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Praedicatho homélies à temps et à contretemps

Praedicatho homélies à temps et à contretemps

C'est par la folie de la prédication que Dieu a jugé bon de sauver ceux qui croient. Devant Dieu, et devant le Christ Jésus qui va juger les vivants et les morts, je t’en conjure, au nom de sa Manifestation et de son Règne : proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire. Crédit peintures: B. Lopez


Cardinal Carlo M. Martini, Voici votre Roi (4)

Publié par Walter Covens sur 1 Décembre 2006, 19:45pm

Catégories : #la vache qui rumine (Années B - C)

    Tout cet ensemble fait bien penser que nous sommes en présence d'un événement lourd de signification. Du point de vue historique, il s'agit de la condamnation à mort de Jésus: un acte ignominieux de l'histoire, vil et injuste. Pilate siège au tribunal, présente Jésus comme roi de farce, puis l'abandonne pour qu'il soit crucifié. Voilà ce qui apparaît quand on s'en tient à une première lecture brute du passage de l'évangile. Si nous relisons attentivement nos versets, nous notons pourtant au moins deux particularités:

1. Il n'y pas de condamnation à mort au sens strict, parce qu'aucune sentence particulière n'est prononcée;
2. Il y a une phrase qui a donné beaucoup de fil à retordre aux exégètes et qui semble à certains d'entre eux volontairement équivoque, c'est l'expression ékathisen epi bématos du verset 13, traduite par la Vulgate: sedit pro tribunali. Alors qu'on pensait communément que cette phrase signifiait que Pilate avait siégé comme au tribunal, étant donné la proximité du nom de Jésus et l'attribution d'une possible valeur active au verbe ékathisen, il semble que Pilate fait asseoir Jésus, c'est-à-dire qu'il l'ait installé sur le siège du juge! De fait la traduction oecuménique de la Bible est: "Il fit mener Jésus à l'extérieur et l'installa sur une tribune." L'impression qu'on retire de cette scène est donc que celui paraît être jugé est en réalité celui qui à ce moment juge l'humanité. Autrement dit, cet épisode, qui, sur le plan de l'histoire, se conclut par la condamnation de Jésus, sur le plan de l'interprétation, fait resplendir la gloire du Christ dans l'humiliation de sa mort, en raison du pouvoir judiciaire et royal qui appartient au Christ comme au Fils de l'homme, objet de la contemplation de Jean.

    Nous sommes peut-être ici à la limite de l'analyse exégétique. Mais à plusieurs exégètes il semble qu'on soit fidèle à une interprétation véridique de Jean. Jean possède un regard aussi paradoxal, parce qu'il a connu le mystère de Dieu, lequel est paradoxal par rapport à toute action humaine. Le regard de Jean est ainsi porté à lire, même dans les circonstances les plus scandaleuses de la mort de Jésus, le signe de l'accomplissement de sa mission messianique; Jésus manifeste l'amour du Père d'une façon inouïe, au point qu'il devient, par la force de cet amour, roi et messie, et par là source de salut pour l'humanité, qu'on l'accepte ou qu'on le refuse. Nous avons donc ici l'intronisation messianique de Jésus, qui arrive au moment où il porte à son point d'achèvement sa mission fondamentale, qui consiste à manifester aux hommes l'amour du Père, au moyen de son offrande totale et absolue. En nous présentant dans son évangile la rencontre dramatique entre la lumière et les ténèbres, l'évangéliste Jean nous conduit au point culminant om semblent triompher les ténèbres; c'est l'heure la plus noire de l'humanité; et pourtant en ce moment même où l'humanité tente de l'anéantir, le Christ en toute réalité triomphe et règne. Ce qui se passe à la face de Pilate constitue un signe dans lequel l'historien lit la mort; le croyant au contraire lit l'accomplissement de la vraie mission de Jésus, son triomphe.

    Cette série de paradoxes peut nous faire réfléchir sur cette alternance de paradoxes qu'est la vie chrétienne. Dieu règne pour nous en des situations apparemment paradoxales, en particulier dans l'acte le plus paradoxal de tous qui est la mort. À l'occasion de la mort, nous sommes appelés à manifester la gloire de Dieu, non à travers les paroles qui n'arrivent pas à l'exprimer, mais à travers la réalité même de l'événement, qui nous associe au moment où le Christ s'est donné lui-même pour nous.

    Faisant ensuite réflexion sur la signification plus large que peut avoir la royauté de Jésus, nous pouvons tourner notre attention vers la doctrine des synoptiques sur le royaume de Dieu. Que veut dire: "Royaume de Dieu" ou "Royaume du Père"? Cela signifie que Dieu est au centre de toute réalité et que tout le réel est parfaitement ordonné sous la domination divine. C'est cela le Royaume de Dieu que Jésus est venu mettre en place. Selon la doctrine exposée chez Jean, cette souveraineté est donnée à Jésus précisément où il accomplit son ministère suprême de charité et de vérité. C'est alors aussi que s'accomplit la parole de Jésus au sujet de l'"attraction". Jésus ne règne pas par la domination, c'est-à-dire en étendant son pouvoir venu d'en haut, mais il règne en attirant à lui. Il fait resplendir en lui l'amour de Dieu pour l'humanité abandonnée, et par là Jésus est capable d'attirer à lui quiconque, à travers la médiation de la croix, sait lire dans sa propre pauvreté et son propre abandon, situations identiques à celles du Fils, la certitude d'être aimé de Dieu.

Éd. du Cerf 1981, p. 175-177
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