Le dimanche après Noël l’Eglise célèbre la fête de la Sainte Famille. Pourquoi la famille de Joseph et de Marie est-elle "sainte" ? Qu’est-ce que la sainteté évoque pour nous ? En quoi consiste-t-elle ?
Il n’est pas sûr que l’idée que nous nous formons de la sainteté soit la bonne. Nous sommes facilement tentés de penser que les saints, ce sont des gens d’une autre catégorie que nous-mêmes. Si c’est le cas, le démon est content, car dans ce cas, nous nous contenterons automatiquement de vivre dans une sorte de médiocrité spirituelle. Et la médiocrité spirituelle est l’antichambre de la mort spirituelle que le démon désire pour chacun de nous.
La sainteté n’est pas pour les gens extraordinaires. La sainteté est pour tous. C’est en vue de la sainteté que Dieu nous a créés. La sainteté est synonyme de bonheur. Notre cœur est fait pour trouver son accomplissement dans la maturité de l’amour pour Dieu et pour notre prochain, et c’est cela, la sainteté. Nous sommes tous appelés à l’excellence spirituelle, et non à la médiocrité spirituelle. Et la voie de la sainteté est une voie ordinaire, avec des virages et des chicanes, des nids de poule, des pièges, des côtes, des passages monotones, et aussi des points de vue exceptionnels. C’est le chemin du combat normal, quotidien, pour répondre à notre vocation chrétienne.
Marie et Joseph n’ont jamais reçu de Dieu une télécopie ou un courrier électronique avec le parcours précis de ce qu’il convient de faire pour ne pas perturber le projet de Dieu. Dieu à confié l’Enfant Jésus à leurs soins. Il les a guidés et assistés, mais il n’a pas fait le travail à leur place. Ils ont dû s’enfuir en Egypte, endurer les privations du désert, et essayer de joindre les deux bouts dans un pays étranger.
La Sainte Famille n’est pas sainte parce que Marie et Joseph n’ont jamais eu de problèmes, parce qu’ils ne jamais eu à se poser des questions, et qu’ils n’ont jamais dû se battre ; la Sainte Famille était sainte, parce qu’au milieu des épreuves, ils ont toujours mis leur confiance en Dieu. Ils ont fait de leur mieux, sachant que Dieu ferait le reste, et c’est ce qu’il a fait.
Aucun des saints canonisés n’est né saint (à l'exception de celle que nous appelons justement "l'Immaculée Conception", mais même dans ce cas, ce n'est pas une sainteté toute faite, mais une croissance constante de sainteté). Ils ont tous été des gens comme vous et moi. Ils ont hérité de la même condition pécheresse. Ils ont reçu les mêmes sacrements et les mêmes enseignements de l’Eglise. Ils ont reçu aussi le même appel à la sainteté, à vivre dans une relation d’amitié étroite, vivante avec Jésus Christ.
Mais ils n’ont pas eu une vie à l’abri de tout problème. Ils ont été confrontés à des difficultés, tout comme nous. Joseph et Marie ne sont pas une exception à la règle. Saint Patrick a été enlevé et vendu comme esclave. Sainte Elisabeth de Hongrie est devenue presque folle quand son mari a succombé à la malaria à peine quelques années après leur mariage. Le saint Padre Pio de Pietrelcina a été critiqué par ses frères religieux, incompris de ses supérieurs, et même interdit par le Vatican de célébrer la Messe en public. Saint Thomas More, un laïc et homme de loi, s’est fait éjecter de son poste par le roi, puis emprisonné, jugé, avec interdiction de voir sa famille. Et quand il a persisté dans son refus d’abandonner son appartenance à l’Eglise catholique, il s’est fait trancher la tête. Sainte Rita de Cascia voulait devenir religieuse, mais ses parents l’ont forcée (à l’âge de douze ans !) à épouser un homme d’affaires prospère, mais violent et malhonnête. Elle a souffert de ses infidélités et de ses abus pendant dix-huit ans, jusqu’à ce qu’il se convertisse sur son lit de mort.
Dieu n’a pas préservé ces saints de la souffrance, pas davantage que son propre Fils n’a été préservé de la Croix, au contraire. Car Dieu agit par la Croix. Quand nous sommes confrontés à des difficultés, ce n’est pas que Dieu nous a oubliés, ou qu’il a une dent contre nous. C’est à dessein que Dieu permet les épreuves quotidiennes. Elles constituent des occasions pour que nous puissions exercer notre foi, pour que nous puissions devenir des chrétiens mûrs, remplis de sagesse, de joie profonde, pour avancer dans la voie de la sainteté.
Il est réconfortant de penser que nos épreuves de tous les jours, petites ou grandes, sont les moyens qui nous permettent de grandir en sainteté, et donc, ce qui revient au même, de devenir pleinement heureux.
Mais cela ne fait pas que ces épreuves quotidiennes ne soient plus des épreuves. Elles font toujours mal. Elles nous épuisent. Et elles épuisent aussi ceux qui nous entourent. Quand Joseph est allé réveiller Marie au milieu de la nuit, pour lui dire qu’ils devaient se lever tout de suite, pour traverser le desert et aller habiter en Egypte, elle n’était probablement pas folle de joie. Et lui n’était pas fou de joie non plus à l’idée de le lui dire. C’était un parfait exemple d’un combat spirituel.
Mais saint Matthieu nous donne à comprendre qu’aucun des deux n’a empiré la situation en se lamentant, en s’énervant, en gémissant. Il écrit :
« Joseph se leva ; dans la nuit il prit l’enfant et sa mère, et se retira en Egypte. »
Tous les deux ont fait confiance à Dieu qui leur a permis de se rencontrer et de se marier. Tous les deux ont dépassé leur tendance naturelle à avoir peur et à s’énerver. Et c’est ensemble qu’ils ont fait en sorte que cette situation éprouvante soit supportable, en s’épaulant mutuellement, avec humilité et courage. Cet esprit de coopération et d’oubli de soi aimant peut faire des merveilles pour adoucir les épreuves de tous les jours de ceux qui nous entourent. Et il n’y a pas de meilleure façon pour faire l’expérience de la paix du Christ dans notre cœur, que d’aider à soulager les fardeaux de ceux qui nous entourent. C’est pourquoi saint Paul nous encourage (2e lect.) :
« Revêtez votre cœur de tendresse et de bonté, d’humilité, de douceur et de patience. »
Aujourd’hui, demandons au Seigneur de nous accorder cette grâce, et promettons-lui de faire de notre mieux pour nous y exercer.