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Praedicatho homélies à temps et à contretemps

Praedicatho homélies à temps et à contretemps

C'est par la folie de la prédication que Dieu a jugé bon de sauver ceux qui croient. Devant Dieu, et devant le Christ Jésus qui va juger les vivants et les morts, je t’en conjure, au nom de sa Manifestation et de son Règne : proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire. Crédit peintures: B. Lopez


Cardinal Ratzinger, A l’image et à la ressemblance de Dieu : toujours ? Maladies mentales (1)

Publié par dominicanus sur 24 Avril 2008, 17:00pm

Catégories : #La vache qui rumine (Année A)



    Devant le thème de cette Conférence internationale affleurent à mon esprit des souvenirs particulièrement inquiétants. Permettez moi, je vous prie, en guise d’introduction, de vous faire le récit de mon expérience personnelle, qui nous reporte à l’année 1941, c’est-à-dire, au temps de la guerre et du régime national-socialiste.

    Une de mes tantes, à qui nous rendions visite fréquemment, était la maman d’un enfant robuste, plus jeune que moi de quelques années, chez qui se manifestaient, progressivement, les symptômes typiques du syndrome de Down. Dans la simplicité de son intelligence “embuée” il suscitait une grande sympathie, et sa mère qui avait perdu une petite fille, prématurément, lui était très affectionnée. En 1941, les autorités du Troisième Reich, exigèrent l’hospitalisation de cet enfant en vue de le soigner plus adéquatement. Aucun soupçon ne pesait alors, sur l’opération d’élimination des déficients mentaux, pourtant, déjà commencée. Peu de temps après, arriva la nouvelle que l’enfant était décédé d’une pneumonie et que son corps avait été incinéré.

    Dès lors, les nouvelles de ce genre se multiplièrent. Au village, où nous habitions auparavant, nous rendions volontiers visite à une veuve, qui n’avait pas eu d’enfants, et qui était heureuse de rencontrer ceux des alentours. La petite propriété, héritée de son père, lui donnait tout juste de quoi vivre, mais elle s’en contentait, tout en éprouvant quelque crainte pour l’avenir. Plus tard, nous apprîmes que la solitude grandissante où elle se trouvait, avait progressivement obscurci son esprit : la peur de l’avenir était devenue pathologique, à tel point qu’elle n’osait presque plus manger, redoutant sans cesse le lendemain et le risque de demeurer sans nourriture à se mettre sous la dent. Elle fut alors classée comme malade mentale, hospitalisée, et pour elle, également, nous arriva bientôt la nouvelle de son décès dû à une pneumonie. Peu après, la même chose se produisit de nouveau dans notre propre village : la petite propriété contiguë à notre maison était, jusque là, confiée aux soins de trois frères célibataires, auxquels elle appartenait. On les considérait comme des infirmes mentaux, mais néanmoins, ils étaient en mesure de s’occuper de leur maison et de leur propriété. Eux aussi, disparurent, et rejoignirent un lieu d’hospitalisation ; peu aprés, on apprit qu’ils étaient morts.

    À ce point là, ne subsistait plus aucun doute sur ce qui était en train de se passer. Il s’agissait de l’élimination systématique de tous ceux qui étaient considérés comme improductifs. L’État, s’était arrogé le droit de décider du sort de qui avait le droit de vivre et de qui devait être privé de l’existence au profit de la communauté et du sien propre, étant donné qu’il n’était plus utile ni aux autres ni à lui-même. Aux horreurs de la guerre, chaque jour plus dramatiques, s’ajoutait ce fait, qui nous plongeait dans un nouvel effroi : nous éprouvions la froideur glaciale de cette logique de l’utilité et du pouvoir. Le meurtre de ces personnes nous atteignait comme une humiliation et une menace envers nous mêmes, envers l’essence humaine qui est nôtre : si la patience et l’amour voués aux personnes souffrantes, doivent être retranchés de l’existence humaine comme une perte de temps et d’argent, alors, le mal commis ne s’adresse pas aux seules personnes assassinées, les survivants eux-mêmes sont mutilés dans leur esprit propre. Nous nous rendions compte que là où n’est plus respecté le mystère de Dieu, sa dignité intouchable en chaque homme, non seulement les individus sont menacés, mais l’être humain, lui-même, est en danger.

    Au sein de ce silence paralysant, de cette peur qui nous neutralisait tous, se fit jour une libération, le jour même, où le Cardinal von Galen éleva la voix et rompit cette paralysie de la peur en prenant la défense des malades mentaux, de l’homme lui-même, image de Dieu. À toutes les menaces contre l’homme, issues du calcul du pouvoir et de l’utilité, s’oppose la lumineuse parole de Dieu, par laquelle la Genèse introduit le récit : de la création de l’homme : créons l’homme à notre image, comme notre ressemblance - faciamus hominm ad imaginem et similitudinem nostram, traduit la Vulgate (Gn 1, 26). Mais que faut-il entendre par cette parole ? En quoi consiste la ressemblance divine de l’homme ?

    Ce terme, au sein de l’Ancien Testament est pourrait-on dire, un monolithe ; il n’apparaît plus dans l’Ancien Testament hébraïque, même si le Psaume 8 révèle une parenté intérieure avec lui - “Qu’est donc le mortel, que tu t’en souviennes ?”. Il n’est repris que dans la littérature sapientielle. L’Ecclésiaste (17,2) y fonde la grandeur de l’être humain, sans, à proprement parler, vouloir donner une interprétation de la signification de la ressemblance avec Dieu. Le livre de la Sagesse (2,23) fait un pas de plus, et voit “l’être image de Dieu” essentiellement fondé dans l’immortalité de l’homme : ce qui fait Dieu, Dieu, et le distingue de la créature, c’est précisément son immortalité et sa pérennité. Image de Dieu, la créature est, par le fait même qu’elle participe à l’immortalité - non par sa nature, mais par un don du créateur. L’orientation vers la vie éternelle est ce qui rend l’homme, le “correspondant créé” de Dieu.

    Ici la réflexion pourrait se poursuivre et l’on pourrait dire aussi : la vie éternelle signifie quelque chose de plus qu’une simple subsistance éternelle. Elle est remplie de sens, et ce n’est qu’ainsi qu’elle est, vie qui mérite et vie capable d’éternité. Une réalité ne peut être éternelle qu’à condition de participer à ce qui est éternel : à l’éternité de la vérité et de l’amour. L’orientation vers l’éternité serait donc une orientation vers la communion éternelle d’amour avec Dieu et l’image de Dieu renverrait donc par sa nature même, au-delà de la vie éternelle. Elle ne pourrait en effet être déterminée statiquement, être en lien avec une qualité particulière quelconque, mais elle serait cet être tendu par-delà le temps de la vie terrestre ; cette tension vers le futur ne pourrait être comprise que dans sa dynamique vers l’éternité. Qui nie l’éternité, qui ne voit l’homme “qu’intérieur au monde”, n’a donc, au départ, aucune possibilité de pénétrer l’essence de la ressemblance avec Dieu.

    Ceci n’est qu’évoqué dans le livre de la Sagesse, mais n’a pas été développé dans la suite. Ainsi l’Ancien Testament nous laisse sur une question ouverte, il faut donc donner raison à Épiphane, lequel, face à toutes les tentatives de préciser le contenu de la ressemblance divine, affirme que l’on ne doit pas “chercher à définir où se situe l’image, mais en confesser l’existence dans l’homme, si l’on ne veut pas faire injure à la grâce de Dieu” (Panarion, LXX, 2,7).

    Nous, les chrétiens, en réalité, nous lisons l’Ancien Testament toujours dans la totalité de l’unique Bible, en unité avec le Nouveau Testament, dont nous recevons la clé pour comprendre les textes en toute rectitude. De même que le récit de la création “Au commencement Dieu créa” reçoit son interprétation correcte seulement dans la relecture johannique “Au commencement était le Verbe”, de même, ici aussi. (à suivre)


Cardinal JOSEPH RATZINGER
Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi


(Source: ZENIT.org 19/05/2005)
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