Je parle de la planète Terre. Car évidemment, chez les anges, Ste Apparence n'a pas la cote. Les anges sont des êtres spirituels pour lesquels les apparences ne trompent pas. Aujourd'hui, Jésus, le Seigneur des esprits, veut nous ouvrir les yeux à nous aussi, comme Saint Paul le fera après lui. Car cet évangile ne vise pas seulement les scribes et les pharisiens parmi les juifs, mais aussi dans l'Église. C'est en parlant d'eux que S. Paul disait :
En le méditant au début de la semaine dernière1, j'apprenais le décès du Père Marie-Dominique Philippe. Le Père Maire-Do, comme on disait familièrement, est parmi les professeurs qui m'ont le plus marqué au cours de ma vie d'étudiant (et après). Il était professeur de philosophie à l'université de Fribourg, mais je l'ai dabord connu à Paris, où il venait tous les mois nous expliquer la Prima Pars (première partie) de la Somme Théologique de S. Thomas d'Aquin. Les années suivantes, à Fribourg, où j'ai fait ma théologie, je faisais volontiers des heures supplémentaires pour suivre ses cours de métaphysique à la faculté de philosophie. J'ai aussi suivi plusieurs retraites prêchées par lui sur Saint Jean, notamment sur l'Apocalypse. Il est le fondateur de la Communauté Saint-Jean, qui compte trois branches : les frères, les soeurs contemplatives et les soeurs apostoliques. La Communauté des frères de Saint-Jean compte aujourd’hui (2015) 550 frères de 35 nationalités différentes, dont 270 prêtres. Plus de 150 frères sont en formation, dont une cinquantaine de novices. Les frères sont répartis en une soixantaine de prieurés dans plus de 30 pays, sur les cinq continents.
Pourquoi cette "digression" ? Eh bien, parce que tout au long de sa vie de chercheur de la Vérité, le Père Philippe n'a cessé de chercher, en vrai apôtre, à lutter contre les fausses idéologies et à promouvoir une intelligence authentique de la personne humaine et de la foi. Un de ses derniers livres, Retour à la source (Fayard, 2005), présente sa réflexion philosophique sur ce sujet. Déjà dans Lettre à un ami (Éditions universitaires, 1992- nouvelle édition), il invitait chacun à s'interroger sur ce qu'il est comme personne humaine. Dépassant les idéologies pour retrouver le réalisme d'une authentique recherche de la vérité, il nous aidait à redécouvrir, à partir de nos propres expériences, ce qui donne un sens à notre vie. C'est sans doute la grande pauvreté de la majorité des hommes en Occident aujourd'hui : le manque de sens.
Eh bien, l'évangile d'aujourd'hui nous invite tous à un retour à la source, au-delà des apparences. Jésus n'emploie pas les mots "corps" et "âme", mais les mots "lèvres", "mains" et "coeur". Il veut corriger ceux qui honorent Dieu des lèvres, alors que leur coeur est loin de lui, ceux qui se lavent soigneusement les mains, alors que de leur coeur sortent les pensées perverses. L'utilisation des mots "corps" et "âme" par l'Église est aujourd'hui très critiquée. Elle ne serait pas biblique (le mot "Trinité" non plus !), mais une contamination de la foi par la philosophie grecque. Or, "la notion de l'âme telle que l'ont utilisée la liturgie et la théologie jusqu'à Vatican II n'a pas plus à voir avec l'Antiquité que l'idée de résurrection." Celui qui parle ainsi, c'est le Cardinal Ratzinger, qui continue :
Qui sommes-nous ? Qu'est-ce que la personne humaine ? C'est une créature qui se trouve au point de rencontre de toutes les créatures. Les anges sont de purs esprits. Les animaux, les végétaux et les minéraux n'ont pas d'âme spirituelle. L'être humain est seul à unir le monde spirituel et le monde matériel. Il est comme un microcosme, un résumé de toute la création. Cest là sa grandeur. Mais comme il est difficile pour lui d'être à la hauteur !
Le concile, dans le passage cité plus haut, mettait en garde contre un spiritualisme exacerbé et un mépris du corps. Cela se retrouve à tous les niveaux de la vie humaine, jusque dans la réalité religieuse, et pas seulement au niveau biologique. Le Cardinal Ratzinger écrivait :
Dans l'évangile d'aujourd'hui, c'est plutôt la tendance inverse qui est fustigée. Mais c'est toujours une déviation de la même vérité. Cette vérité, c'est l'unité du corps et de l'âme. On peut divorcer l'âme du corps, soit au mépris du corps, en surévaluant l'âme, soit au mépris de l'âme, en n'attachant de l'importance qu'au corps. Celui dont le corps n'exprime pas avec fidélité les mouvements de l'âme, et dont l'âme ne baigne pas dans la lumière de la grâce, celui-là est "hypocrite" et "impur".
Et le Catéchisme (n. 2518), en rapprochant cet enseignement de Jésus de la béatitude des coeurs purs, commente :
Dans l'Imitation de Jésus Christ on lit également :
"Oui, demain, nous verrons Dieu en face à face, mais dès maintenant le coeur pur voit selon Dieu. Il juge tout à la lumière de Dieu. Si simple est la vie quand on y vit de Dieu." (Jean-Louis Bruguès)
Je vous ai parlé des anges. Dans l'Apocalypse (18, 12) Jean voit un ange descendre du ciel. Il avait reçu une autorité si grande que la terre fut illuminée de sa gloire. Et il s'écria d'une voix puissante : "Elle est tombée, elle est tombée, Babylone la Grande ! La voilà devenue une tanière de démons, un repaire de tous les esprits impurs, un repaire de tous les oiseaux impurs, un repaire de toutes les bêtes impures et répugnantes !
Maintenant à nous de choisir entre Dieu et le démon, entre Babylone et la Jérusalem nouvelle, entre sainte Apparence et Sainte Marie. Par le baptême nous sommes tous appelés à l'évangélisation. Que Celle que l'on invoque comme Étoile de l'Évangélisation, la Vierge au coeur pur, nous aide à nous purifier nous aussi et à nous convertir de faux en vrais apôtres ! Et puisque nous sommes dans la section des pains, n'oublions pas que cela commence par l'Eucharistie. Comment venons-nous communier à la messe : avec de belles apparences ou avec un coeur pur ? Que ferons-nous après, tout au long de la semaine ? Que le Seigneur ne nous dise pas : Il est inutile le culte qu'ils me rendent. Vous laissez de côté le commandement de Dieu pour vous attacher à la tradition des hommes.