ceux qui sont montrés dans ce podcast, organisé avec un tel soin pour tromper et désinformer, se soucient de tels faits historiques.
Pour ceux qui veulent une explication solide de la Renonciation basée entièrement sur l'enseignement de l'Église, le droit canonique et les règles de la grammaire et de la logique, ils peuvent regarder cette série de vidéos :