Que célébrons-nous quand nous célébrons Noël ? Quel est l'objet, le contenu de cette fête ? La naissance de Jésus, me répondrez-vous tous en choeur. Et c'est vrai. Mais incomplet. Car à Noël nous ne fêtons pas uniquement l'instant passé de la naissance de Jésus, mais Celui qui est né alors comme étant aujourd'hui "le Seigneur".
À l'époque où il n'y avait qu'une seule messe de Noël, cette fête ne s'appelait d'ailleurs pas "in nativitate Domini", mais tout simplement "natale Domini" et huit jours plus tard "octava Domini", et non pas "octava natalis Domini". Il ne faut donc pas s'étonner du fait que l'ancienne (et unique) messe de Noël romaine, notre "messe du jour", ne fasse que peu de cas des évènements extérieurs qui se déroulent à Bethléhem, et qu'elle préfère se focaliser sur le fait que le Logos éternel du Père a adopté notre chair. (C'est pour la même raison que la "proskynèse" des mages devant le Dieu qui s'est fait homme est au centre de la liturgie byzantine de Noël, tandis que l'évènement de la naissance elle-même constitue le thème de la veillée.)
Des trois messes de Noël que nous connaissons aujourd'hui, celle de la nuit, celle de l'aurore et celle du jour, la plus ancienne est donc celle du jour, comme l'atteste saint Grégoire le Grand, la plus récente étant celle de l'aube. De Rome les trois messes se répandent ensuite dans tout l'Occident, mais au début sans obligation de les célébrer tous les trois.
La mystique médiévale rapportera les trois messes de Noël à une triple naissance du Seigneur. C'est ainsi que Tauler distingue la naissance, dans la nuit des temps, du Logos issu du Père, telle qu'elle est célébrée de nuit, de la naissance du Fils issu de la Vierge, telle qu'elle est célébrée à l'aube, et de la naissance, tous les jours, de Dieu dans l'âme du fidèle, telle qu'elle est célébrée de jour.
Le chiffre trois pour les messes a été repris par le missel de 1970, mais à titre facultatif et non plus comme obligation. La messe de minuit est marquée par l'Évangile de la naissance du Seigneur (Lc 2, 1-14). La messe de l'aurore poursuit cet Évangile (Lc 2, 15-20). Dans cette messe, la symbolique de la lumière apparaît encore plus nettement que dans la première messe. Dans la troisième messe, c'est le prologue de l'Évangile selon saint Jean (Jn 1, 1-18) qui détermine le climat de la célébration et qui fait ressortir l'importance de la fête de Noël pour la rédemption de l'homme, comme une sorte d'antidote contre la place envahissante du romantisme et du contexte de la société de consommation qui faussent toute la fête de Noël jusqu'à son noyau même.
Fait également partie de la liturgie de Noël la "Missa in vigilia", la messe de la veille au soir, le 24 décembre, avec comme Évangile la généalogie de Jésus (Mt 1, 1-25), qui est le même dans toutes les années A, B, et C. Cette messe fait vraiment partie de la fête de Noël et non plus, comme autrefois, du temps de l'Avent, quand elle était célébrée le 24 au matin. Maintenant elle est célébrée après le premières Vêpres de Noël et avec le chant du Gloria, et aussi les ajouts dans les prières eucharistiques. Le problème est que, dans les paroisses, elle est presque toujours délaissée - à tort - au profit de la messe de la nuit ... qui n'est plus célébrée à minuit. C'est dommage !
Que dire de l'Évangile que nous venons d'entendre en cette veille de Noël? L'intention de l'évangéliste n'est pas d'évoquer pour nous les préludes de l'histoire de Jésus, mais de nous dévoiler le sens de cette histoire. L'annonce qui a été faite à Joseph, c'est à nous, en définitive, qu'elle est destinée. C'est nous qui entendons aujourd'hui la bonne nouvelle de la naissance d'un "sauveur".
Cette bonne nouvelle sera pour nous une nouvelle décevante, si nous n'espérons qu'une libération de nos servitudes terrestres ("la petite espérance" dont parle Benoît XVI dans Spe salvi). Jésus est venu pour "sauver le peuple de ses péchés". La naissance du Christ n'est une bonne nouvelle que pour celui qui a acueilli la promesse de l'Alliance et qui désire être purifié de tout ce qui l'empêche de répondre pleinement à l'invitation de Dieu qui veut épouser son peuple (1ère lect.). En Jésus, Dieu nous redit sa présence et nous rappelle notre vocation qui est d'être son épouse et de faire sa joie, d'être des témoins de son amour qui transforme, comme saint Paul le rappelle dans la deuxième lecture en évoquant la figure de Jean Baptiste.
Nous aussi, nous devons préparer les chemins du Seigneur, bien que nous n'en soyons pas dignes. Préparer la venue du Seigneur, c'est rendre les hommes capables d'accueillir celui qui est venu enlever le péché du monde, c'est frayer pour lui un chemin là où il n'y en a pas encore, chez ceux qui sont proches et ceux qui sont loin. C'est soi-même accepter l'incessante conversion pour être jugé digne de devenir les serviteurs de l'espérance et de la fête à laquelle Dieu convoque l'humanité entière, et qui est anticipée dans l'eucharistie.
Sur ce chemin le Seigneur nous a donné un bon guide en la personne de Benoît XVI. En présence de ses plus proches collaborateurs, les cardinaux de la curie romaine, dans le discours qu'il leur avait adressé à l'occasion de la présentation des vœux de Noël en 2007, il était revenu sur les objectifs de son voyage dans le plus grand pays d'Amérique Latine: remettre l'Église en situation de mission et annoncer Jésus à tous les peuples du monde. Y compris les musulmans. Y compris le Dalaï Lama.
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