Cette existence " christiforme ", proposée à tant de baptisés au long de l'histoire, ne peut être vécue que sur la base d'une vocation spéciale et en vertu d'un don particulier de l'Esprit. En elle, la consécration baptismale est amenée à donner une réponse radicale par la sequela Christi, grâce à la pratique des conseils évangéliques, dont le premier et le plus grand est le lien sacré de la chasteté pour le Royaume des cieux. Cette forme de la sequela Christi, dont l'origine est toujours l'initiative du Père, a donc une connotation essentiellement christologique et pneumatologique ; cela lui permet d'exprimer de manière particulièrement vive le caractère trinitaire de la vie chrétienne, en quelque sorte anticipation de l'accomplissement eschatologique vers lequel tend toute l'Église. Dans l'Évangile, nombreux sont les gestes et les paroles du Christ qui éclairent le sens de cette vocation spéciale. Toutefois, pour en saisir les traits essentiels dans une vision d'ensemble, il est particulièrement utile de fixer le regard sur le visage rayonnant du Christ dans le mystère de la Transfiguration. C'est à cette " icône " que se réfère toute une tradition spirituelle ancienne, qui relie la vie contemplative à la prière de Jésus " sur la montagne ". (Cf. Cassien : " Il partit à l'écart seul sur la montagne pour prier, en nous donnant l'exemple de cette mise à l'écart pour que nous allions de même à l'écart " ; S. Jérôme : " Recherche le Christ dans la solitude et prie seul sur la montagne avec Jésus " ; Guillaume de Saint-Thierry : " [La vie solitaire] a été pratiquée très souvent par le Seigneur lui-même, et désirée par ses disciples même en sa présence ; ceux qui étaient avec lui sur la montagne sainte ayant vu la gloire de sa transfiguration, Pierre jugea immédiatement... que le mieux était pour lui de demeurer toujours en ce lieu ")
  En outre, les dimensions " actives " de la vie consacrée peuvent elles-mêmes y amener aussi dans une certaine mesure, puisque la Transfiguration n'est pas seulement une révélation de la gloire du Christ, mais une préparation à accepter sa Croix. Elle suppose une " ascension de la montagne " et une " descente de la montagne " : les disciples qui ont joui de l'intimité du Maître, un moment enveloppés par la splendeur de la vie trinitaire et par la communion des saints, sont comme emportés dans l'éternité. Puis ils sont soudain ramenés à la réalité quotidienne ; ils ne voient plus que " Jésus seul " dans l'humilité de la nature humaine et ils sont invités à retourner dans la vallée, pour partager ses efforts dans la réalisation du dessein de Dieu et pour prendre avec courage le chemin de la Croix.