L.A. Lassus, La prière est une fête, Cerf 1978
Pendant des années et des années, jai cherché à mon tour ; jai essayé de comprendre. Il fallait bien faire mes études, passer des examens, mon lectorat en Sacrée Théologie, répondre à lavidité de certains et plus encore de certaines
Jusquau jour où jai rencontré Grégoire. Oh, il ne sagit ni de Grégoire de Nazianze, ni de Grégoire de Nysse, ni de Grégoire le Grand. Il sagit de ce merveilleux petit Grégoire aux yeux immenses. Je lui ai demandé ce que lon (demande) habituellement à un petit garçon qui va en classe :
- Alors, Grégoire, tu travailles bien ?
- Oh, pas tellement.
- Mais, ajoutai-je, il y a tout de même quelque chose qui tintéresse ?
Alors, après un moment de silence :
- Oui, ma-t-il dit, la danse et la religion.
Et après encore un silence :
- Et, dans la religion, la sainte Trinité.
Stupéfaction ! Jinsistai :
- Mais pourquoi donc, Grégoire ?
- Vous ne comprenez pas que la danse et la Trinité, cest pareil ?
Je suis resté devant cet enfant comme anéanti. Cétait si grand ce quil me disait là
Et pour lui, avec ses yeux de hibou, cétait une évidence. Dieu-Trinité, cétait la plus éblouissante des farandoles damour. Jai vu en un instant, à lécole de cet enfant, pourquoi Jésus avait employé les images les plus simples, mais aussi les plus lourdes de vie et de fête pour nous dire simplement cela : Dieu est éternelle célébration de la vie, léternel festival de la lumière dans lamour. Lorsquau XVe siècle le moine Andreï Roublov peindra son icône de la Trinité, il naura quun désir : exprimer cette rencontre éternelle des visages, lumineuse, calme, sereine, lourde damour. (cité dans Daniel-Ange, Létreinte de feu, Le Sarment, Fayard, 2000, p. 310-311)
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