Cette démarche se situe, et c'est très important, en continuité avec le sacrement de mariage, dont elle actualise la consécration: car le mariage est une consécration véritable, ordnonnée, selon saint Paul, au "grand mystère" de l'amour du Christ, ce que le Concile nous a aidés à découvrir: "... Les époux chrétiens, pour accomplir dignement les devoirs de leur état, sont fortifiés par et comme consacrés par un sacrement spécial..." (GS 49). "Cet amour, ratifié par un engagement mutuel, et par-dessus tout consacré par le sacrement du Christ, demeure indissolublement fidèle, de corps et de pensée, pour le meilleur et pour le pire" (id. 50).
En demandant la Bénédiction des veuves, l'épouse demande à Dieu la force d'aller jusqu'au bout de la grâce du mariage, signifiante elle aussi, par un autre chemin que la virginité consacrée, de la dimension nuptiale de l'union au Christ. Par cela même, elle témoigne de la possibilité d'une fidélité plus forte que la mort, indissociable de ce sacrement, à l'image de la fidélité indéfectible de l'alliance de Dieu et de son Peuple. Elle témoigne aussi de l'inachèvement de toute réalité humaine, si riche soit-elle, qui ne peut trouver son accomplissement que dans l'amour du Christ et l'union avec Lui.
À partir de cette expérience, la veuve entre dans une relation plus profonde avec le Christ, dans l'adoration, l'offrande, l'intercession, la compassion, la contemplation. Elle apprend à vivre avec la moitié d'elle-même déjà devant la Face de Dieu, dans l'expérience profonde de la dimension "mystique" de l'eschatologie, les "Noces de l'Agneau", auxquelles le monde entier est convié, quand les temps seront accomplis. Qu'en dire, sinon que l'essentiel échappera toujours, car il relève du secret du Roi.
"Consécration et service d'Église"
Cette Bénédiction consacre la veuve au service de l'Église mais n'implique pas en soi de ministère particulier, sinon celui de la prière: bien sûr il reste que l'évêque, s'il le souhaite, peut confier une mission en même temps que la Bénédiction, mais il n'y a pas de nécessité à cela.
L'essentiel se passe entre la personne et le Seigneur, mais le témoignage peut être fort auprès d'une communauté ecclésiale: à condition toutefois de mettre l'accent, non pas sur un engagement que l'on prendrait pour un service particulier, mais sur le don de Dieu qui, plus loin que la souffrance, vient rejoindre notre vie de femme "ordinaire", à Nazareth, pour en faire un signe dans l'Église, et dans le monde un signe de l'Église.
"La veuve consacrée, signe dans l'Église"
Dans un très beau commentaire de la Présentation au Temple, Martin Luther écrit:
Si la consécration des vierges, récemment remise à l'honneur, manifeste le "déjà-là" du Royaume, il me semble que la veuve est appelée à veiller, au coeur de l'Église, pour témoigner de l'Espérance chrétienne dans "le pas-encore" de notre vie présente. Avec Marie le Samedi Saint, elle annonce dans la foi que le Seigneur a vaincu la mort, elle espère au coeur de l'angoisse et de la solitude, elle veille dans l'attente ardente du Jour de Dieu, et, comme Anne dans le Temple, elle le reconnaît et elle l'annonce. En cela, elle devient signe de l'Église, avec Marie, blessée coeur, mais debout. La veuve est consacrée à l'Espérance.