Ajoutons à cela un troisième aspect: le cadre du catéchisme. Cette « charpente », recelant en elle-même un message dont je parlerai ultérieurement, aide à mieux saisir l'importance de chaque énoncé, à mieux discerner le line que chacun d'eux entretient avec le fondement de la foi chrétienne. Nous verrons que l'option catéchétique choisie ne l'a pas été de façon arbitraire, qu'elle ne reprend pas aveuglément la structure des catéchismes antérieurs, mais qu'elle se justifie en elle-même.
Le cardinal Ratzinger a clairement formulé cette option aux cours des conférences qu'il tint à Paris et à Lyon en 1983.: la structure de la catéchèse « apparaît à travers lés événements principaux de l'Église, qui correspondent aux dimensions essentielles de l'existence chrétienne. Ainsi est née, dès les premiers temps, une structure catéchétique, dont le noyau remonte aux origines de l'Église. Luther a utilisé cette structure pour son catéchisme aussi naturellement que les auteurs du Catéchisme du Concile de Trente l'ont fait. Cela fut possible parce qu'il ne s'agissait pas d'un système artificiel, mais simplement de la synthèse du matériel mnémotechnique insdipensable à la foi, qui reflète en même temps les éléments vitalement indispensables à l'Église: le Symbole des Apôtres, les Sacrements, le Décalogue, la Prière du Seigneur. Ces quatre composantes classiques et maîtresses de la catéchèse ont servi pendant des siècles comme dispositif et résumé de l'enseignement catéchétique; ils ont aussi ouvert l'accès à la Bible comme à la vie de l'Église. Nous venons de dire qu'elles correspondent aux dimensions de l'existence chrétienne. C'est ce qu'affirme le Catéchisme Romain, en disant qu'on y trouve ce que le chrétien doit croire (Symbole), espérer (Notre Père), faire (Déclaogue), et dans quel espace vital il doit l'accomplir (sacrements de l'Église) » (Transmettre la foi, p. 12-13).
En 1988 parut une édition critique du Catéchisme romain, dit aussi « catéchisme du concile de TRente », dont la première édition fut publiée en 1566. Les maîtres d'oeuvre, le professeur Pedro Rodriguez et ses collaborateurs, étudièrent avec soin les raisons sousjacentes au choix précisément de ce plan et quelles décisions majeures les auteurs du Catéchisme romain eurent à prendre. Les résultats obtenus sont remarquables et confirment le point de vue du cardinal Ratzinger tout en apportant de nouveaux éclaiscissements.
Les proportions du Catéchisme romain méritent qu'on les examine de près: 22 % du texte sont consacrés au Credo, 37 % (presque le double) aux sacrements, 21 % aux commandements et 20 % à la prière du Seigneur. La controverse ayant sévi à l'époque de la Réformation sur les sacrements explique peut-être la disproportion en leur faveur. Un examen comparatif avec le Catéchisme de l'Église catholique aboutit au résultat suivant: 39 % du texte sont consacrés au Credo, 23 % aux sacrements, 27 % aux commandements et 11 % à la prière. Nul doute que les conjontures historiques jouent un rôle dans cette répartition proportionnelle, porteuse néanmoins d'un message théologique et catéchétique intéressant. Ce qu Pedro Rodriguez écrit sur le plan du Catéchisme romain s'applique aussi bien à la structure de base du Catéchisme de l'Église catholique: « L'option est manifeste: avant d'exposer au chrétien ce qu'il a à faire, le Catéchisme romain veut lui présenter qui et comment il est; rappelons-nous le mot du Pape saint Léon le Grand: "Chrétien, reconnais ta dignité!" Ce n'est qu'en reconnaissant la puissance surnaturelle qui découle de son "être dans le Christ par l'Esprit Saint" que le fidèle chrétien pourra, le coeur confiant, cans crainte, ni servilité, se mettre en peine de l'agir et de la croissance de l'existence chrétienne, telle qu'elle est présentée dans le décalogue... Sans la doctrine préalable des sacrements – embrassant l'initiation au Mystère de l'Église et la justification -, les commandements du décalogue peuvent paraître présumer des forces de l'homme. Or, leur prise en compte, étayée sur la foi et les sacrements, emplit de confiance et de force. C'est la propriété distincte d'une spiritualité réellement catholique culminant dans le catéchisme romain » (Préface, p. XXVI-XXVII).
L'analyse suivante peut aussi s'appliquer au Catéchisme de l'Église catholique: « En réalité, l'ordre de l'enseignement du catéchisme romain ne consiste pas en quatre parties mais s'avère être un superbe diptyque emprunté à la Tradition: d'un côté, les Mystères de la foi en Dieu, Un en Trois personnes, tels qu'ils sont prfessés (Profession de foi) et célébrés (Sacrements); de l'autre, en accord avec la foi – "foi animée par l'amour" -, la vie humaine trouvant son expression dans l'existence chrétienne (Décalogue) et dans la prière filiale (Notre Père) » (Préface, p. XXVIII).
Le message contenu dans ce diptyque est clair: la primauté de la grâce occupe le devant de la scène dans le Catéchisme romain et dans le Catéchisme de l'Église catholique. Les chiffres présentés plus haut révèlent la consécration des deux tiers ou presque du du volume total aux deux premières parties dans les deux documents. Quelle que soit la métohode catéchétique employée – aucun des deux catéchismes n'en impose une -, le thème prioritaire demeure Dieu et ses oeuvres. Quoi que l'homme fasse, ses actions répondent toujours à Dieu et à ses oeuvres. Les deux catéchismes ont pour thème principal les grandes actions de Dieu. L'option catéchétique prise ici en toute clarté ne résulte donc pas d'un choix mais correspond à la réalité, et s'impose de toute évidence: Dieu vient en premier; la grâce vient en premier. Telle est la véritable hiérarchie des vérités. La catéchèse doit donc mener d'abord à la vénération de Dieu, à l'annonciation de ses grandes actions et à la louange de sa râce: « Misericordias Domini in aeternum cantabo » (Je chaterai éternellement les actions miséricordieuse du Seigneur).