Sinon, les naissances devraient augmenter à mesure que l'on se rapproche des couches plus aisées de la société, ou à mesure que l'on remonte du sud vers le nord du monde, alors que nous savons que c'est exactement le contraire.
La vraie raison, estime le prédicateur, est plus profonde.
C'est le manque d'espérance, avec ce que cela comporte : confiance dans l'avenir, élan vital, créativité, poésie et joie de vivre. Si se marier est toujours un acte de foi, mettre au monde un enfant est toujours un acte d'espérance. Rien ne se fait dans le monde sans espérance. Nous avons besoin de l'espérance comme nous avons besoin de l'oxygène pour respirer.
"Spe salvi" : voilà donc le ballon d'oxygène dont le monde a tant besoin ! Depuis le début de l'Avent, pendant trois dimanches de suite, nous avons ainsi pu réapprendre à respirer. En ce quatrième et dernier dimanche, il nous faut maintenant passer aux premiers exercices pratiques. Benoît XVI va donc nous montrer les lieux d'apprentissage et d'exercice de l'espérance. Suivez le guide !
Première salle d'exercices : la salle de la prière. Nous y faisons connaissance du Cardinal Nguyên Van Thuan, qui a obtenu son diplôme de prière dans les prisons du Vietnam. En 1975, il est nommé par le Saint-Siège archevêque coadjuteur du diocèse de Saigon. Sa nomination est refusée par le nouveau pouvoir qui, le 15 août 1975, le convoque au palais de l’indépendance. Il est placé en résidence surveillée, puis interné pendant plus de treize ans : en 1976, le cachot de la prison de Phu Khanh, puis le camp de rééducation de Vinh Phu au Nord Vietnam, la résidence surveillée dans la petite chrétienté de Giang Xa, et enfin les locaux de la Sûreté de Hanoi. Lorsque son internement prend fin le 21 novembre 1988, il est assigné à résidence dans les bâtiments de l’archevêché de Hanoi. Lors d’un séjour à Rome en septembre 1991, il apprend que le gouvernement ne souhaite pas son retour au pays. C'est en 1994 que Mgr Van Thuân a été appelé à Rome par Jean-Paul II, qui l'a alors nommé vice-président de la Conseil pontifical "Justice et Paix".
De ses treize années de prison, dont neuf en isolement, l'inoubliable Cardinal Nguyên Van Thuan nous a laissé un précieux petit livre : Prières d'espérance. Durant treize années de prison, dans une situation de désespoir apparemment total, l'écoute de Dieu, le fait de pouvoir lui parler, devint pour lui une force croissante d'espérance qui, après sa libération, lui a permis de devenir pour les hommes, dans le monde entier, un témoin de l'espérance – de la grande espérance qui ne passe pas, même dans les nuits de la solitude. (Spes salvi, n° 32)
La prière, la vraie, agit comme un décapant. Elle nous purifie de tous nos péchés, même de ceux qui nous échappent.
"Qui peut discerner ses erreurs ? Purifie-moi de celles qui m'échappent", prie le Psalmiste (18 [19], 13).
Comment peut-on se confesser une fois ou deux par an, et après avoir dit au prêtre un ou deux péchés, terminer en disant : "C'est tout !" Que penser alors de tous ceux qui ne se confessent jamais, mais qui vont communier en masse à Noël et à une ou deux autres occasions dans l'année ? Comment peut-on dire qu'on n'a pas de péchés "parce qu'on prie tout le temps" ? Quand nous prions en vérité - non pas comme le pharisien mais comme le publicain de la parabole - Dieu éclaire notre conscience et nous montre nos péchés.
L'ange dit à Joseph :
(Ton épouse) mettra au monde un fils, auquel tu donneras le nom de Jésus (c'est-à-dire : Le-Seigneur-sauve), car c'est lui qui sauvera son peuple de ses péchés.
Sommes-nous convaincus que nous avons radicalement besoin d'être sauvés quand nous allons nous confesser ?
La non-reconnaissance de la faute, l'illusion d'innocence ne me justifient pas et ne me sauvent pas, parce que l'engourdissement de la conscience, l'incapacité de reconnaître le mal comme tel en moi, telle est ma faute. (n° 33)
Quel est le Dieu en face de qui nous nous mettons en confessant nos péchés ?
S'il n'y a pas de Dieu, je dois peut-être me réfugier dans de tels mensonges, parce qu'il n'y a personne qui puisse me pardonner, personne qui soit la mesure véritable. Au contraire, la rencontre avec Dieu réveille ma conscience parce qu'elle ne me fournit plus d'auto-justification, qu'elle n'est plus une influence de moi-même et de mes contemporains qui me conditionnent, mais qu'elle devient capacité d'écoute du Bien lui-même. (ibid.)
"Dans la nuit tous les chats sont gris", dit le proverbe. Par la prière nous quittons nos ténèbres et nous allons vers la lumière. Dans cette lumière, par l'action de l'Esprit Saint, nous découvrons progressivement combien nous sommes pécheurs et combien nous avons besoin de la miséricorde de Dieu. Nous savons alors que les péchés que nous confessions auparavant de manière routinière ne sont en réalité que la pointe de l'iceberg. Si, à ce moment-là, le Seigneur ne venait pas à notre secours en nous montrant sa miséricorde, nous serions morts de frayeur. Tous !
La première raison pour laquelle nos supposées prières ne font que nous bercer dans notre bonne conscience illusoire est qu'elles ne sont pas l'expression d'une rencontre vivante avec Dieu qui nous parle, qui nous invite à un dialogue amoureux et qui nous ouvre des horizons que nous n'avions jamais soupçonnés auparavant. C'est là que nous prenons vite conscience des limites de nos soi-disant vertus.
Une deuxième raison est que notre prière, telle une petite flamme, n'est pas assez alimentée par le grand feu de la prière liturgique de l'Église, de la prière des saints :
Dans son livre d'Exercices spirituels, le Cardinal Nguyên Van Thuan a raconté comment dans sa vie il y avait eu de longues périodes d'incapacité de prier et comment il s'était accroché aux paroles de la prière de l'Église : au Notre Père, à l'Ave Maria et aux prières de la liturgie. Dans la prière, il doit toujours y avoir une association entre prière publique et prière personnelle. Ainsi nous pouvons parler à Dieu, ainsi Dieu nous parle. De cette façon se réalisent en nous les purifications grâce auxquelles nous devenons capables de Dieu et aptes au service des hommes. Ainsi, nous devenons capables de la grande espérance et nous devenons ministres de l'espérance pour les autres... (n° 34)Dans un autre livre (J'ai suivi Jésus ... un évêque témoigne, Médiaspaul 1997, p. 40), le Cardinal écrit :
Quand j’ai été arrêté, j’ai dû m’en aller tout de suite, les mains vides. Le lendemain on me permit d’écrire pour demander les choses les plus nécessaires : vêtements, dentifrice … J’ai écrit à mon destinataire : "S’il vous plaît, pouvez-vous m’envoyer un peu de vin comme médicament contre les maux d’estomac ?" Les fidèles comprirent ce que cela voulait dire et ils m’envoyèrent une petite bouteille de vin pour la messe avec l’étiquette "Médicament contre les maux d’estomac" et des hosties dans un flacon étanche. Je ne pourrai jamais exprimer ma grande joie : chaque jour, avec trois gouttes de vin et une goutte d’eau dans le creux de ma main, je célèbre la messe.Écoutez aussi le Père Nicolas Buttet, fondateur de la communauté Eucharistein, en Suisse. C'était en 2006 :
Je rentre d’un pèlerinage d’un mois en Chine et au Tibet. J’ai eu l’occasion de rencontrer des communautés catholiques privées de prêtres, privées d’Eucharistie pendant des mois, des années pour certaines paroisses. J’étais bouleversé par leur faim et leur soif de Jésus-Eucharistie. Je me souviens de cette messe célébrée dans ce petit village du Tibet. J’avais informé une seule personne que j’étais prêtre et que je pouvais célébrer la messe le soir. 120 personnes sont venues pour y participer ! Elles ont attendu 2 heures que les négociations avec les autorités se terminent pour obtenir l’autorisation de célébrer. C’est vers 10h.00 du soir que nous avons pu commencer la célébration qui a duré plus d’une heure et demi. Tous étaient présents, dans la joie des chants, la ferveur du mystère.
Vous comprenez maintenant que l'exercice de la prière est un exercice risqué. Il nous révèle les péchés qui nous échappent ; il nous sort du petit individualisme étroit dans lequel nous nous complaisions ; il nous met en face de notre pauvreté, de notre faim essentielle ... Mais tout cela pour nous pousser dans les bras de Dieu, pour que, libérés de nos illusions, nous jetions en lui l'ancre de notre espérance :
Pour notre âme, cette espérance est sûre et solide comme une ancre fixée au-delà du rideau du Temple, dans le Sanctuaire même. (He 6, 19)Conclusion : Respirez ! Espérez ! Enfantez !