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Publié par Walter Covens

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    C'est dans la lumière de Pâques que nous venons d'entendre Jésus nous rappeler le "commandement nouveau" qu'il avait donné la veille de sa mort, alors que Judas venait de sortir pour consommer sa trahison.


     Peut-être ne percevez-vous pas spontanément le lien entre charité chrétienne et politique, et pourtant !

 
La charité, souvent réduite au domaine des relations de proximité, ou limitée aux seuls aspects subjectifs de l'agir pour l'autre, doit être reconsidérée selon sa valeur authentique de critère suprême et universel de l'éthique sociale tout entière. (Compendium de la doctrine sociale de l'Église, n. 204)

 


    Combien de personnes, en entendant parler de ou en parlant de ou en "faisant" la charité, s'en font une conception purement subjective, voire sentimentale, avec des conséquences désastreuses. Selon cette conception, par charité, il faudrait permettre aux femmes ayant une grossesse non désirée, surtout quand elles ont été violées, d'avorter. Par charité, il faudrait abréger les souffrances d'un mourant par une injection létale. Par charité, il faudrait permettre à des couples homosexuels de se marier et d'adopter des enfants.



    Un prêtre belge, Mgr Schooyans, décédé récemment, a publié dans ce contexte un livre intitulé: "Le terrorisme à visage humain" (*). Le terrorisme à visage humain, c'est un terrorisme qui se cache sous le voile d'une charité sans vérité, exercée envers des personnes ou des groupes de personnes, bien organisées en lobbies, visant à satisfaire leurs besoins purement égoïstes, matériels et individuels.



    Sans aller jusqu'à cet extrême, la charité, telle que nous la concevons, réclamons et exerçons, est une charité étroite, une charité qui ne peut pas déployer ses ailes.

 

Par bien des aspects, le prochain à aimer se présente « en société », de sorte que l'aimer réellement, subvenir à ses besoins ou à son indigence, peut vouloir dire quelque chose de différent par rapport au bien qu'on peut lui vouloir sur le plan purement inter-individuel: l'aimer sur le plan social signifie, selon les situations, se prévaloir des médiations sociales pour améliorer sa vie ou éliminer les facteurs sociaux qui causent son indigence. L'œuvre de miséricorde grâce à laquelle on répond ici et maintenant à un besoin réel et urgent du prochain est indéniablement un acte de charité, mais l'engagement tendant à organiser et à structurer la société de façon à ce que le prochain n'ait pas à se trouver dans la misère est un acte de charité tout aussi indispensable, surtout quand cette misère devient la situation dans laquelle se débattent un très grand nombre de personnes et même des peuples entiers; cette situation revêt aujourd'hui les proportions d'une véritable question sociale mondiale. (ibid. n. 208)

 


    Non seulement l'on a tendance à réduire le domaine de la charité aux personnes, mais on réduit les personnes à des individus, et la communauté à une masse (les "masses laborieuses"...) avec des besoins uniquement matériels qu'il s'agit, au nom de la "charité", d'assouvir.

 

L'homme est une personne, pas seulement un individu. Par le terme « personne » on désigne « une nature douée d'intelligence et de volonté libre »: c'est donc une réalité bien supérieure à celle d'un sujet qui s'exprime à travers les besoins produits par la simple dimension matérielle. De fait, bien que participant activement à l'œuvre tendant à satisfaire ses besoins au sein de la société familiale, civile et politique, la personne humaine ne trouve pas sa réalisation complète tant qu'elle ne dépasse pas la logique du besoin pour se projeter dans celle de la gratuité et du don, qui répond plus entièrement à son essence et à sa vocation communautaire. (ibid. n. 391)
 
 
 
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    La charité dont nous nous contentons est souvent une charité coupée de ses racines, coupée de Dieu, de Jésus Christ.

 
En ce qui concerne aussi la « question sociale », on ne peut accepter « la perspective naïve qu'il pourrait exister pour nous, face aux grands défis de notre temps, une formule magique. Non, ce n'est pas une formule qui nous sauvera, mais une Personne, et la certitude qu'elle nous inspire: Je suis avec vous! Il ne s'agit pas alors d'inventer un “nouveau programme”. Le programme existe déjà: c'est celui de toujours, tiré de l'Évangile et de la Tradition vivante. Il est centré, en dernière analyse, sur le Christ lui-même, qu'il faut connaître, aimer, imiter, pour vivre en lui la vie trinitaire et pour transformer avec lui l'histoire jusqu'à son achèvement dans la Jérusalem céleste ». (ibid. n. 577)

 


    C'est pourquoi Jean-Paul II a pu dire que "Le politique est le champ le plus vaste de la charité et de la solidarité". Le cardinal Ricard le rappelait, en citant le Pape Pie XI, dans son discours d'ouverture d'une conférence des évêques français à Lourdes:

 

Nous voulons, en terminant, redire l’importance et la noblesse de l’engagement politique. Les disciples du Christ ne sauraient le déserter ni le décrier. Parce qu’ils se veulent « au service de tous et sans ambition de pouvoir, les chrétiens se sentent à l’aise dans une société démocratique et laïque. Ils lui apportent leur contribution, sans accepter que leur foi soit reléguée dans la "sphère du privé". Cette foi a une dimension humaine et sociale. La démocratie, pour être vivante, » doit faire « droit à ses références religieuses et philosophiques dans le débat public » . Le domaine de la politique n’est-il pas, selon la célèbre phrase du pape Pie XI, « le champ de la plus vaste charité, la charité politique » (Pie XI, A la Fédération universitaire catholique, 18 décembre 1927) ?

 


    Par la voix de Benoît XVI dans son Exhortation Apostolique Sacramentum Caritatis (n. 83), l'Église nous appelle tous à une "cohérence eucharistique":

 

Il est important de relever ce que les Pères synodaux ont appelé cohérence eucharistique, à laquelle notre existence est objectivement appelée. En effet, le culte agréable à Dieu n'est jamais un acte purement privé, sans conséquence sur nos relations sociales: il requiert un témoignage public de notre foi. Évidemment, cela vaut pour tous les baptisés, mais s'impose avec une exigence particulière pour ceux qui, par la position sociale ou politique qu'ils occupent, doivent prendre des décisions concernant les valeurs fondamentales, comme le respect et la défense de la vie humaine, de sa conception à sa fin naturelle, comme la famille fondée sur le mariage entre homme et femme, la liberté d'éducation des enfants et la promotion du bien commun sous toutes ses formes. Ces valeurs ne sont pas négociables. Par conséquent, les hommes politiques et les législateurs catholiques, conscients de leur grave responsabilité sociale, doivent se sentir particulièrement interpellés par leur conscience, justement formée, pour présenter et soutenir des lois inspirées par les valeurs fondées sur la nature humaine. Cela a, entre autres, un lien objectif avec l'Eucharistie (cf. 1 Co 11, 27-29). Les Évêques sont tenus de rappeler constamment ces valeurs; cela fait partie de leur responsabilité à l'égard du troupeau qui leur est confié.

 


    Aux États-Unis, contrairement à ce qui se passe en Europe, les chrétiens sont en train de réussir un renversement de l'opinion publique au sujet de la question du respect de la vie. La conférence épiscopale états-unienne, dès 1975, a rédigé un "plan pastoral pour les actions en faveur de la vie". Dans la version révisée de 2001 on peut lire:

 

"Les décisions concernant l'avortement doivent être inversées (reversed)."
 
 
    Les évêques ne se sont pas contentés d'une déclaration de principe. Dans chaque paroisse il y a un comité pro-vie en lien avec un comité diocésain. De nombreux évêques états-uniens, en accord avec les directives romaines, refusent - et appellent leurs prêtres à refuser - la communion aux politiciens qui favorisent l'avortement. Résultat: les questions éthiques sont au coeur du débat politique, tandis qu'en France, le sujet est passé sous silence. Les militants états-uniens, tout comme les dissidents de l'Europe de l'Est du siècle dernier, démontrent que les chrétiens peuvent agir sur une opinion publique contraire à la foi et à la loi naturelle, à condition qu'ils soient soutenus par leur hiérarchie (cf. Thierry Boutet, L'engagement des chrétiens en politique, Éd. Privat 2007, p. 153-156).


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La charité en politique ? - Homélie 5e dimanche de Pâques C
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