Il a retenu de son voyage "combien le peuple britannique a une soif profonde de la bonne nouvelle de Jésus Christ". Et il a
donc exhorté les évêques à prêcher l'Évangile dans son intégralité : "y compris les questions qui sont en opposition avec les principes largement répandus dans la culture d’aujourd'hui"
ROME, le 19 septembre 2010 – Au cours de cette quatrième et dernière journée au Royaume-Uni, Benoît XVI a proclamé la
béatification de John Henry Newman, pendant la messe célébrée au Cofton Park de Birmingham (photo).
Au cours de l’homélie, le pape a une nouvelle fois souligné l’actualité de la vision de Newman, en particulier pour les
éducateurs et pour les prêtres. L’après-midi, toujours à Birmingham, dans la chapelle du Francis Martin House à l’Oscott College, Benoît XVI a rencontré les évêques du Pays de Galles et d’Écosse.
Au cours du discours qu’il leur a adressé, il a insisté sur la relance de l’évangélisation, sur la lutte contre la pédophilie et sur une célébration plus recueillie de l’eucharistie avec la
nouvelle traduction anglaise du missel.
Le pape a aussi exhorté les évêques à être ”généreux” dans l’accueil réservé aux communautés anglicanes qui souhaiteraient
entrer dans l’Église catholique : "un geste prophétique qui... aide à fixer notre regard sur le but ultime de toute activité œcuménique".
Voici ci-dessous la partie finale de l’homélie et les passages essentiels du discours aux évêques
Sandro Magister
1. EXTRAITS DE L’HOMÉLIE POUR LA BÉATIFICATION DE NEWMAN, "PÈRE D’ÂMES TRÈS AIMÉ"
[...] Le service particulier auquel le bienheureux John Henry a été appelé consistait à appliquer son intelligence fine et sa plume féconde sur les nombreuses et urgentes « questions du jour ». Ses intuitions sur le rapport entre foi et raison, sur la place vitale de la religion révélée dans la société civilisée, et sur la nécessité d’une approche de l’éducation qui soit ample en ses fondements et ouverte à de larges perspectives ne furent pas seulement d’une importance capitale pour l’Angleterre de l’époque victorienne, mais elles continuent à inspirer et à éclairer bien des personnes de par le monde.
Je voudrais rendre un hommage particulier à sa conception de l’éducation, qui a eu une grande influence pour former l’éthos, force motrice qui soutient les écoles et les collèges catholiques d’aujourd’hui. Fermement opposé à toute approche réductrice ou utilitaire, il s’est efforcé de mettre en place un environnement éducationnel où l’exercice intellectuel, la discipline morale et l’engagement religieux pourraient progresser ensemble. Le projet de fonder une Université catholique en Irlande lui donna la possibilité de développer ses idées à ce sujet, et l’ensemble des discours qu’il a publiés sur « L’idée d’une Université » met en évidence un idéal dont tous ceux qui sont engagés dans la formation académique peuvent continuer à s’inspirer. En effet, quel meilleur objectif pourraient avoir des professeurs de religion que celui que le bienheureux John Henry a présenté dans son célèbre appel en faveur d’un laïcat intelligent et bien formé : « Je désire un laïcat qui ne soit pas arrogant, ni âpre dans son langage, ni prompt à la dispute, mais des personnes qui connaissent leur religion, qui pénètrent en ses profondeurs, qui savent précisément où ils sont, qui savent ce qu’ils ont et ce qu’ils n’ont pas, qui connaissent si bien leur foi qu’ils peuvent en rendre compte, qui connaissent assez leur histoire pour pouvoir la défendre » (The Present position of Catholics in England, IX, 390). En ce jour où l’auteur de ces lignes est élevé à l’honneur des autels, je prie pour que, par son intercession et son exemple, tous ceux qui sont engagés dans l’enseignement et la catéchèse se sentent poussés par la conception qu’il a si clairement exposée devant nous à entreprendre de nouveaux efforts.
S’il est bien compréhensible que l’héritage intellectuel de John Henry Newman ait été l’objet d’une large attention dans la vaste littérature qui illustre sa vie et son œuvre, je préfère, en ce jour, conclure par une brève réflexion sur sa vie de prêtre, de pasteur des âmes. La chaleur et l’humanité qui marquent son appréciation du ministère pastoral sont magnifiquement mises en évidence dans un autre de ses célèbres sermons : « Si des anges avaient été vos prêtres, mes frères, ils n’auraient pas pu souffrir avec vous, avoir de la sympathie pour vous, éprouver de la compassion pour vous, sentir de la tendresse envers vous et se montrer indulgents avec vous, comme nous ; ils n’auraient pas pu être vos modèles et vos guides, et n’auraient pas pu vous amener à sortir de vous-mêmes pour entrer dans une vie nouvelle, comme le peuvent ceux qui viennent du milieu de vous » (« Hommes, non pas Anges : les prêtres de l’Évangile », Discourses to Mixed Congregations, 3).
Il a vécu à fond cette vision profondément humaine du ministère sacerdotal dans l’attention délicate avec laquelle il s’est dévoué au service du peuple de Birmingham au long des années qu’il a passées à l’Oratoire, fondé par lui, visitant les malades et les pauvres, réconfortant les affligés, s’occupant des prisonniers. Il n’est pas étonnant qu’à sa mort, des milliers de personnes s’alignaient dans les rues avoisinantes tandis que son corps était transporté vers sa sépulture à moins d’un kilomètre d’ici. Cent vingt ans plus tard, de grandes foules se sont rassemblées à nouveau pour se réjouir de la reconnaissance solennelle de l’Église pour l’exceptionnelle sainteté de ce père des âmes très aimé. Comment pourrions-nous mieux exprimer la joie de ce moment, sinon en nous tournant vers notre Père des cieux dans une vibrante action de grâce, et en priant avec les paroles mêmes que le bienheureux John Henry a mises sur les lèvres du chœur des anges dans le ciel : « Loué soit le Très Saint dans les hauteurs / Et loué soit-Il dans les profondeurs ; / Très admirable en toutes Ses paroles ; / Infaillible en toutes Ses voies ! » (The dream of Gerontius).
2. AUX ÉVÊQUES DU ROYAUME-UNI: "PROCLAMER DE NOUVEAU L’ÉVANGILE DANS UN CONTEXTE HAUTEMENT SÉCULARISÉ"
[...] Au cours de cette visite, il m’est apparu clairement combien le peuple britannique a une soif profonde de la bonne nouvelle de Jésus Christ. Vous avez été choisis par Dieu pour offrir à vos compatriotes l’eau vive de l’Évangile, les encourageant à mettre leur espérance, non pas dans les vaines tentations du monde, mais dans la ferme assurance du monde à venir. En proclamant que le Royaume est proche avec ses promesses d’espérance pour les pauvres et les nécessiteux, pour les malades et les personnes âgées, pour les enfants à naître et pour les laissés pour compte, ayez à cœur de présenter sans rien omettre le message porteur de vie de l’Évangile, y compris les questions qui sont en opposition avec les principes largement répandues dans la culture d’aujourd’hui. Comme vous le savez, un Conseil pontifical vient d’être créé pour la Nouvelle évangélisation des pays qui ont une longue tradition chrétienne, et je voudrais vous encourager à recourir à ce service pour affronter la tâche qui vous revient. En outre, nombre des nouveaux mouvements ecclésiaux ont un charisme particulier pour l’Évangélisation, et je sais que vous ne manquerez pas de continuer à chercher comment les impliquer de manière appropriée et effective dans la mission de l’Église. [...]
Une autre question a retenu l’attention ces derniers mois, et mine gravement la crédibilité des responsables de l’Église ; c’est celle des abus honteux qui ont eu lieu contre des enfants et des jeunes de la part de prêtres et de religieux. J’ai souvent parlé des blessures profondes que causent de tels comportements, chez les victimes d’abord et surtout, mais aussi dans les relations de confiance qui devraient exister entre les prêtres et les personnes, entre les prêtres et leurs Évêques, et entre les autorités de l’Église et le public. Je sais que vous avez pris des mesures sérieuses pour porter remède à cette situation, pour faire en sorte que les enfants soient effectivement protégés de toute atteinte et pour gérer de manière adéquate et dans la transparence les plaintes au moment où elles surgissent. Vous avez publiquement exprimé vos profonds regrets pour ce qui est arrivé, et pour la manière souvent inadéquate avec laquelle de tels faits ont été traités dans le passé. Ayant davantage conscience de l’étendue des abus contre les enfants dans la société, avec leurs effets dévastateurs, et de la nécessité d’offrir un soutien adéquat aux victimes, vous devriez vous sentir stimulés pour partager les enseignements ainsi reçus avec l’ensemble de la communauté. En effet, quel meilleur moyen d’offrir réparation pour ces péchés, sinon de vous tourner, dans un esprit d’humble compassion, vers les enfants qui, ailleurs, continuent à souffrir de ces abus ? Notre devoir de veiller sur les jeunes n’exige pas moins que cela.
En réfléchissant sur la fragilité humaine que ces événements tragiques révèlent de manière si violente, nous devons nous souvenir que, pour être de véritables guides chrétiens, il nous faut vivre notre vie dans la plus grande honnêteté, humilité et sainteté. Comme l’écrivait le bienheureux John Henry Newman : « O si Dieu voulait accorder aux membres du clergé de sentir leur faiblesse d’hommes pécheurs, et aux fidèles de se sentir en sympathie avec eux, de les aimer et de prier afin qu’ils grandissent dans tous les dons de la grâce ! » (Sermon, 22 mars 1829). [...]
Enfin, je voudrais évoquer avec vous encore deux questions qui concernent votre ministère épiscopal à l’heure actuelle. Il s’agit, d’une part, de l’imminente publication de la nouvelle traduction du Missel Romain. Je veux à cette occasion remercier chacun de vous pour la contribution que vous avez apportée, non sans peine, à cette tâche collégiale de révision et d’approbation des textes. C’est un immense service qui est ainsi rendu aux catholiques anglophones de par le monde. Je vous encourage à saisir l’occasion de cette nouvelle traduction pour proposer des catéchèses approfondies sur l’Eucharistie et favoriser un renouveau de dévotion dans la manière de la célébrer. « Plus vive est la foi eucharistique dans le peuple de Dieu, plus profonde est sa participation à la vie ecclésiale par l’adhésion convaincue à la mission que le Christ a confiée à ses disciples » (Sacramentum caritatis, 6).
Quant à l’autre question, j’y ai déjà fait allusion en février avec les Évêques d’Angleterre et du Pays de Galles, quand je vous demandais d’être généreux dans la mise en application de la Constitution apostolique "Anglicanorum coetibus". Il faudrait que cela soit compris comme un geste prophétique qui peut contribuer à développer de manière positive les relations entre Anglicans et Catholiques. Cela nous aide à fixer notre regard sur le but ultime de toute activité œcuménique : la restauration de la pleine communion ecclésiale au sein de laquelle l’échange mutuel des dons de nos patrimoines spirituels respectifs nous permet à nous tous d’être enrichis. Continuons à prier et à travailler sans cesse afin que soit hâté le jour de joie où ce but sera atteint. [...]
Le programme et les textes du voyage de Benoît XVI :
> Voyage Apostolique au Royaume-Uni, 16-19 septembre 2010