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Praedicatho homélies à temps et à contretemps

Praedicatho homélies à temps et à contretemps

C'est par la folie de la prédication que Dieu a jugé bon de sauver ceux qui croient. Devant Dieu, et devant le Christ Jésus qui va juger les vivants et les morts, je t’en conjure, au nom de sa Manifestation et de son Règne : proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire. Crédit peintures: B. Lopez


Hans Urs von Balthasar, La femme et le dragon

Publié par Walter Covens sur 17 Août 2006, 19:39pm

Catégories : #la vache qui rumine (Années B - C)

Qui est Marie pour notre temps ?… Pour la redécouvrir, relisons le chapitre 12 de l’Apocalypse : il occupe une place centrale dans le dernier livre de la Bible, dont les tableaux visionnaires reflètent l’histoire du monde.

       Le signe grandiose apparu dans le ciel, la femme enveloppée du soleil, la lune sous les pieds, et sur la tête une couronne de douze étoiles, mais qui crie à voix forte dans les douleurs de l’enfantement, représente d’abord et à n’en pas douter le peuple de Dieu, Israël, qui souffre d’" engendrer " le Messie : il lui faut enfanter un être infiniment supérieur à un homme ordinaire ; comment cela peut-il se faire ? Et ces douleurs ne sont pas qu’intérieures : s’ajoute la peur démesurée devant le monstre, le dragon rouge feu aux sept gueules béantes afin de dévore l’enfant aussitôt né.

       Mais au faîte de la splendeur d’Israël, quintessence de toute son espérance et de toute se foi, s’accomplit la naissance de l’enfant mâle qui doit, selon le psaume, mener toutes les nations avec une verge de fer, car il est investi par Dieu d’un pouvoir inconditionnel sur la création. Un pouvoir jusque sur la mort ; un pouvoir tel, que non seulement il échappe à la gueule du dragon, mais que, en ressuscitant et franchissant la mort, il peut être enlevé auprès de Dieu et de son trône. Cette croyance d’Israël trouva son aboutissement en un être déterminé, du nom de Marie, qui engendra physiquement le Messie et participa à son destin jusqu’à la crucifixion qu’elle souffrit avec lui, jusqu’à son avènement au trône de Dieu. Qu’est-il advenu d’elle ?

       Il est dit tout d’abord qu’elle s’enfuit au désert, où Dieu lui a ménagé un refuge. Mais on assiste ensuite à la description d’un combat décisif dans le ciel : une fois le Messie enlevé au ciel, Michel et ses anges luttent contre le dragon et sa suite. Incapable de faire face, l’énorme dragon, l’antique serpent, le Diable ou Satan, comme on l’appelle, le séducteur du monde entier es rejeté hors du ciel éternel et précipité sur la terre mortelle. Le ciel est rempli d’allégresse, mais à la terre il est dit : Malheur à vous, la terre et la mer, car le Diable est descendu chez vous, frémissant de colère et sachant que ses jours sont comptés.

       La femme et le dragon se trouvent alors de nouveau face à face, et le dragon n’a d’autre intention que de poursuivre la femme. Nous sommes ici à un moment de l’ère chrétienne que l’Apocalypse désigne toujours de la même manière : 1 260 jours, ou 42 mois, ou encore un temps, des temps, et la moitié d’un temps, comme c’est le cas ici. Il s’agit d’une période qui, aux hommes, semble deux fois plus longue, mais qui (comme il est dit ailleurs), est écourtée de la moitié pour l’amour des élus. C’est précisément l’époque à laquelle nous vivons, à laquelle vit aussi la femme, qu’elle ait pour nom Israël, Marie, ou Mère de tous les frères et sœurs de Jésus Christ. Dans l’Apocalypse, Marie devient l’Église ; il est écrit en effet que le dragon, dans sa fureur contre la femme, porta le combat contre le reste de sa descendance, ceux qui observent les commandements de Jésus et gardent son témoignage. C’est parce qu’il ne peut rien contre elle que la fureur du dragon contre l’Église est si grande : Elle reçut les deux ailes du grand aigle pour voler au désert, en un lieu où, à l’abri du serpent, elle doit être nourrie tout au long de l’histoire du monde. Il s’agit là d’une situation précaire, car le serpent vomit alors de sa gueule comme un fleuve d’eau derrière la femme pour l’entraîner dans ses flots. Mais en cet instant la terre vint au secours de la femme : ouvrant la bouche, elle engloutit le fleuve vomi par la gueule du dragon.

       Quelle n’est pas la situation ! La femme est en fuite, et cette fuite réussit grâce aux ailes du grand aigle. Comme l’aigle, Dieu prend ses petits sur son aile pour qu’ils n’aient plus peur, et les enlève dans le ciel. Voilà comment Yahvé a toujours agi envers Israël ; mais pour le petit ainsi transporté dans les espaces vides, cette immensité ressemble à un véritable désert. Or c’est précisément là le lieu sûr où Dieu le conduit et où, de manière merveilleuse, il prend soin de le nourrir au temps de l’histoire, de même qu’il avait nourri Israël au désert. C’était alors un désert géographique, que l’on peut survoler rapidement aujourd’hui. Mais le désert où doit séjourner l’Église ne se laissera embrasser dans toute son étendue qu’à la fin des temps. Il s’agissait jadis d’un exode vers une terre promise. Aujourd’hui, il n’est pas question pour l’Église d’un tel exode, si ce n’est vers un au-delà de l’histoire : cieux nouveaux, terre nouvelle.

       L’Église se situe désormais entre le crachat du dragon et la nourriture céleste, mortellement menacée et cependant protégée en un lieu préparé par Dieu. Mais tous ses fils et filles ont à mener un incessant combat guerrier contre les forces du mal. L’Église n’est pas une dimension extérieure à ses enfants, elle vit en eux, comme eux vivent par elle et en elle. C’est pourquoi son destin se confond avec le leur : Exposés au crachat du serpent, protégés et nourris par Dieu lorsqu’ils combattent. Votre adversaire, le Diable, comme un lion rugissant, rôde, cherchant qui dévorer. Résistez-lui, fermes dans la foi, sachant que c’est le même genre de souffrance que la communauté des frères, répandue dans le monde, supporte (1 P 5, 8). Revêtez l’armure de Dieu pour pouvoir résister aux manœuvres du Diable. Ce n’est pas contre des adversaires de chair et de sang que nous avons à lutter, mais contre les Principautés, contre les puissances, contre les Régisseurs de ce monde de ténèbres (Ep 6, 11).

       Il ne s’agit pas d’un pouvoir indifférent, car ce sont là des forces furieuses. Après la venue du Christ, elles se sont déployées en une anti-trinité, telle qu’elle est décrite en détail dans l’Apocalypse. Sous l’apparence de la bête qui surgit des profondeurs de la mer, le vieux dragon s’est donné une image dominant l’histoire des hommes, une figure que l’on adore, et qui reçoit le pouvoir de faire la guerre aux saints et de les vaincre. L’Église peut subit maintes défaites, elle peut être décimée, humiliée, plongée dans la plus profonde détresse (évoquée par le Christ dans les Évangiles), acculée à la destruction de la grande Cité, décrite dans l’Apocalypse : Lorsque cela commencera d’arriver, redressez-vous et relevez la tête, car votre délivrance approche (Lc 21, 28).

       Il ne s’agit donc pas, dans l’histoire de l’Église, d’un combat susceptible de tourner à son avantage ici-bas. Car, même lorsque ses enfants combattent, elle demeure dans le désert jusqu’à la fin des temps, ainsi que le reste de sa descendance. Là, et nulle part ailleurs, amenée par les ailes de Dieu, elle est en sûreté. Le désert est sa terre promise.


Marie pour aujourd’hui, Nouvelle Cité, 1988, p. 5-12
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