Mais le repas spirituel, selon les éclaircissements donnés dans l'évangile, comporte une contribution essentielle de l'Esprit Saint. Jésus a réagi vigoureusement à l'incompréhension des auditeurs qui avaient interprété la nourriture eucharistique comme celle de la chair dans son état actuel, terrestre. Nous avons déjà commenté la réponse où il souligne que la chair donnée en aliment sera celle du Fils de l'homme remonté au ciel, c'est-à-dire une chair animée par l'Esprit Saint, car en elle-même, dans sa seule qualité de chair, la chair ne sert de rien. C'est l'Esprit qui vivifie (Jn 6, 62). Il indique par là en quel sens doivent être entendues toutes les paroles prononcées sur la chair et le sang du Fils de l'homme ; ce sont des paroles qui sont Esprit et vie : chair et sang sont des réalités où se trouve la vie de l'Esprit, qui leur confère leur pleine valeur.
En affirmant que dans le repas eucharistique le Christ communique sa propre vie divine, puisque c'est lui qui se fait manger et boire, nous devons donc préciser que cette vie est donnée par l'Esprit Saint. Même comme nourriture et comme breuvage eucharistique, le Christ agit et transforme l'humanité par l'Esprit. Lors de la Pentecôte, au moment de faire naître l'Église, c'est lui qui, selon le discours de Pierre, a répandu l'Esprit Saint qu'il avait reçu du Père (cf. Ac 2, 33). Ce premier essor de la communauté chrétienne contenait le principe de tout le développement futur, où l'Esprit Saint jouerait un rôle essentiel.
Conformément à ce principe du déploiement de l'activité salvatrice et transformatrice du Christ par l'Esprit Saint, l'eucharistie implique, dans la chair donnée en nourriture, une animation spéciale due à l'Esprit. Le repas eucharistique propage la vie de l'Esprit. Cela ne signifie pas que l'eucharistie doive être considérée comme sacrement de l'Esprit Saint. Elle demeure nourriture qui consiste dans le corps et le sang du Christ. L'Esprit Saint lui-même tend à glorifier le Christ (cf. Jn 16, 14) et lorsque par sa force il forme des témoins, ce sont des témoins du Christ (cf. Ac 1, 8). C'est donc bien le Christ qui se donne lui-même en nourriture et en breuvage, mais nourriture et breuvage reçoivent leur efficacité spirituelle de l'Esprit Saint qui les remplit.
Par le repas eucharistique se diffusent donc chez les chrétiens les dons du Saint-Esprit. Dans la première lettre aux Corinthiens (12, 1-11), saint Paul a décrit la diversité des dons spirituels ou charismes qui caractérisent la vie et le développement de l'Église. Ces dons sont distribués d'une manière générale, selon la volonté souveraine de l'Esprit Saint ; aucune référence n'est faite à l'eucharistie. Cependant, lorsque par la suite il recommande aux chrétiens d'aspirer aux dons supérieurs, la foi, l'espérance et par-dessus tout la charité (cf. 1 Co 12, 31), nous ne pouvons oublier que dans l'acquisition de ces dons l'eucharistie peut tenir une place importante.
Plus particulièrement pour la charité, le rôle de l'eucharistie ne pourrait être négligé. En effet, le Christ a fait comprendre le lien qui existe entre l'eucharistie et la charité lorsque dans la dernière Cène il a formulé le nouveau commandement : Aimez-vous les uns les autres comme moi-même je vous ai aimés (Jn 13, 34 ; 15, 12). À ces disciples, qui avaient trop souvent manifesté leurs rivalités, il a procuré, par l'institution de l'eucharistie, la force spirituelle nécessaire pour entretenir des relations de bonne entente. Il comptait sur le repas eucharistique pour rendre ses disciples à même d'observer le grand précepte de l'amour mutuel. Le don divin qu'apportait ce repas pour garantir la victoire de l'amour sur toutes les passions contraires était un don de l'Esprit Saint.
Évidemment, l'eucharistie n'est pas la seule voie par laquelle l'Esprit Saint distribue ses dons, mais elle est une voie importante, plus spécialement pour la diffusion de la charité. En se livrant comme nourriture spirituelle, le Christ allume dans les coeurs humains le feu de l'amour, par l'Esprit Saint.