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Publié par dominicanus

Les religieux au rapport chez le pape. Entre déclin et renaissance

Benoît XVI veut qu'ils mènent une vie plus austère et plus fidèle à l'Evangile. En particulier, il veut plus d'obéissance de la part des jésuites. L'essor surprenant d'une nouvelle communauté: l'Institut du Verbe Incarné

par Sandro Magister

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ROMA, le 23 février 2008 – La rencontre avec le pape avait lieu à huis clos, dans la Salle du Consistoire. A droite de Benoît XVI, le cardinal Tarcisio Bertone, secrétaire d’état, à gauche le cardinal Franc Rodé, préfet de la congrégation pour les religieux. Enfin, une quinzaine de supérieurs généraux d’ordres religieux masculins et féminins, tous assis autour de tables formant un carré, comme pour un séminaire d’études.

C’était le matin du lundi 18 février. Le débat a duré deux heures, avec différentes interventions “sur les éléments positifs et les difficultés“ de la vie religieuse. A la fin, Benoît XVI a adressé aux personnes présentes un discours bref mais dense.

Enregistré et retranscrit, le discours du pape est paru deux jours plus tard dans “L’Osservatore Romano“. Il est reproduit plus bas dans cette page.

Benoît XVI y donne clairement son jugement sur l’état actuel de la vie religieuse dans l’Eglise. Sur les crises graves que traversent les grands ordres. Sur leur retour difficile vers l’esprit des fondateurs. Sur la naissance de nouvelles communautés religieuses. Sur l’attrait qu’exerce une vie religieuse austère, pauvre, obéissante envers l’Eglise, consacrée au prochain, fidèle à l’Evangile “sine glossa“.

Benoît XVI n’a pas donné d’exemples précis. Toutefois, en ce qui concerne les grands ordres, ses prises de position sur la Compagnie de Jésus sont très récentes: il les a exprimées dans la lettre qu’il a adressée au général sortant Peter-Hans Kolvenbach à la veille de l’élection de son successeur, puis lors de l’audience du 21 février où il a reçu les jésuites réunis à Rome en congrégation générale. Il leur a en particulier rappelé qu’ils doivent être en “accord“ avec le magistère de l’Eglise “sur les sujets – aujourd’hui en permanence contestés et remis en question – du salut de tous les hommes dans le Christ, de la morale sexuelle, du mariage et de la famille“.

Les dominicains sont un autre ordre religieux historique sous surveillance, spécialement depuis la diffusion, dans toutes les paroisses de Hollande, d’une brochure qui propose, en l’absence d’un prêtre, de recourir à une personne choisie au sein de la communauté pour présider la célébration de la messe, “peu importe qu’il s’agisse d’un homme ou d’une femme, d’un homosexuel ou d’un hétérosexuel, d’une personne mariée ou célibataire“.

Benoît XVI n’a pas non plus cité de cas précis concernant la floraison de “nouvelles expériences de vie consacrées“ fidèles à la doctrine et riches de spiritualités et de vocations.

Mais il y en a beaucoup et certains, peu connus, sont pourtant stupéfiants.

On peut citer, par exemple, l’Institut du Verbe Incarné.

Il a été fondé en 1984 à San Rafael, dans la province de Mendoza en Argentine, par le père Carlos Miguel Buela. Aujourd’hui, après un quart de siècle à peine d’existence, il compte dans sa branche masculine 302 prêtres, 21 diacres, 195 séminaristes qui suivent des cours de philosophie et de théologie, 51 novices, 95 séminaristes mineurs.

Sa maison généralice et son centre de formation se trouvent à Segni, à 60 kilomètres à l’est de Rome, dans les locaux du séminaire du diocèse restés vides. L’évêque de Segni, avec l’approbation du Saint-Siège, l’a reconnu en tant qu’institut de droit diocésain en 2004. Il n’en est pas moins présent dans quelque 32 pays du monde, dont l’Ethiopie, le Soudan, l’Egypte, la Jordanie, la Chine, le Tadjikistan et le Groenland.

Sa branche féminine, l’Institut des Servantes du Seigneur et de la Vierge de Matarà, compte 226 religieuses ayant prononcé des vœux perpétuels, 251 religieuses ayant prononcé des vœux temporaires, et autant de novices et de postulantes. Elle est présidée par une jeune sœur hollandaise, Maria de Anima Christi Van Eijk, et elle est présente dans 22 pays. Un autre Hollandais est un grand ami de l’Institut, l’évêque Johannes Baptist Gjisen, aujourd’hui à la tête du diocèse de Reykjavik, en Islande.

En outre, un tiers-ordre est en train de naître, composé de laïcs ayant prononcé des vœux ou non, avec différents niveaux d’appartenance.

A l’institut, l’on peut choisir entre la vie active ou contemplative. Cette dernière se pratique dans cinq monastères: en Argentine à San Rafael, au Pérou à Arequipa, aux Canaries à Tenerife, en Jordanie à Anjarah et en Italie à Trivento.

La spiritualité est fondée sur l’incarnation du Verbe et elle s’exprime à la fois dans un fort élan missionnaire et dans l’“évangélisation des cultures“.

Au cœur de la formation qu’il dispense, l’institut place l’enseignement de saint Thomas d’Aquin, transmis par l’un des plus grands philosophes thomistes du XXe siècle, le père Cornelio Fabro.

Fabro est mort en 1995. En 2005, l’Institut du Verbe Incarné a commencé la publication de toutes ses œuvres, éditées et inédites. Ces “opera omnia“ comprennent une centaine de volumes, dont sept sont déjà imprimés, pour le moment en italien mais à l’avenir en espagnol, en anglais et, pour les principaux livres, en d’autres langues.

La revue philosophique de l’institut, intitulée “Tomismo essenziale“, s’inspire également de saint Thomas et du père Fabro.

* * *

Pour en revenir à la rencontre du 18 février 2008 entre Benoît XVI et les supérieurs des ordres religieux, voici la transcription du discours du pape:


" A côté de situations difficiles, qu’il convient d’observer avec courage et vérité..."

par Benoît XVI



Chers frères et sœurs, au terme de cette matinée de réflexion en commun sur certains aspects particulièrement actuels et importants de la vie consacrée aujourd’hui, je voudrais avant tout remercier le Seigneur, qui nous a donné la possibilité de cette rencontre très profitable à tous. Nous avons pu analyser ensemble les potentialités et les attentes, les espérances et les difficultés que rencontrent aujourd’hui les Instituts de vie consacrée. J’ai écouté vos témoignages et vos expériences avec beaucoup d’attention et d’intérêt et j’ai pris note de vos questions.

Nous sentons tous qu’il est de plus en plus difficile d’annoncer l’Evangile et d’en témoigner dans la société moderne et mondialisée. C’est vrai pour tous les baptisés et à plus forte raison pour les personnes que Jésus appelle à sa suite de la manière la plus radicale, au travers de la consécration religieuse.

En effet, hélas, le processus de sécularisation qui progresse dans la culture contemporaine n’épargne même pas les communautés religieuses.

Cependant il ne faut pas se laisser décourager. En effet, même si aujourd’hui – comme on l’a judicieusement rappelé – de nombreux nuages se profilent à l’horizon pour la vie religieuse, les signes d’un réveil providentiel apparaissent et sont même en constante progression. Voilà de quoi se consoler et espérer.

Le souffle puissant de l’Esprit Saint se répand partout dans l’Eglise et suscite, au sein des instituts historiques et dans les nouvelles formes de consécration religieuse, un nouvel engagement de fidélité en harmonie avec les exigences de notre temps.

Aujourd’hui, comme à toutes les époques, il y a beaucoup d’âmes généreuses prêtes à abandonner tout et tous pour embrasser le Christ et son Evangile, en consacrant leur existence à son service, au sein de communautés caractérisées par l’enthousiasme, la générosité et la joie. Ces nouvelles expériences de vie consacrée se distinguent par le désir commun, que tous nourrissent avec ferveur, de pauvreté évangélique vécue de manière radicale, d’amour fidèle pour l’Eglise, de don de soi généreux envers le prochain qui se trouve dans le besoin, avec une attention spéciale pour ces pauvretés spirituelles qui sont la marque profonde de notre époque.

Moi aussi, j’ai souvent voulu rappeler, comme mes vénérés prédécesseurs, que les hommes d’aujourd’hui ressentent un fort appel religieux et spirituel mais ne sont prêts à écouter et à suivre que celui qui témoigne de manière cohérente de sa propre adhésion au Christ. Il est intéressant de noter que des vocations nombreuses se portent justement vers les Instituts qui ont conservé ou choisi un mode de vie souvent très austère, mais fidèle à l’Evangile vécu “sine glossa“

Je pense à toutes ces communautés fidèles et aux nouvelles expériences de vie consacrée que vous connaissez bien. Je pense au travail missionnaire de nombreux groupes et mouvements ecclésiaux d’où proviennent de nombreuses vocations sacerdotales et religieuses. Je pense aux jeunes filles et garçons qui abandonnent tout pour entrer dans des monastères et des couvents de clôture.

C’est vrai – nous pouvons le dire avec joie – le Seigneur continue encore aujourd’hui à envoyer des ouvriers à sa vigne et à enrichir son peuple de nombreuses et saintes vocations. Nous l’en remercions et nous le prions pour que l’enthousiasme des choix initiaux – c’est en effet à la suite de conversions émouvantes que beaucoup de jeunes s’engagent sur le chemin de la perfection évangélique et entrent dans de nouvelles formes de vie consacrée – soit suivi par un engagement persévérant dans un cheminement authentique de perfection ascétique et spirituelle, dans un cheminement de vraie sainteté.

En ce qui concerne les ordres et congrégations qui ont une longue tradition dans l’Eglise, on ne peut pas ne pas noter, comme vous-même l’avez souligné, qu’au cours des dernières décennies, presque tous – masculins ou féminins – ont traversé une crise difficile due au vieillissement des membres, à une diminution plus ou moins marquée des vocations, et parfois aussi à une “fatigue“ spirituelle et charismatique. Une crise qui est même devenue préoccupante dans certains cas.

A côté de situations difficiles, qu’il convient d’observer avec courage et vérité, on enregistre cependant des signes de reprise positive, spécialement lorsque les communautés ont choisi de revenir à leurs origines pour vivre davantage en accord avec l’esprit du fondateur.

Le sujet récurrent de presque tous les récents chapitres généraux des instituts religieux a justement été la redécouverte du charisme des origines, qui doit être incarné et mis en œuvre aujourd’hui avec une vigueur renouvelée.

La redécouverte de l’esprit des origines et l’approfondissement de la connaissance du fondateur ou de la fondatrice ont aidé à donner aux instituts un second souffle ascétique, apostolique et missionnaire qui est prometteur. Des œuvres et activités séculaires ont été ainsi revitalisées par une sève nouvelle. Il y a de nouvelles initiatives qui sont d’authentiques mises en oeuvre du charisme des fondateurs. C’est cette route qu’il faut continuer à suivre, en priant le Seigneur pour qu’il achève l’œuvre qu’Il a commencée. […]

(Source : www.chiesa)


Au sujet de la Compagnie de Jésus, le discours que Benoît XVI a adressé le 21 février 2008 aux jésuites réunis en congrégation générale:

> "Cari padri della Compagnia di Gesù..."

Un résumé en français :

> Benoît XVI: allocution aux Jésuites

La lettre que le pape a écrite au général sortant des jésuites, Peter-Hans Kolvenbach, à la veille de l’élection de son successeur:

> "La congregazione generale riaffermi la propria totale adesione alla dottrina cattolica..."

L’article de www.chiesa sur ce sujet:

> L'obéissance des jésuites - homélie du cardinal rodé: réunir l’amour de dieu et l’amour de l’eglise hiérarchique (11.1.2008)

> LES JÉSUITES EN CHIFFRES



Au sujet de l’ordre de saint Dominique:






Le site Internet de l’Institut du Verbe Incarné, en plusieurs langues:

> Familia Religiosa del Verbo Encarnado

Et celui de leur philosophe de référence:

> Cornelio Fabro, pensatore essenziale

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Traduction française par Charles de Pechpeyrou, Paris, France.
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