La compréhension de la miséricorde de Dieu nous aide à comprendre pourquoi la compassion humaine qui pousse à tuer par l’avortement ou par l’euthanasie est mauvaise.
La parabole que nous venons d’entendre est l’un des récits les plus connus de toute la littérature, toutes religions, nations, et époques confondues. Mais quelle en est vraiment la signification ?
Elle est communément appelée la parabole du fils prodigue. Mais est-ce vraiment le fils cadet, qui abandonne son père et qui dilapide son héritage dans les plaisirs de la sensualité, qui en est le personnage principal ? Jésus a raconté cette parabole en présence des collecteurs d’impôts et des pécheurs, mais en s’adressant surtout aux scribes et aux pharisiens, en réponse à leurs récriminations.
Or, les scribes et les pharisiens étaient considérés comme des experts dans la religion, ceux qui se faisaient un point d’honneur d’éviter le péché et de suivre la loi scrupuleusement. Ils ont pu se reconnaître dans le fils aîné de la parabole. Alors, au lieu de l’appeler la parabole du fils prodigue, ne devrait-on pas l’appeler plutôt la parabole du fils arrogant, par exemple ? Le fils aîné faisait bien preuve d’arrogance : son cœur était dur comme pierre, jugeant son frère et se considérant supérieur à lui, exactement comme les pharisiens.
Alors à qui Jésus s’adresse-t-il vraiment : aux fils prodigues ou aux fils arrogants, à ceux d’entre nous qui ont un complexe de supériorité et sont des juges sévères de leurs frères, ou à ceux qui n’arrivent pas à contrôler leurs instincts ?
Mais il y a une troisième option. Après tout, le personnage principal de la parabole n’est ni le fils aîné, ni le cadet, mais le père. C’est lui qui se précipite pour accueillir le fils prodigue, sans conditions. C’est lui qui s’est humilié en allant à la rencontre de son fils aîné en colère. Cette parabole est donc la parabole du père. Jésus la raconte pour faire le portrait de Dieu, qui fait toujours le premier pas pour nous rétablir dans son amitié, quelle que soit la distance que nous avons prise avec lui. Cette parabole devrait donc être appelée la parabole du père miséricordieux. Elle nous révèle que la miséricorde est la caractéristique principale de Dieu.
La compréhension de la miséricorde de Dieu nous aide à comprendre pourquoi la compassion humaine qui pousse à tuer par l’avortement ou par l’euthanasie est mauvaise. Nous savons combien aujourd’hui, après la légalisation de l’avortement, les pressions pour légaliser l’euthanasie sont croissantes. Dans un article du Sunday Times, l’auteur est allé jusqu’à proposer qu’on mette des échoppes aux coins des rues, où les personnes âgées pourraient acheter une boisson pour mettre fin à leur vie. Son raisonnement était qu’il y a trop de personnes âgées.
« Comment la société pourrait-elle faire face à ce tsunami argenté ? … Il va y avoir une population composée de personnes démentes très âgées, comme une invasion de migrants puants dans les restaurants, les cafés et les boutiques… »
Ces vues extrêmes ne sont pas partagées par tous les partisans de l’euthanasie, mais c’est toujours la même logique diabolique qui se cache sous le voile d’une fausse compassion. Quelle est cette logique ?
Cette logique est celle selon laquelle les êtres humains n’ont aucune valeur intrinsèque. Dès que quelqu’un n’est plus utile à la société, ou que quelqu’un ne sent plus bien dans sa peau, on s’arroge le droit de disposer de sa vie, ou de lui permettre d’en disposer, comme d’un objet qui ne fonctionne plus, une voiture qu’on met à la casse. Cette compassion est à l’opposé de la miséricorde de Dieu. Pour Dieu, chacun de nous est un enfant infiniment précieux. Le désir de Dieu, c’est de vivre avec chacun de nous pour l’éternité. Voilà pourquoi Jésus est descendu du ciel et y est remonté, afin de préparer une place pour chacun de nous dans la maison du Père. Rien ne peut altérer la valeur que nous avons aux yeux de Dieu, ni la maladie, ni le grand âge, la faiblesse, les erreurs, les tragédies, ou même les péchés les plus horribles. Une société qui légalise l’euthanasie se situe en contradiction directe avec cette vérité fondamentale de la dignité intrinsèque de chaque être humain. Tuer par compassion, cela n’a rien à voir avec de la compassion !
Aujourd’hui, Dieu invite chacun de nous à renouveler cette expérience de sa miséricorde. Si nous sommes honnêtes, nous devons tous reconnaître que les épreuves de la vie nous font douter de la miséricorde de Dieu. En nous regardant nous-mêmes, en considérant nos échecs, nos faiblesses, nous pensons que nous ne pourrons jamais devenir des saints. Nous cessons alors de vouloir suivre Jésus de près, parce que cela semble dépasser nos capacités. Quand on prie le Notre Père, on hésite à dire : "Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons…" Quand on se confesse et qu’on dit l’acte de contrition, on hésite à dire : "Je prends la ferme résolution … de ne plus vous offenser". Et on oublie de dire : "avec le secours de votre sainte grâce". Nous oublions que nos capacités ne sont pas le critère. Mener une vie chrétienne, cela ne dépend pas seulement de nos efforts humains.
Souvenez-vous, au retour de son fils prodigue, le père court se jeter à son cou, et plus tard il sort pour supplier son fils arrogant de participer à la fête. Le père miséricordieux est toujours prêt à nous rencontrer, pour refaire nos forces, pour renouveler nos âmes, même si nous ne le méritons pas, pour peu que nous regrettions nos fautes et que nous voulions faire réparation.
C’est pour cela que « le Verbe s’est fait chair ». C’est aussi pour cela qu’il a institué le sacrement de la réconciliation. Ce sacrement est comme le réservoir inépuisable de la miséricorde. Le péché originel nous fait voir ce sacrement sous un mauvais jour. Nous avons l’impression que c’est comme une mini-torture, quelque chose que l’Eglise aurait inventé pour mettre les chrétiens au pas. Ce n’est pas cela du tout ! Jésus nous a donné ce sacrement pour que nous puissions faire l’expérience de la miséricorde du Père en tout temps, dans toutes nos nécessités. Ce sacrement, c’est la main que Dieu nous tend, non pas pour nous punir ou nous détruire, mais pour nous embrasser, nous fortifier, nous guérir, nous inviter à la célébration eucharistique, pour nous passer la bague aux doigts et les sandales aux pieds, pour nous habiller à nouveau des vêtements de sa grâce.
Jésus a raconté cette parabole pour nous révéler la bonté infinie et la miséricorde du Père. Au cours de l’eucharistie que nous célébrons, rendons-lui grâce, et promettons-lui de lui permettre de toucher nos cœurs, en allant vers lui pour nous confesser.