Allez dans le monde entier. Proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création.
Ces paroles de l’évangile constituent un commandement, non seulement pour les Apôtres, mais pour toute l’Église :
Ce mandat solennel d’annoncer la vérité qui sauve, l’Église l’a reçu des Apôtres pour qu’elle l’accomplisse jusqu’aux extrémités de la terre (cf. Ac 1, 2-8). Dès lors, elle fait siennes les paroles de l’Apôtre : "Malheur… à moi, si je n’évangélise pas" (1 Co 9, 16). (Vat. II, LG 17).
Cela ne vaut pas seulement pour les prêtres :
À chacun des disciples du Christ incombe, pour sa part, la charge de jeter la semence de la foi (ibid.).
Jean-Paul II insiste :
Nous sommes tous appelés à évangéliser et en avons l’obligation, et cette mission de base, qui est la même pour tous les chrétiens, doit devenir une véritable obsession quotidienne et une préoccupation constante dans notre vie (Message pour la journée mondiale des missions, 11 juin 1991).
Ce n’est donc pas quelque chose à prendre à la légère, et personne ne peut s’y dérober. Un jour, non seulement le Christ, mais ceux qui ne l’ont pas connu par notre faute, nous le reprocheraient. D’autant plus que nous avons reçu tout ce qu’il faut :
Guérissez les malades, ressuscitez les morts, purifiez les lépreux, chassez les démons. Vous avez reçu gratuitement : donnez gratuitement. (Mt 10, 8)
Tout comme les Apôtres, nous avons pu vivre pendant quarante jours un temps fort pour notre vie chrétienne. Le Temps pascal a été une véritable école d'évangélisation pour toute l'Église. Maintenant, comme les Apôtres, nous devrions être mûrs, nous aussi, pour témoigner du Christ et relayer son témoignage à lui. Nous devrions savoir qu’ayant disparu à nos regards, le Christ reste présent à "toute la création", présent réellement, et pas seulement d’une manière figurée. Nous devons croire sans voir que le Bon Berger, c’est lui, qui par les Apôtres et leurs successeurs ne cesse de conduire et de nourrir son troupeau. Unis à lui, comme les sarments à la vigne, nous devons maintenant porter beaucoup de fruit, dans l’attente de la venue du Seigneur dans la gloire, dans l’espérance de l’accomplissement de la plénitude.
Le temps pascal, qui touche à sa fin, n’est donc pas une fin. C’est un envoi en mission, tout comme l’eucharistie débouche sur un envoi en mission ! C’est d’ailleurs d’abord et avant tout par notre participation à l’eucharistie que nous permettons au Christ de poursuivre son œuvre d’évangélisation en nous et, par nous, dans le monde :
Pour l'accomplissement d'une si grande œuvre (celle de l’évangélisation), le Christ est toujours là auprès de son Église, surtout dans les actions liturgiques. Il est là présent dans le sacrifice de la messe, et dans la personne du ministre, "le même offrant maintenant par le ministère des prêtres, qui s'offrit alors lui-même sur la croix" et, au plus haut point, sous les espèces eucharistiques. Il est présent par sa vertu dans les sacrements au point que lorsque quelqu'un baptise, c'est le Christ lui-même qui baptise. Il est là présent dans sa parole, car c'est lui qui parle tandis qu'on lit dans l'Église les Saintes Écritures. Enfin il est là présent lorsque l'Eglise prie et chante les psaumes, lui qui a promis : "Là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis là, au milieu d'eux". Effectivement, pour l'accomplissement de cette grande œuvre par laquelle Dieu est parfaitement glorifié et les hommes sanctifiés, le Christ s'associe toujours l'Église, son Épouse bien-aimée, qui l'invoque comme son Seigneur et qui passe par lui pour rendre son culte au Père éternel. (Vat. II, SC 7)
N’allons donc pas dire, comme certains, que depuis le Concile Vatican II, les choses ont changé. Voici ce que j’ai entendu dire lors d’une conférence à la faculté de théologie de l’université de Fribourg, en Suisse, par un candidat à la succession du professeur de théologie dogmatique qui avait atteint l’âge de la retraite. Je résume : "Avant Vatican II l’Eucharistie était au centre de la vie de l’Église. Pour célébrer l’Eucharistie il faut des prêtres. Depuis le Concile, c’est n’est plus l’Eucharistie, c’est l’évangélisation qui est importante Or, tous les baptisés sont appelés à être missionnaires. Donc..." Je précise que ce candidat n’a pas été retenu pour la succession…
Comment peut-on dire des énormités pareilles ? Et malheureusement, ce que ce "théologien" disait, beaucoup l’ont pensé, et le pensent encore. Or, le Concile n’a jamais dit cela. Bien au contraire ! Il n’y pas l’eucharistie d’un côté, et l’évangélisation de l’autre. Vatican II proclame que la participation active à la messe et à toute célébration liturgique est ce qu’il y a de plus efficace pour l’évangélisation. La raison est toute simple : c’est là "surtout" que le Christ est présent pour continuer son œuvre d’évangélisation en nous et par nous :
Par suite, toute célébration liturgique, en tant qu'œuvre du Christ prêtre et de son Corps qui est l'Église, est l'action sacrée par excellence dont nulle autre action de l'Eglise ne peut atteindre l'efficacité au même titre et au même degré. (ibid.)
C’est clair, et cela mérite d’être dit et répété. N’oublions pas ce que Jésus nous a dit :
Moi, je suis la vigne, et vous, les sarments. Celui qui demeure en moi et en qui je demeure, celui-là donne beaucoup de fruit, car, en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. (Jn 15, 5)
Évidemment, l’eucharistie et les autres actions liturgiques ne sont pas le tout de l’œuvre d’évangélisation de l’Église, parce que ce n’est pas seulement dans la liturgie que le Christ, en dehors de qui nous ne pouvons rien faire, est présent :
La liturgie ne remplit pas toute l'activité de l'Eglise ; car, avant que les hommes puissent accéder à la liturgie, il est nécessaire qu'ils soient appelés à la foi et à la conversion : "Comment l'invoqueront-ils s'ils ne croient pas en lui ? Comment croiront-ils en lui s'ils ne l'entendent pas ? Comment entendront-ils sans prédicateur ? Et comment prêchera-t-on sans être envoyé ?" (Rm 10,14-15). C'est pourquoi l'Eglise annonce aux non-croyants la proclamation du salut, pour que tous les hommes connaissent le seul vrai Dieu et celui qu'il a envoyé, Jésus-Christ, et pour qu'ils changent de conduite en faisant pénitence. Quant aux croyants, elle doit toujours leur prêcher la foi et la pénitence ; elle doit en outre les disposer aux sacrements, leur enseigner à observer tout ce que le Christ a prescrit, et les engager à toutes les œuvres de charité, de piété et d'apostolat pour manifester par ces œuvres que, si les chrétiens ne sont pas de ce monde, ils sont pourtant la lumière du monde, et ils rendent gloire au Père devant les hommes. (SC 9)
Mais c’est l’Eucharistie qui féconde en quelque sorte toutes les autres activités de l’Église :
C'est donc de la liturgie, et principalement de l'Eucharistie, comme d'une source, que la grâce découle en nous et qu'on obtient avec le maximum d'efficacité cette sanctification des hommes dans le Christ, et cette glorification de Dieu, que recherchent, comme leur fin, toutes les autres œuvres de l'Eglise. (SC 10)
Faisons une dernière remarque très importante. S’il y a aussi la catéchèse, les œuvres de charité et de pénitence, si la liturgie ne constitue pas le tout de l’activité de l’Église, elle ne constitue pas non plus le tout de la vie spirituelle. Cette vie spirituelle, indispensable à celui qui veut évangéliser, nécessite aussi la prière personnelle. Nous en reparlerons dimanche prochain, si Dieu veut. Vatican II nous l’enseigne : notez-le dès maintenant :
Cependant, la vie spirituelle n'est pas enfermée dans la participation à la seule liturgie. Car le chrétien est appelé à prier en commun : néanmoins, il doit aussi entrer dans sa chambre pour prier le Père dans le secret, et, même, enseigne l'Apôtre, il doit prier sans relâche. Et l'Apôtre nous enseigne aussi à toujours porter dans notre corps la mortification de Jésus, pour que la vie de Jésus se manifeste, elle aussi, dans notre chair mortelle. C'est pourquoi dans le sacrifice de la messe nous demandons au Seigneur "qu'ayant agréé l'oblation du sacrifice spirituel" il fasse pour lui "de nous-mêmes une éternelle offrande". (SC 12)
C'est cette prière dans le secret qui conditionne notre "participation active" à la liturgie comme moyen le plus efficace pour l'évangélisation. La participation active à la messe n'est pas réservée à ceux qui font des lectures, qui dirigent le chant, qui "font quelque chose", comme on dit. Et l'on peut très bien (ou très mal, plutôt) faire quantité de choses à la messe sans avoir participé activement. La qualité de notre participation active à la messe, et donc son efficacité pour l'évangélisation, dépend de la qualité de notre silence, de notre recueillement. C'est pour cela que le silence est un élément de la plus haute importance dans toute célébration liturgique.
Concluons et disons, après ce temps fort de quarante jours qu’a été le Temps pascal, à la lumière du mystère de l’Ascension que nous célébrons aujourd’hui, et pour nous préparer à la solennité de la Pentecôte que nous célébrerons dans dix jours, que pour annoncer l’évangile à toute la création, ce que le Christ demande à tous les baptisés, - c’est d’être unis à Jésus, car "en dehors de lui, nous ne pouvons rien faire" ; - pour être unis à Jésus nous devons monter avec Jésus dans son Ascension ; - pour monter avec Jésus dans son Ascension, nous devons descendre en nous-mêmes, car le Ciel où il est monté n’est pas dans les nuages : il est au fond de notre cœur.
C’est ce que nous enseigne Élisabeth de la Trinité dans sa dernière retraite. Durant toute sa vie, elle s’est efforcée de rejoindre la divine Présence dans le ciel de son âme. Soixante-dix jours plus tard, elle le rejoindra dans le Ciel de la gloire, laissant derrière elle un puissant sillage qui nous attire à sa suite. Sa mission n'est pas terminée. Pour les saints, la mort n'est pas la fin, c'est le moment ou leur mission prend un nouveau départ, une nouvelle ampleur.
Je passerai mon ciel a faire du bien sur la terre,
disait Thérèse de Lisieux, la patronne des missions.
Quant à eux, ils s'en allèrent proclamer partout la Bonne Nouvelle. Le Seigneur travaillait avec eux et confirmait la Parole par les signes qui l'accompagnaient.