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Publié par dominicanus

 
 

 

    Dans ce passage de l'évangile que nous venons d'entendre, et qui se situe après le lavement des pieds et l'annonce de la trahison de Judas, mais que nous entendons aujourd'hui à la lumière du cierge pascal, Jésus adresse à ses disciples, troublés surtout par l'annonce du départ de leur Maître, des paroles de consolation et d'encouragement. Il leur dit qu'il ne les quitte pas. Il veut leur révéler sa présence invisible parmi eux, par la foi et dans l'amour.



    Dans ce temps qui suit Pâques - et qui est le temps de l'Église dans son cheminement terrestre - la foi est la condition essentielle de notre vie de croyants. Par la foi, nous sommes certains de la présence de Jésus ressuscité ; par elle, nous avons la certitude aussi de la présence du Père.



    L'évangile nous montre aussi que les paroles de Jésus ne rencontrent que de l'incompréhension, même de la part de ceux qui sont les mieux placés pour les comprendre : Pierre, Thomas, Philippe ... Il ne s'agit pas d'une difficulté simplement intellectuelle, comme quand un étudiant ne comprend pas une leçon de mathématiques. Non ! Il s'agit d'une incompréhension fondamentale : celle d'un manque de foi. Or la foi, c'est un don que Dieu donne à ceux qui sont bien disposés, aux humbles de coeur, aux pécheurs repentants. Les orgueilleux, eux, restent imperméables au don de Dieu. Ce qui nous empêche de croire, ou ce qui ralentit la croissance de notre foi, c'est le fait que nous cherchons principalement notre propre gloire.
 


"Comment pourriez-vous croire, vous qui recevez votre gloire les uns des autres, et qui ne cherchez pas la gloire qui vient du Dieu unique !" (Jn 5, 44)
 


    Pour croire en Jésus, il faut être libéré de soi-même et de toutes ses fausses richesses dans lesquelles les hommes mettent leur confiance.



    Saint François de Borgia, qui, au 16ème siècle est devenu le deuxième Général des Jésuites, après saint Ignace de Loyola, jusqu'à l'âge de 40 ans, ne se sentait pas trop concerné, ni par le Christ, ni par l'Église. Au lieu de cela, il vivait la vie brillante d'un noble espagnol. C'est ce que Pascal appelait la "grandeur d'établissement". Il était le cousin de l'empereur et jouissait de tous les privilèges de la royauté à cette époque de l'âge d'or en Espagne. En outre, deuxième grandeur, il était extrêmement doué intellectuellement, et abondait de vertus naturelles, telles que le courage. Il était parmi les courtiers impériaux les plus en vue de l'époque. Il était aussi un ami très proche et conseiller de la belle, sage et bien-aimée Impératrice Isabelle, la grande dame de l'Europe de cette époque, dans tous les sens du terme. Et donc, par nature, par les circonstances, et par son éducation, François de Borgia avait un avenir très prometteur devant lui.



    Mais un jour, l'Impératrice meurt, et l'on demande à François, âgé alors de 28 ans, d'escorter la dépouille mortelle à la ville de Grenade, où elle devait être enterrée. Au bout de ce long voyage, les magistrats de la ville ouvrent le cercueil pour authentifier le corps. Son visage était si défiguré et horrible à voir que personne ne pouvait l'identifier. La puanteur qui se dégageait de la dépouille en décomposition était si pénétrante que tout le monde s'empresse de quitter la pièce.



    François était en état de choc. Qu'étaient devenus ces yeux pétillants, cette élégance, ce charme, cet esprit, la douceur de son sourire ? Et pour la première fois, François comprend vraiment combien la vie est fragile et éphémère. Un jour elle était Reine d'Espagne et Impératrice du Saint-Empire, vénérée et enviée du monde entier, jouissant d'une fortune et d'un pouvoir pratiquement illimités. Le jour suivant elle était devenue un cadavre répugnant en état de putréfaction. C'est alors que François Borgia se met à réfléchir sérieusement à Jésus, se présentant comme le Chemin, la Vérité et la Vie, Vainqueur de la mort et source de vie éternelle. En regardant ce cadavre, il se dit à lui-même : "François, voilà ce que tu seras bientôt... À quoi te serviront les grandeurs de la terre ?"



    Dans la deuxième lecture, saint Pierre rappelle aux chrétiens quelle est leur vraie grandeur. Leur vraie grandeur c'est d'avoir été choisi par Dieu pour être des pierres vivantes pour la construction d'un Temple spirituel :
 

 

  • "Vous êtes la race choisie, le sacerdoce royal, la nation sainte, le peuple qui appartient à Dieu."


    Voilà nos titres de noblesse ! Notre noblesse, à nous, c'est d'appartenir à l'Église catholique. Et ce n'est pas par hasard que Dieu nous a choisis. Pascal, voulant faire comprendre aux grands de ce monde combien leur condition supérieure n'est que le fruit du plus grand des hasards, leur raconte une petite histoire :



"Pour entrer dans la véritable connaissance de votre condition, considérez-la dans cette image. Un homme est jeté par la tempête dans une île inconnue, dont les habitants étaient en peine de trouver leur roi, qui s'était perdu ; et, ayant beaucoup de ressemblance de corps et de visage avec ce roi, il est pris pour lui, et reconnu en cette qualité par tout ce peuple.  D'abord il ne savait quel parti prendre ; mais il se résolut enfin de se prêter à sa bonne fortune. Il reçut tous les respects qu'on lui voulut rendre, et il se laissa traiter de roi."



    Pascal veut amener les grands de ce monde à réfléchir et à écouter les prédicateurs leur enseigner le chemin qui conduit aux biens spirituels de la charité, c'est à dire à l'amour. Il s'agit de les amener à la conversion, à se sauver de la damnation. Seul le salut compte. Mais ce salut exige de sortir de l'ignorance et de l'illusion, de s'éveiller, d'acquérir une connaissance véritable de sa condition, et ainsi à échapper à la confusion première par laquelle nous confondons les différentes valeurs, ce qui fait la grandeur des nobles et ce qui fait celle des héros, des savants, des gens admirables par leurs qualités naturelles et ce qu'ils en tirent, et celle des saints.



    Souvent ces ordres de grandeur sont confondus les uns avec les autres. Que n'a-t-on pas entendu à l'occasion du décès d'Aimé Césaire (17 avril 2008) ? Un déluge de qualificatifs de toute sorte, un discours dithyrambique dans lequel on confond les ordres de grandeur ! Il ne fait aucun doute que celui que pleurait toute la Martinique n'est pas un inconnu dans le monde entier pour rien. Aimé Césaire était un grand homme : personne n'ose et ne peut le contester, un grand homme à plusieurs égards. Mais de là à en faire un saint ! ... Certains, qui disent avoir pour lui "une admiration sans faille", ont parlé de son "témoignage de foi", de "sa pensée théologique",  le qualifiant de "père spirituel", de "vaillant serviteur de la vie, de la grâce de la résurrection de son Fils Jesus-Christ" et de "prophète au sens biblique du mot", un homme qui "ne mourra jamais" ! Ceux qui se sont déplacés pour aller lui rendre un dernier hommage n'ont pas fait un voyage mais un "pèlerinage", etc ...



    Comprenez-moi bien, et ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit : je ne me permettrai pas de juger l'illustre défunt, dont on sait qu'il fut baptisé, non pratiquant. Ce n'est pas mon propos. (J'ai moi-même publié un hommage à Aimé Césaire.) Je ne peux cacher ma tristesse en apprenant qu'il est privé de funérailles religieuses de par la volonté de sa famille. Mais ce que je ne peux surtout pas passer sous silence, sous peine de complicité, c'est l'idolâtrie - le mot n'est pas trop fort - de la part de ceux et de celles qui confondent les différents ordres de grandeur et qui rendent un très mauvais service à la mémoire de ce grand homme.



    L'autre jour quelqu'un aux États-Unis qui s'emploie à défendre l'Église catholique (on appelle cela de l'apologétique) m'envoyait une vidéo dans laquelle l'Église était appelée la plus grande organisation humanitaire du monde. Ce qui est vrai, c'est qu'il n'y a aucune organisation humanitaire qui puisse se vanter d'avoir plus d'écoles, d'hôpitaux, de dispensaires, d'orphelinats, d'oeuvres de charité de toute sorte, que l'Église. Mais l'Église n'est pas une organisation humanitaire. Elle est le corps du Christ ! C'est autre chose ... C'est une grandeur d'un autre ordre.



    L'Eglise n'est pas un supplément dont on peut se passer, du moment qu'on a le Christ. Elle est le lieu de cette présence. Maintenant que Jésus est allé vers le Père, il est plus que jamais dans l'Église : voilà l'idée-force qui se dégage de l'Évangile d'aujourd'hui. Durant sa vie terrestre, les apôtres ont vécu avec lui sans le connaître ni le comprendre. Maintenant, dans la foi, sa présence, et celle du Père, est une réalité consciente. Et cette présence est efficace : les signes accomplis dans l'Église : signes des sacrements, signes donnés par l'Église en qui habite la puissance de l'Esprit, manifestent la présence et l'action du Ressuscité en elle, non pas seulement des oeuvres humanitaires, mais des oeuvres divines, des oeuvres divines plus grandes mêmes que celles que faisait Jésus. Quelle grandeur que celle de l'Église !
 


    Mais cette grandeur, comme celle du Christ, est méconnue, méprisée. Pas de discours dithyrambique à son sujet, pas d'éloges, mais des critiques à tout va. Quoi d'étonnant, avec un tel Maître ?

 

  • "Il est la pierre vivante que les hommes ont éliminée, mais que Dieu a choisie parce qu’il en connaît la valeur."

 


    De même l'Église :
 

  • "Vous aussi, soyez les pierres vivantes qui servent à construire le Temple spirituel, et vous serez le sacerdoce saint, présentant des offrandes spirituelles que Dieu pourra accepter à cause du Christ Jésus."

 


    Alors à chacun de faire son choix en connaissance de cause :
 

 

  • "Celui qui lui donne sa foi ne connaîtra pas la honte. Ainsi donc, honneur à vous qui avez la foi, mais, pour ceux qui refusent de croire, l'Écriture dit : La pierre éliminée par les bâtisseurs est devenue la pierre d'angle, une pierre sur laquelle on bute, un rocher qui fait tomber. Ces gens-là butent en refusant d'obéir à la Parole, et c'est bien ce qui devait leur arriver."

 


    Il faut donc choisir entre ou bien les éloges du monde et le mépris de Dieu, ou bien les éloges de Dieu et le mépris du monde.

La grandeur de l'Église - Homélie 5ème dimanche de Pâques A
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