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Publié par dominicanus

 

“Malheureusement beaucoup de catholiques ne connaissent rien d’autre de saint Paul que les extraits tirés de ses Lettres qui sont proclamés le dimanche en deuxième lecture à la messe. Ces textes, sortis de leur contexte, ne laissent pas beaucoup de trace dans la mémoire de ceux qui les écoutent, et encore moins dans leur façon de vivre. Cette année jubilaire (de saint Paul) devra donc être, avant tout et pour nous tous, l'occasion de relire ou de lire les Actes des Apôtres et les Lettres de saint Paul”.

    C’est ce que recommandait Son Exc. Mgr Hubert Coppenrath, Archevêque de Papeete (Tahiti), dans les colonnes du périodique catholique polynésien Le Semeur Tahitien” en parlant de l’Année paulinienne (
28 juin 2008 - 29 juin 2009).

    Les quelques versets de la Lettre de saint Paul aux Romains de la
deuxième lecture de ce dimanche sont parmi les plus mémorables qu'il ait jamais écrits. Il estime qu'aucune puissance de l'univers n'est capable de nous séparer de l'amour du Christ. En d'autres mots, Dieu, qui connaît chacun de nos péchés et chacune de nos inclinations au péché (que nous-mêmes, nous ignorons la plupart du temps) ne cesse jamais de nous aimer !

    Mais ce n'est pas tout. Suit une liste impressionnante de souffrances et de calamités, comme, par exemple la guerre, la faim, l'injustice, la mort, la misère, la peur et la dépression. Et il proclame que l'amour de Dieu est plus fort que toutes ces horreurs, hélas quotidiennes et banalisées dans notre monde de péché.

    Remarquez que saint Paul ne blâme pas Dieu pour ces tragédies, pour ces souffrances. Il ne lève pas la main contre Dieu en disant : "Seigneur, pourquoi permets-tu tout cela ?", ou bien :  "Si tu existais, tout cela n'arriverait pas !", ou bien encore : "Qu'est-ce que j'ai fait au bon Dieu ?". Dans sa sagesse, saint Paul comprend que même les plus innocents, les plus saints parmi le peuple, sont non seulement affectés mais infectés par le péché.

    Mais ce qui importe avant tout, plus que la souffrance, c'est que Dieu nous aime avec fidélité. Le démon veut se servir de la souffrance et du mal pour nous éloigner de Dieu et pour nous entraîner dans l'amertume, le désespoir, l'égocentrisme et la dureté de coeur. Un chrétien saura se déjouer de ces pièges. Il sait que les souffrances en ce monde sont temporaires, que la gloire attend ceux qui persévèrent jusqu'au bout avec le Christ par-delà le Vendredi Saint jusqu'au Dimanche de Pâques. C'est ainsi qu'un chrétien, confronté à la souffrance, ne répond pas au mal par la vengeance mais par l'amour, à la souffrance non par le désespoir, mais par la persévérance, par l'espérance, dans les pas du Seigneur, qui lui donne part à sa victoire sur le mal :

"Oui, en tout cela nous sommes les grands vainqueurs grâce à celui qui nous a aimés."

    Il y a eu, dans l'histoire de la basilique de Saint-Paul-hors-les-murs à Rome, un évènement hautement symbolique qui illustre bien cette vérité.  Il y a bientôt deux cents ans, cette magnifique basilique a été entièrement détruite par un incendie. C'est de cette basilique que notre Saint-Père le Pape Benoît XVI a vait ouvert l'année paulinienne. Après l'incendie de 1823, elle a été entièrement reconstruite au-dessus du tombeau de saint Paul. Le feu avait commencé dans la toiture, faite de grosses poutres de bois. Un ouvrier qui était en train de réparer les poutres à l'intérieur de la basilique a renversé sa lanterne à huile. Rapidement le feu s'est répandu et a transformé l'édifice en un four géant. La température était si élevée que les grosses colonnes de marbre qui soutenaient la toiture ont éclaté et se sont écrasées. En l'espace de quelques heures l'antique basilique était réduite en un tas de ruines fumantes. Elle avait résisté à des tremblements de terre, aux invasions des barbares et aux inondations pendant quatorze siècles. La voilà maintenant anéantie, sauf ...

    Comme dans beaucoup de basiliques antiques, dans la basilique Saint-Paul il y avait un grand arc de triomphe au-dessus de l'autel, et sur cette arche une mosaïque du Christ en gloire, entouré d'anges, de saints, de martyrs. Quand la fumée s'est enfin dissipée et que l'on commençait à voir un peu clair dans ce tas de ruines l'on s'est aperçu avec étonnement que l'arc était resté debout, solide et inébranlable, au beau milieu des ruines, comme pour rappeler au monde entier que, quelles que soient les tragédies qui s'abattent sur cette terre, l'amour du Christ n'abandonne jamais les hommes, que cet amour, tel un puissante colonne, soutiendra l'Église de l'Eucharistie jusqu'à l'heure de la victoire finale sur la souffrance, la mort et toute forme de mal.

    Cela ne veut pas dire que nous sommes censés aimer les souffrances et les catastrophes qui s'abattent sur le monde, et dont nous avons tous notre part. Cela signifie simplement que dans le Christ, par l'assurance que nous avons de son amour tout-puissant, nous sommes à même de souffrir avec dignité et noblesse, sachant que cette souffrance a un sens. Chaque chrétien prie comme en écho la prière de Jésus à Gethsémani :


"Mon Père, s'il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! Cependant, non pas comme je veux, mais comme tu veux." (Mt 26, 39)

    Quand tout va bien, c'est facile de croire que rien ne peut nous séparer de l'amour de Dieu. Mais quand les malheurs s'abattent sur nous, notre foi est mise à rude épreuve. Il importe donc de nous y préparer, comme les sportifs se préparent pour la Coupe du Monde, le tour de France (et de la Martinique), des yoles rondes, ou pour les Jeux Olympiques.

    Saint Paul y fait explicitement allusion :

"Vous savez bien que, dans les courses du stade, tous les coureurs prennent le départ, mais un seul gagne le prix. Alors, vous, courez de manière à l'emporter. Tous les athlètes à l'entraînement s'imposent une discipline sévère ; ils le font pour gagner une couronne de laurier qui va se faner, et nous, pour une couronne qui ne se fane pas. Moi, si je cours, ce n'est pas sans fixer le but ; si je fais de la lutte, ce n'est pas en frappant dans le vide. Mais je traite durement mon corps, et je le réduis en esclavage, pour ne pas être moi-même disqualifié après avoir annoncé aux autres la Bonne Nouvelle." (1 Co 9, 24-27)

    Les chasseurs de talents, que ce soit dans le domaine du sport ou de l'art, l'ont compris : il importe de commencer jeune, même très jeune, mais progressivement. Alors, ce que je vais dire, cela regarde aussi les enfants, sans excès, bien sûr, pour eux comme pour nous !

    Le premier entraînement consiste à faire chaque jour des petits sacrifices en les unissant au grand sacrifice du Christ sur la Croix. Ceci nous apprendra à voir les choses comme Jésus les voit et à trouver la présence du Seigneur même dans les ténèbres de la souffrance. L'idée est très simple : trouver quelque chose à offrir à Jésus comme un petit cadeau, tout comme lui a choisi la Croix par amour pour nous. Par exemple, éteindre la radio ou la télévision pendant quelques minutes, ou boire de l'eau plate au lieu d'une boisson gazeuse ou d'un verre de vin au déjeuner.

    Le deuxième exercice consiste à fortifier notre coeur en allant vers ceux qui, comme nous, connaissent la souffrance, pour les aider à porter leur croix. Nous avons facilement tendance à nous isoler des autres quand ils souffrent (et quand nous souffrons nous-mêmes). Mais ce n'est pas notre vocation. Notre vocation est d'être comme le Christ, qui a franchi la distance entre le ciel et la terre pour nous réconforter, nous fortifier et nous sauver. Si nous avons des membres de notre famille ou des personnes de notre entourage qui sont âgés ou malades, nous devons les entourer avec amour, prendre soin d'eux et les encourager. Quand des amis, des collègues, des copains d'école encaissent des coups durs, nous devrions être les premiers pour être à leurs côtés, pour qu'ils sachent que Dieu ne les a pas abandonnés et ne les abandonnera jamais.

    Troisième exercice, et non le moindre : rester joyeux dans nos épreuves. Quand un sportif ou une équipe de sportifs gagne un championnat ou une épreuve, ils éxpérimentent la joie de la victoire. Mais dans ce monde déchu, ces victoires sont éphémères et après de grands triomphes on peut connaître des échecs retentissants. Et même au lendemain d'un succès, on aspire à remporter d'autres victoires. Telle yole pourra bien remporter quatre ou cinq victoires d'étape, si elle n'a pas la victoire finale, l'équipage sera frustré et aura des regrets. Un champion de la Martinique voudra devenir champion de France, et un champion de France voudra être champion d'Europe, voire du monde. Un champion du monde ne sera pas heureux s'il ne peut pas devenir champion olympique. Et celui qui est tout cela, il ne le sera pas toujours. Le jour viendra ou un 'jeune loup" le détrônera. Cela ne vaut pas que pour les sportifs. Même la joie terrestre la plus grande, celle d'aimer et d'être aimé, est éphémère, parfois à cause d'une infidélité, toujours par la mort. Voilà pourquoi les joies terrestres, même les plus nobles et les plus intenses, sont des sentiments qui passent.

    La joie chrétienne, elle, est plus qu'un sentiment. C'est une vertu (du latin 'virtus' = force). Elle est fondée sur cette assurance que rien, absolument rien, ne peut nous séparer de l'amour du Christ. Lui ne sera jamais infidèle. Il ne mourra jamais. Il est toujours avec nous pour nous aimer. Voilà pourquoi la joie d'être aimé par lui ne passera jamais. Voilà pourquoi les saints sont dans la joie, même au milieu des épreuves les plus douloureuses. Voilà pourquoi les martyrs rayonnent de joie au moment de leur exécution. Ils savent que l'amour du Christ est plus fort que tout mal et plus durable que toute souffrance.

    Au cours de cette eucharistie, Jésus va renouveler concrètement cet amour pour chacun de nous dans la Sainte Communion, dont le miracle des pains de
l'évangile n'est qu'un signe annonciateur. Ne manquons pas de lui rendre grâce, et demandons-lui d'augmenter notre foi en lui, pour que nous puissions vivre et répandre dans ce monde en détresse le feu brûlant de la vraie joie chrétienne, la joie de la victoire finale.
 
Grands vainqueurs ! - Homélie 18° dimanche du Temps Ordinaire A
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