Et si les défaillances, même les plus graves, dans l'exercice de la paternité, devenaient, grâce au pardon divin, l'occasion d'un sursaut, d'une explosion d'amour paternel?
Un rapide coup d'oeil sur l'évangile suffit pour éprouver une certaine gêne (pour ne pas dire une gêne certaine). En effet les personnages de la scène évangélique qui nous apparaissent sous un jour favorable, sont tous ... des femmes : d'abord celle dont il est dit qu'elle est une pécheresse, mais qui, par des gestes très concrets, montre un "grand amour"; et aussi d'autres femmes qui, elles aussi, étaient des pécheresses, mais qui, elles aussi, "aidaient" Jésus et les Douze "de leurs ressources".
Toutes ces femmes - et elles sont "beaucoup", nous dit S. Luc - forment un très vif contraste avec les représentants de la partie masculine de l'humanité, avec, dans l'ordre de leur entrée en scène dans l'évangile de ce dimanche, un pharisien (dont nous apprenons ensuite qu'il s'appelle Simon) et les Douze, qui ne sont que mentionnés furtivement, alors que les noms de certaines femmes sont mentionnés.
Précisons tout de même la présence essentielle de Jésus, l'Homme qui nous apparaît comme l'icône parfaite du Père. Qui le voit, voit le Père (cf. Jn 14, 9).
La paternité humaine a précisément pour vocation de refléter la paternité divine. La maternité aussi, d'ailleurs, mais pas de la même manière.
Dans le mystère éternel où le Père engendre le Fils, la personne du Père est la seule qui accomplit la génération. Selon notre manière de nous exprimer il tient à la fois le rôle du père et celui de la mère. Cependant il n'y a pas un double rôle: son action génératrice ne se divise pas en deux aspects. Sa paternité est parfaitement une, mais en comportant les propriétés de la maternité. C'est pourquoi il n'est pas appelé père et mère; il est Père, au sens d'une paternité qui dépasse les distinctions entre les sexes et qui le désigne comme le seul auteur de la génération divine du Fils.
Ce n'est donc pas une paternité qui s'affirmerait par opposition à une maternité. Elle en intègre toute la richesse. Par là, elle est beaucoup plus ample que toute paternité humaine. (Jean Galot)
Saint Augustin écrit:
Le Catéchisme de l'Église catholique enseigne pareillement que l'image de la maternité "indique davantage l'immanence de Dieu, l'intimité entre Dieu et sa créature", le fait qu'il est "bonté et sollicitude aimante pour tous ses enfants". Mais Dieu est aussi "origine première de tout et autorité transcendante". Voilà la vocation propre de la paternité humaine (complémentaire par rapport à la maternité): elle consiste précisément à refléter cet aspect-là de la paternité de Dieu, étant bien entendu que "personne n'est père comme Dieu", ni l'homme, ni la femme, parce que:
Il y a déjà quelques années, je lisais un article d'un philosophe: François-Xavier Ajavon. L'article était intitulé: "Angoisse : dans un an 'mai 2008' ". Il commence par ces mots:
Après avoir évoqué les commémorations du bicentenaire de la Révolution française en 1989, il termine ainsi:
Avis aux amateurs...
Le prêtre-psychiatre Tony Anatrella, dans un livre intitulé "La différence interdite. Sexualité, éducation, violence, 30 ans après Mai 68", affirme qu'il faudra, un jour avoir le courage de citer les chiffres du désastre. Le désastre, pour lui, c'est la confusion, la perte de l'autorité et du crédit des adultes, le manque de points de référence pour l'existence. Que ce soit l'absence du père, ou le refus du père, cette absence et ce refus sont lourds de conséquences.
En connaissance de cause le Cardinal Lopez Trujillo, président du Conseil Pontifical pour la famille, écrivait en 1999 (Année du Père):
L'avortement, crime abominable, alors qu'il ne cesse d'être présenté comme un progrès dans l'émancipation de la femme... Mais le lot des enfants qui ont échappé à l'avortement est à peine plus enviable:
Sombre état des lieux, me direz-vous... Mais il y a encore plus grave. Car ce dont l'enfant a le plus besoin, ce n'est pas l'affection maternelle, ni l'autorité paternelle. L'enfant a besoin avant tout et surtout d'avoir un père et une mère qui s'aiment fidèlement l'un l'autre, car c'est dans cet amour qu'il trouve son origine humaine. Si cet amour-là vient à manquer, l'enfant sera privé de l'essentiel, même s'il est comblé de tout par ailleurs. Or, constate le Cardinal Lopez Trujillo,
Quel sera l'avenir si les législations visent à cantonner la famille avec ces fausses options des "unions de fait" (...) alors que le mariage, comme on l'a compris depuis des siècles, cet engagement des époux basé sur l'acceptation et le don, lie l'avenir? (...) Sur cette question, on peut aller jusqu'au non-sens, pour rester modérés, en proposant le droit à l'adoption pour les couples homosexuels ou les lesbiennes, en ne prenant nullement en compte l'intérêt supérieur de l'enfant, invoqué par la Convention sur les Droits de l'Enfant (cf. art. 21).
C'est sur ce fond de tableau que saint Jean-Paul II, dans sa Lettre aux familles (n. 14), avait parlé de ces "orphelins dont les parents sont vivants" !
C'est dans ce contexte également qu'il faut surtout se souvenir de ce que Jésus énonce comme une sorte de loi générale, mais que rien n'empêche d'appliquer en particulier au domaine de la paternité humaine: "Celui à qui on pardonne peu montre peu d'amour". Et si les défaillances, même les plus graves, dans l'exercice de la paternité, devenaient, grâce au pardon divin, l'occasion d'un sursaut, d'une explosion d'amour paternel? Si les pères absents et les époux infidèles pouvaient montrer à leurs épouses délaissées et à leurs enfants négligés l'amour que la pécheresse de l'évangile a montré envers Jésus? Et inversement, si un plus grand amour conjugal et paternel devenait pour eux le tremplin pour se jeter dans les bras de Celui qui pardonne tout et tout de suite? Pour qu'ils s'entendent dire par le Seigneur en personne: "Ta foi t'a sauvé. Va en paix", serait-ce trop cher payer?
Saint Jean Chrysostome disait:
Et saint Cyprien:
Voilà tout le mal que l'on peut souhaiter aujourd'hui aux pères. À tous les pères, puisque "personne n'est père comme l'est Dieu".