Benoït XVI, " Dieu est Amour ", 16-18 (1e partie)
16.
Est-il vraiment possible daimer Dieu alors quon ne le voit pas ? Et puis: lamour peut-il se commander ? Au double commandement de lamour, on peut répliquer par une double objection, qui résonne dans ces questions. Dieu, nul ne la jamais vu comment pourrions-nous laimer ? Et, dautre part : lamour ne peut pas se commander; cest en définitive un sentiment qui peut être ou ne pas être, mais qui ne peut pas être créé par la volonté. LÉcriture semble confirmer la première objection quand elle dit: " Si quelquun dit: "Jaime Dieu", alors quil a de la haine contre son frère, cest un menteur. En effet, celui qui naime pas son frère, quil voit, est incapable daimer Dieu, quil ne voit pas " (1 Jn 4, 20). Mais ce texte nexclut absolument pas lamour de Dieu comme quelque chose dimpossible; au contraire, dans le contexte global de la Première Lettre de Jean, qui vient dêtre citée, cet amour est explicitement requis. Cest le lien inséparable entre amour de Dieu et amour du prochain qui est souligné. Tous les deux sappellent si étroitement que laffirmation de lamour de Dieu devient un mensonge si lhomme se ferme à son prochain ou plus encore sil le hait. On doit plutôt interpréter le verset johannique dans le sens où aimer son prochain est aussi une route pour rencontrer Dieu, et où fermer les yeux sur son prochain rend aveugle aussi devant Dieu.
17. En effet, personne na jamais vu Dieu tel quil est en lui-même. Cependant, Dieu nest pas pour nous totalement invisible, il nest pas resté pour nous simplement inaccessible. Dieu nous a aimés le premier, dit la Lettre de Jean qui vient dêtre citée (cf. 4, 10) et cet amour de Dieu sest manifesté parmi nous, il sest rendu visible car Il "a envoyé son Fils unique dans le monde pour que nous vivions par lui" (1 Jn 4, 9). Dieu sest rendu visible: en Jésus nous pouvons voir le Père (cf. Jn 14, 9). En fait, Dieu se rend visible de multiples manières. Dans lhistoire damour que la Bible nous raconte, Il vient à notre rencontre, Il cherche à nous conquérir jusquà la dernière Cène, jusquau Cur transpercé sur la croix, jusquaux apparitions du Ressuscité et aux grandes uvres par lesquelles, à travers laction des Apôtres, Il a guidé le chemin de lÉglise naissante. Et de même, par la suite, dans lhistoire de lÉglise, le Seigneur na jamais été absent: il vient toujours de nouveau à notre rencontre par des hommes à travers lesquels il transparaît, ainsi que par sa Parole, dans les Sacrements, spécialement dans lEucharistie. Dans la liturgie de lÉglise, dans sa prière, dans la communauté vivante des croyants, nous faisons lexpérience de lamour de Dieu, nous percevons sa présence et nous apprenons aussi de cette façon à la reconnaître dans notre vie quotidienne. Le premier, il nous a aimés et il continue à nous aimer le premier; cest pourquoi, nous aussi, nous pouvons répondre par lamour. Dieu ne nous prescrit pas un sentiment que nous ne pouvons pas susciter en nous-mêmes. Il nous aime, il nous fait voir son amour et nous pouvons léprouver, et à partir de cet "amour premier de Dieu", en réponse, lamour peut aussi jaillir en nous.
Dans le développement de cette rencontre, il apparaît clairement que lamour nest pas seulement un sentiment. Les sentiments vont et viennent. Le sentiment peut être une merveilleuse étincelle initiale, mais il nest pas la totalité de lamour. Au début, nous avons parlé du processus des purifications et des maturations, à travers lesquelles leros devient pleinement lui-même, devient amour au sens plein du terme. Cest le propre de la maturité de lamour dimpliquer toutes les potentialités de lhomme, et dinclure, pour ainsi dire, lhomme dans son intégralité. La rencontre des manifestations visibles de lamour de Dieu peut susciter en nous un sentiment de joie, qui naît de lexpérience dêtre aimé. Mais cette rencontre requiert aussi notre volonté et notre intelligence. La reconnaissance du Dieu vivant est une route vers lamour, et le oui de notre volonté à la sienne unit intelligence, volonté et sentiment dans lacte totalisant de lamour. Ce processus demeure cependant constamment en mouvement: lamour nest jamais "achevé" ni complet; il se transforme au cours de lexistence, il mûrit et cest justement pour cela quil demeure fidèle à lui-même. Vouloir la même chose et ne pas vouloir la même chose (Salluste); voilà ce que les anciens ont reconnu comme lauthentique contenu de lamour: devenir lun semblable à lautre, ce qui conduit à une communauté de volonté et de pensée. Lhistoire damour entre Dieu et lhomme consiste justement dans le fait que cette communion de volonté grandit dans la communion de pensée et de sentiment, et ainsi notre vouloir et la volonté de Dieu coïncident toujours plus: la volonté de Dieu nest plus pour moi une volonté étrangère, que les commandements mimposent de lextérieur, mais elle est ma propre volonté, sur la base de lexpérience que, de fait, Dieu est plus intime à moi-même que je ne le suis à moi-même (S. Augustin). Cest alors que grandit labandon en Dieu et que Dieu devient notre joie (cf. Ps 72 [73], 23-28).
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