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Publié par Walter Covens

    Petit à petit, la paix descend comme un baume sur la sensibilité. Mais en même temps se creuse un écartèlement intérieur beaucoup plus radical, qui touche plus à l'être qu'à la sensibilité. Jésus a pris dans sa gloire celui que j'aimais, Il l'a pris comme sien, Il l'a "épousé" en vérité. Et moi, comme l'ami de l'époux, je me tiens devant la porte et je me réjouis de la joie des époux. Le désir de le retrouver s'approfondit et se creuse dans le désir de contempler la Face de Dieu... Oui! C'est une étrange chose que de vivre avec la moitié de soi-même devant la Face de Dieu... Moi, qui demeure ici-bas, j'ai à vivre cet écartèlement entre le "pas encore" du Royaume et le "déjà-là" pour mon époux.

    Cet écartèlement est source de grandes grâces s'il est assumé dans la foi, comme un fruit offert par l'Esprit Consolateur. Car la veuve est appelée à se tenir là, pour attendre et veiller, comme la prophétesse Anne dans le temple, qui, dans le jeûne et la prière, attendait la venue du Messie. Nous savons que vient le temps où Dieu sera l'unique Bien-Aimé de nos âmes. Mais la veuve est là, au coeur de l'Église, pour signifier que ce temps n'est pas encore venu: nous attendons dans la foi, une foi plus grande que l'épreuve de la mort, le jour où Dieu sera "Tout en tous". Alors, me voici habitée par le désir ardent du Royaume qui vient, "où il n'y aura plus ni pleurs, ni peines, ni mort car l'ancien monde s'en est allé" (Ap 21, 4).

    Ce Royaume, je crie vers lui... La veuve a pris, si j'ose dire, droit sur Dieu, pour que ce Royaume vienne vite. À Cana, Marie, dans sa compassion pour ceux qui "n'avaient plus de vin", a fait avancer l'heure de Jésus. Je pense que cela a dû être aussi sa prière le Samedi Saint. La veuve porte dans sa chair cette tension vers l'au-delà du temps, où l'amour jaloux de Dieu sera tout et notre plénitude à chacun.

    En même temps j'expérimente l'au-delà du mariage dans une communion fraternelle d'âmes comblées par Dieu, qui rend l'époux obscurément plus proche que cela a pu être possible sur la terre. Il intercède à présent pour moi, car l'époux fidèle sauve 'l'infidélité" (1 Co 7, 3) de son épouse. J'entrevois la profondeur du sacrement de mariage, justement dans son inachèvement, dans son au-delà et dans sa brisure. J'expérimente mystérieusement la Pâque de notre pauvre amour humain.

    Comment rendre compte de tout cela? Il n'y a pas de mots pour le dire. Mais Dieu, dans sa sagesse et dans sa tendresse, ménage les étapes, donne la lumière que nous pouvons accueillir et nous porte mystérieusement jour après jour. Je crois que l'espérance est notre mission profonde au coeur de l'Église, une espérance invincible où s'enracinent tous les engagements que la disponibilité nouvelle nous permet d'accomplir. Déjà, d'une certaine manière, nous vivons dans ce monde en n'étant plus de ce monde. Je suis bien partout, mais je n'ai plus de chez-moi nulle part. Mon chez-moi, c'est la maison de Dieu où mon époux est déjà arrivé, a déjà fait sa demeure. D'une certaine manière, pour moi aussi, tout est déjà accompli.

    Vient le temps où tout est englouti dans la bénédiction de la sagesse de Dieu au travers de nos larmes, au travers de nos blessures. Vient le temps où je peux dire, en toute vérité: "Ô mort, où donc est ta victoire?"

Femmes selon le coeur de Dieu, Éd. Saint Paul, 1999, p. 91-93
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