Pourtant, quand, dans l'Évangile, Jésus prêche la conversion aux juifs, il ne leur demande pas de changer de religion. En effet, il ne vient pas créer une nouvelle religion mais accomplir la Promesse. Il ne vient pas apporter un autre Dieu que Yahweh, mais nous révéler qui il est dans sa plénitude: et il en sait quelque chose! On aurait pu penser que la préparation aurait été suffisante et qu’après des siècles de cheminement, aprés la prédication des prophètes notamment, Israël aurait débouché sur le Dieu de Jésus-Christ: il n'en a rien été, à quelques exceptions près. Paul, qui a bénéficié, lui, d'un retournement subit, déplore amèrement que les meilleurs des Juifs eux-mêmes n'aient pas consenti à croire dans le Seigneur (Rom 9, 1-5). Dès lors, les choses se sont durcies: l'Eglise et Israël se sont affrontés comme deux religions résolument différentes, alors qu'ils avaient en commun la première étape de l'Alliance. Aussi, désormais, quand il devient chrétien, le Juif lui-même doit quitter quelque chose: non pas son amour de la Bible, encore moins la fierté de sa race, mais un certain «judaïsme» qui s'oppose à Jésus-Christ. Et cela lui est très dur, un peu comme une trahison, surtout quand les siens sont persécutés: aussi certains, comme les deux philosophes Henri Bergson et Simone Weil, ont-ils différé de recevoir le baptême durant la dernière guerre, et on les comprend. En revanche, lorsqu'on lit son livre merveilleux, qui s'appelle Au choix de Dieu, on voit que le jeune Aron Lustiger, le futur cardinal, est arrivé à la foi chrétienne, jeune il est vrai, sans passer par un véritable déchirement, comme s'il avait toujours été chrétien de cœur. Tant mieux! Par contre, à la fin de l'année 1987, l'Eglise a dû faire comprendre à la Sœur Myriam, une religieuse de race juive, qu'elle ne pouvait mélanger les deux appartenances, la judaïque et la chrétienne, et le rabbin de Lyon a très honnêtement dit la même chose. Il n'empêche qu'en devenant chrétien, un Juif s'accomplit plus qu'il ne se convertit, en ce sens qu'il ne change pas vraiment de religion comme pourrait le faire un païen. Encore faudrait-il que les chrétiens soient capables de comprendre cela pour l'accueillir!
Je tenais à te dire cela, ami. On met trop le mot religion à toutes les sauces, et c'est fort dommage.