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Publié par dominicanus

Ce que le pape a offert au continent le plus pauvre du monde, ce n'est pas de l'or ou de l'argent, mais "la parole du Christ qui guérit, libère et réconcilie". Les raisons de ce pari, dans le discours-clé de son voyage au Bénin

 

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ROME, le 21 novembre 2011 – Comme prévu, le moment marquant du voyage de Benoît XVI au Bénin a été le discours qu’il a prononcé, au palais présidentiel de Cotonou, devant les autorités politiques, des personnalités de la société civile et du monde de la culture, des évêques et des représentants de diverses religions.

Il y a dans ce de discours - manifestement pensé et écrit presque intégralement par le pape - un mot-clé : "espérance".

Et ce mot, il l’a appliqué à deux réalités : la vie sociopolitique et économique du continent africain et le dialogue interreligieux.
 

***

Le mot "espérance" est très cher au pape Joseph Ratzinger. Il lui a consacré toute une encyclique, "Spe salvi", la plus "sienne" des trois qu’il a publiées jusqu’à présent, écrite de sa main du premier au dernier mot.

Et c’est en particulier à l'Afrique que le pape associe ce mot, au continent qui a connu au siècle dernier la plus étonnante expansion du christianisme et qui pourrait le plus en déterminer l’avenir.

Mais de quelle espérance parle Benoît XVI ? Sa réponse, dans le discours de Cotonou, est d’une simplicité inouïe :

"Parler de l’espérance, c’est parler de l’avenir et donc de Dieu !".

C’est une simplicité dont le pape Ratzinger ne s’écarte pas même lorsqu’il se réfère à la vie sociopolitique et économique de l'Afrique :

"L’Église n’apporte aucune solution technique et n’impose aucune solution politique". Simplement "elle accompagne l’État dans sa mission ; elle veut être comme l’âme de ce corps, en lui indiquant inlassablement l’essentiel : Dieu et l’homme. Elle désire accomplir, ouvertement et sans crainte, cette tâche immense de celle qui éduque et soigne, et surtout de celle qui prie sans cesse, qui montre où est Dieu et où est l’homme véritable".

Exhortant l’Église à accomplir ces tâches qui sont les siennes, le pape s’est référé à quatre passages de l’Évangile, dont le dernier (Jean 19, 5) est celui dans lequel Pilate présente Jésus couronné d’épines et couvert du manteau de pourpre et dit à la foule : "Voici l'homme !".

Le lendemain, 20 novembre, était le dimanche du Christ-Roi, le dernier de l'année liturgique. Et Benoît XVI a de nouveau affirmé, dans son homélie, que Dieu "règne" par le bois de la croix et pas autrement. Son règne qui "est vraiment une parole d’espérance, puisque le Roi de l’univers s’est fait tout proche de nous, serviteur des plus petits et des plus humbles", pour nous introduire, lui le ressuscité, "dans un monde nouveau, un monde de liberté et de bonheur".

***

Abordant le thème du dialogue interreligieux, Benoît XVI a, une fois encore, fondé l’espérance inhérente à ce dialogue sur l'absolue centralité de Dieu.

Si nous dialoguons, a-t-il dit, ce ne doit pas être "par faiblesse, mais nous dialoguons parce que nous croyons en Dieu, le créateur et le père de tous les hommes. Dialoguer est une manière supplémentaire d’aimer Dieu et notre prochain dans l'amour de la vérité. Avoir de l’espérance, ce n’est pas être ingénu, mais c’est poser un acte de foi en Dieu, Seigneur du temps, Seigneur aussi de notre avenir".

Benoît XVI s’est référé à ce qui s’est passé à Assise le 27 octobre dernier :

"La connaissance, l’approfondissement et la pratique de sa propre religion sont essentielles au vrai dialogue interreligieux. Celui-ci ne peut que commencer par la prière personnelle sincère de celui qui désire dialoguer. Qu’il se retire dans le secret de sa chambre intérieure (cf. Mt 6, 6) pour demander à Dieu la purification du raisonnement et la bénédiction pour la rencontre désirée. Cette prière demande aussi à Dieu le don de voir dans l’autre un frère à aimer et, dans la tradition qu’il vit, un reflet de la vérité qui illumine tous les hommes. Il convient donc que chacun se situe en vérité devant Dieu et devant l’autre. Cette vérité n’exclut pas et elle n’est pas une confusion. Le dialogue interreligieux mal compris conduit à la confusion ou au syncrétisme. Ce n’est pas ce dialogue qui est recherché". 

***

Dans la conclusion de son discours, le pape a d’abord appliqué à l’espérance l’image de la main :

"Cinq doigts la composent et ils sont bien différents. Chacun d’eux est pourtant essentiel et leur unité forme la main. La bonne entente entre les cultures, la considération non condescendante des unes pour les autres et le respect des droits de chacune sont un devoir vital. Il faut l’enseigner à tous les fidèles des diverses religions. La haine est un échec, l’indifférence une impasse et le dialogue une ouverture ! N’est-ce pas là un beau terrain où seront semées des graines d’espérance ? Tendre la main signifie espérer pour arriver, dans un second temps, à aimer. Quoi de plus beau qu’une main tendue ? Elle a été voulue par Dieu pour offrir et recevoir. Dieu n’a pas voulu qu’elle tue ou qu’elle fasse souffrir, mais qu’elle soigne et qu’elle aide à vivre. À côté du cœur et de l’intelligence, la main peut devenir, elle aussi, un instrument du dialogue. Elle peut faire fleurir l’espérance, surtout lorsque l’intelligence balbutie et que le cœur trébuche".

Et enfin il s’est appuyé sur trois symboles d’espérance présents dans les Écritures :

"Selon les Saintes Écritures, trois symboles décrivent l’espérance pour le chrétien : le casque, car il protège du découragement (cf. 1 Th 5, 8), l’ancre sûre et solide qui fixe en Dieu (cf. He. 6, 19) et la lampe qui permet d’attendre l’aurore d’un jour nouveau (cf. Lc 12, 35-36). Avoir peur, douter et craindre, s’installer dans le présent sans Dieu, ou encore n’avoir rien à attendre, sont autant d’attitudes étrangères à la foi chrétienne et, je crois, à toute autre croyance en Dieu. La foi vit le présent, mais attend les biens futurs. Dieu est dans notre présent, mais il vient aussi de l’avenir, lieu de l’espérance. La dilatation du cœur est non seulement l’espérance en Dieu, mais aussi l’ouverture au souci des réalités corporelles et temporelles pour glorifier Dieu. À la suite de Pierre dont je suis le successeur, je souhaite que votre foi et votre espérance soient en Dieu. C’est là le vœu que je formule pour l’Afrique tout entière, elle qui m’est si chère ! Aie confiance, Afrique, et lève-toi ! Le Seigneur t’appelle".

***

On retrouve la même logique dans l'exhortation apostolique post-synodale "Africæ munus" que Benoît XVI a remise aux catholiques africains le 20 novembre.

Aux paragraphes 148-149, après avoir rappelé l'épisode évangélique du paralytique à la piscine de Bethesda (Jean 5, 3-9), le pape écrit : 

"L’accueil de Jésus offre à l’Afrique une guérison plus efficace et plus profonde que toute autre. Comme l’apôtre Pierre l’a déclaré dans les Actes des Apôtres, je redis que ce n’est ni d’or, ni d’argent que l’Afrique a d’abord besoin ; elle désire se mettre debout comme l’homme de la piscine de Bethesda ; elle désire avoir confiance en elle-même, en sa dignité de peuple aimé par son Dieu. C’est donc cette rencontre avec Jésus que l’Église doit offrir aux cœurs meurtris et blessés, en mal de réconciliation et de paix, assoiffés de justice. Nous devons offrir et annoncer la Parole du Christ qui guérit, libère et réconcilie".



Le programme et les textes intégraux du voyage de Benoît XVI :

> Voyage Apostolique au Bénin, 18-20 novembre 2011

L'exhortation apostolique post-synodale remise le 20 novembre aux catholiques africains :

> "Africæ munus"


Traduction française par Charles de Pechpeyrou.

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