Pour servir la vocation sacerdotale et son itinéraire, c'est-à-dire la naissance, le discernement et l'accompagnement de la vocation, l'Église peut trouver un exemple dans André, l'un des deux premiers disciples qui se mirent à la suite de Jésus. C'est lui-même qui se mit à raconter à son frère ce qui lui était arrivé: «Nous avons trouvé le Messie (c'est-à-dire le Christ)» (Jn 1, 41). Et la narration de cette «découverte» ouvre la voie à la rencontre: «Et il le conduisit à Jésus» (Jn 1, 42). Aucun doute sur l'initiative absolument libre et sur la décision souveraine de Jésus: c'est Jésus qui appelle Simon et lui donne un nouveau nom: «Jésus le regarda et dit: "Tu es Simon, le fils de Jean; tu t'appelleras Céphas" (ce qui veut dire Pierre)» (Jn 1, 42). Mais André avait eu sa part d'initiative: il avait sollicité la rencontre de son frère avec Jésus.
«Et il le conduisit à Jésus». C'est ici, dans un sens, que se trouve le coeur de toute la pastorale des vocations par laquelle l'Église veille sur la naissance et la croissance des vocations, en se servant des dons et des responsabilités, des charismes et du ministère reçus du Christ et de son Esprit. L'Église, comme peuple sacerdotal, prophétique et royal, est chargée de promouvoir et de servir la naissance et la maturation des vocations sacerdotales, par la prière et la vie sacramentelle, par l'annonce de la Parole et l'éducation de la foi, sous l'influence et avec le témoignage de la charité.
L'Église, dans sa dignité et sa responsabilité de peuple sacerdotal, indique comme moments essentiels et premiers de la pastorale des vocations la prière et la célébration de la liturgie. En effet, nourrie de la Parole de Dieu, la prière chrétienne crée l'espace idéal pour que chacun puisse découvrir la vérité de son être et l'identité du projet de vie, personnel et unique, que le Père forme pour lui. Il est donc nécessaire d'éduquer les enfants et les jeunes pour qu'ils soient fidèles à la prière et à la méditation de la Parole de Dieu: dans le silence et dans l'écoute, ils pourront percevoir l'appel du Seigneur au sacerdoce et le suivre avec promptitude et générosité.
L'Église doit accueillir chaque jour l'invitation pressante et insistante de Jésus, qui demande de «prier le Maître de la moisson, d'envoyer des ouvriers à sa moisson» (Mt 9, 38). Obéissant au commandement du Christ, l'Église accomplit, avant toute autre chose, une humble profession de foi: priant pour les vocations dont elle ressent toute l'urgence pour sa vie et pour sa mission, elle reconnaît que les vocations sont un don de Dieu et que, comme telles, elles doivent être demandées dans une supplication incessante et con- fiante. Cette prière, charnière de toute la pastorale des vocations, doit être pratiquée non seulement par chacun, mais par les communautés ecclésiales tout entières. Personne ne doute de l'importance des initiatives particulières de prière, des moments spéciaux réservés à cette demande, à commencer par la Journée mondiale annuelle pour les vocations, et de l'engagement explicite de personnes et de groupes particulièrement sensibles au problème des vocations sacerdotales. Mais, aujourd'hui, l'attente de nouvelles vocations dans la prière doit devenir toujours plus une habitude constante et largement partagée par la communauté chrétienne tout entière, et par toute réalité ecclésiale. C'est ainsi que l'on pourra revivre l'expérience des Apôtres qui, au Cénacle, unis à Marie, attendent en prière l'effusion de l'Esprit (cf. Ac 1, 14), qui ne manquera pas de susciter encore dans le peuple de Dieu «les prêtres dont le monde a besoin, pour le service de la prière et de l'Eucharistie, et pour annoncer l'Évangile du Christ».
Sommet et source de la vie de l'Église et en particulier de toute prière chrétienne, la liturgie a aussi un rôle indispensable et une incidence privilégiée dans la pastorale des vocations. En fait, elle constitue une expérience vivante du don de Dieu et une grande école de la réponse à son appel. Comme telle, toute célébration liturgique, et surtout celle de l'Eucharistie, a de nombreux effets. Elle nous révèle le vrai visage de Dieu; elle nous fait communier au mystère de la Pâque, c'est-à-dire à l'«heure» pour laquelle Jésus est venu dans le monde et vers laquelle il s'est librement et volontairement acheminé, par obéissance à l'appel du Père (cf. Jn 13, 1); enfin, elle nous manifeste le visage de l'Église, comme peuple de prêtres et communauté bien soudée, dans la variété et la complémentarité des charismes et des vocations. Le sacrifice rédempteur du Christ, que l'Église célèbre dans le mystère, donne une valeur particulièrement précieuse à la souffrance vécue en union avec le Seigneur Jésus. Les Pères synodaux nous ont invités à ne jamais oublier que «par l'offrande des souffrances, si fréquentes dans la vie des hommes, le chrétien malade s'offre comme victime à Dieu, à l'image du Christ qui s'est consacré lui-même pour nous tous (cf. Jn 17, 19)» et que «l'offrande des souffrances à cette intention est de grande utilité pour la promotion des vocations».
39. Dans l'exercice de sa mission prophétique, l'Église sent que, d'une façon inévitable, le devoir lui incombe d'annoncer et de manifester le sens chrétien de la vocation, nous pourrions dire «l'Évangile de la vocation». Elle perçoit aussi en ce domaine l'urgence des paroles de l'Apôtre: «Malheur à moi si je n'évangélise pas!» (1 Co 9,16). Cet avertissement résonne avant tout pour nous pasteurs et regarde, en même temps que nous, tous les éducateurs dans l'Église. La prédication et la catéchèse doivent toujours mettre en évidence leurs rapports intimes aux vocations: la Parole de Dieu donne aux croyants la lumière nécessaire pour voir la vie comme une réponse à l'appel de Dieu et elle les accompagne pour accepter, dans la foi, le don de la vocation personnelle.
Mais tout cela, bien qu'important et essentiel, ne suffit pas: il faut une «prédication directe sur le mystère de la vocation dans l'Église, sur la valeur du sacerdoce ministériel, sur son urgente nécessité pour le peuple de Dieu». Une catéchèse organique et offerte à tous les membres de l'Église dissipe les doutes, combat les idées unilatérales et déviées sur le ministère sacerdotal, ouvre également les coeurs des croyants à l'attente du don et crée des conditions favorables pour la naissance de nouvelles vocations. Le temps est venu de parler courageusement de la vie sacerdotale, comme d'une valeur inestimable et comme d'une forme splendide et privilégiée de vie chrétienne. Les éducateurs et spécialement les prêtres ne doivent pas craindre de proposer d'une façon explicite et forte la vocation au presbytérat comme une possibilité réelle pour les jeunes qui ont les dons et les qualités appropriés. Cela ne conditionne pas ou ne limite pas leur liberté; au contraire, une proposition précise, faite au bon moment, peut être décisive pour provoquer chez les jeunes une réponse libre et authentique. Du reste, l'histoire de l'Église et celle de tant de vocations sacerdotales, écloses même dans un âge tendre, atteste abondamment le caractère providentiel du voisinage et de la parole d'un prêtre: non seulement de la parole, mais du voisinage, c'est-à-dire d'un témoignage concret et joyeux, capable de faire surgir des interrogations et de conduire à des décisions définitives.
40. En tant que peuple royal, l'Église se sent enracinée dans la «loi de l'Esprit qui donne la vie» (Rm 8, 2), et animée par elle. Or, cette loi est essentiellement la loi royale de la charité (cf. Jc 2, 8) ou la loi parfaite de la liberté (cf. Jc 1, 25). C'est pourquoi l'Église remplit sa mission quand elle amène tout fidèle à découvrir et à vivre sa propre vocation dans la liberté, et à la porter à son achèvement dans la charité.
Dans sa tâche éducative, l'Église vise avec une attention privilégiée à susciter chez les enfants, chez les adolescents et chez les jeunes le désir et la volonté de suivre Jésus Christ en tout et de près. L'oeuvre éducative, tout en concernant la communauté chrétienne comme telle, doit s'adresser à chaque personne: Dieu, en effet, par son appel, rejoint le coeur de chaque homme, et l'Esprit, qui demeure au dedans de chaque disciple (cf.1 Jn 3, 24), se donne à chaque chrétien avec ses charismes divers et ses manifestations particulières. Chacun doit donc être aidé à recevoir le don qui lui est confié individuellement, comme à une personne unique et irremplaçable, et être aidé à écouter les paroles que l'Esprit de Dieu lui adresse.
Dans cette perspective, le souci des vocations au sacerdoce saura s'exprimer aussi dans une proposition ferme et persuasive de direction spirituelle. Il est nécessaire de redécouvrir la grande tradition de l'accompagnement spirituel personnel, qui a toujours donné des fruits nombreux et précieux dans la vie de l'Église, démarche qui peut être complétée, dans des cas déterminés et des conditions précises, par des formes d'analyse ou de secours psychologiques, mais non remplacée par elles. Les enfants, les adolescents et les jeunes seront invités à découvrir et à apprécier le don de la direction spirituelle, à le rechercher, à en faire l'expérience, à le demander avec une confiante insistance à leurs éducateurs dans la foi. Les prêtres, de leur côté, doivent être les premiers à consacrer du temps et de l'énergie à cette oeuvre d'éducation et de soutien spirituel personnel: ils ne regretteront jamais d'avoir négligé ou fait passer au second plan beaucoup d'autres choses, même belles et utiles, si cela était inévitable pour continuer à croire à leur ministère de collaborateurs de l'Esprit afin d'éclairer et de conduire ceux qui sont appelés.
La fin de l'éducation du chrétien est d'atteindre, sous l'influence de l'Esprit, la «pleine maturité du Christ» (Ep 4,13). Cela se réalise quand, en imitant et en partageant la charité du Christ, on fait de toute sa vie un service d'amour (cf. Jn 13, 14-15), en offrant à Dieu un culte spirituel qui lui soit agréable (cf. Rm 12, 1) et en se dévouant aux frères. Le service d'amour est le sens fondamental de toute vocation, et cela se vérifie tout spécialement dans la vocation du prêtre, qui, en effet, est appelé à revivre de la façon la plus radicale possible la charité pastorale de Jésus, c'est-à-dire l'amour du Bon Pasteur qui «offre sa vie pour ses brebis» (Jn 10, 11).
C'est pourquoi une authentique pastorale des vocations ne se lassera jamais d'éduquer les enfants, les adolescents et les jeunes au goût de l'engagement, au sens du service gratuit, à la valeur du sacrifice, au don de soi inconditionné. L'expérience du volontariat, pour lequel grandit l'attrait de beaucoup de jeunes, est particulièrement utile, à condition qu'il s'agisse d'un volontariat évangéliquement motivé, capable d'éduquer au discernement des besoins, vécu chaque jour avec dévouement et fidélité, ouvert à l'éventualité d'un engagement définitif dans la vie consacrée, nourri de prière; alors, il saura plus sûrement soutenir une vie d'engagement désintéressé et gratuit, et rendra celui qui s'y adonne plus sensible à la voix de Dieu qui peut l'appeler au sacerdoce. Au contraire du jeune homme riche, le bénévole pourrait accepter l'invitation pleine d'amour que Jésus lui adresse (cf. Mc 10, 21); et il pourrait l'accepter parce que ses biens consistent déjà dans le don de lui-même aux autres et dans la «perte» de sa vie.