Nous disons que la miséricorde de Dieu nous appelle, il faut que nous allions au-devant d'elle. « Dieu, dit saint Ambroise, s'engage à nous pardonner ; mais il faut que notre volonté s'unisse à celle de Dieu ; il veut nous sauver, il faut que nous le voulions aussi, parce que l'une de ces volontés n'a son effet que conjointement unie à l'autre : celle de Dieu commence l'ouvrage, le conduit et le consomme ; et celle de l'homme doit concourir à l'accomplissement de ses desseins. Nous devons être dans la même disposition que saint Paul au commencement de sa conversion, ainsi qu'il nous l'apprend dans son épître aux Galates. « Vous avez ouï parler de ma conduite et de mes actions toutes criminelles. Avant que Dieu m'eût fait la grâce de me convertir, je persécutais l'Église de Dieu d'une manière si cruelle que j'en ai horreur toutes les fois que j'y pense ; qui eût cru que la miséricorde divine eût choisi ce moment pour m'appeler à elle (Ga 1, 13) ? Ce fut pour lors que je me vis tout environné d'une lumière éclatante, et que j'entendis une voix qui me dit : Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu ? Je suis ton Sauveur et ton Dieu, contre qui tu tournes ta rage et tes persécutions (Ac 22, 6-7). » Oui, mes frères, nous pouvons dire que ce qui arriva une fois, d'une manière si éclatante à saint Paul, arrive encore tous les jours en faveur du pécheur. Sa grâce le cherche et le poursuit, même lorsque ce misérable l'offense. S'il veut avouer la vérité, il sera forcé de convenir que toutes les fois qu'il est prêt à faire le mal, la voix de Dieu se fait entendre au fond de son cœur, pour s'opposer à ses desseins criminels. Que doit faire ce pécheur ? Il doit obéir à la voix du ciel, et dire comme le saint homme Job : « Seigneur, vous avez compté mes pas dans mes égarements ; mais voici que je reviens à vous, daignez me faire miséricorde (Jb 14, 16). »
Nous disons que si Dieu reçoit le pécheur et lui pardonne, ce pécheur doit lui demeurer fidèle. Plus de rechutes dans ses désordres : il doit renoncer entièrement aux péchés qui lui ont été pardonnés ; n'être plus à charge à la miséricorde divine, qui condamne autant les conversions inconstantes qu'elle se réjouit de celles qui sont solides et persévérantes ; il doit gémir le reste de ses jours, pour avoir tant attendu de se donner à Dieu ; il doit continuellement bénir le nom du Seigneur, d'avoir fait éclater en lui son infinie miséricorde, en l'arrachant de cet abîme où ses péchés l'avaient précipité. Tels doivent être les sentiments d'un pécheur véritablement converti.
Nous venons de voir combien est grande la miséricorde de Dieu ; ainsi, quelque pécheurs que nous soyons, ne désespérons jamais de notre salut, parce que la bonté de Dieu surpasse infiniment notre malice. Mais aussi n'en abusons pas ; « car, dit le Prophète, la miséricorde divine est pour ceux qui la craignent et non pour ceux qui la méprisent (Ps 102, 17). » Le juste doit espérer en la miséricorde de Dieu ; mais il lui faut persévérer, afin qu'elle recouvre en lui ses droits en récompensant ses mérites. Le pécheur doit pareillement espérer à la miséricorde de Dieu ; mais, qu'il fasse pénitence. Afin que notre conversion soit sincère, nous devons joindre l'espérance à la pénitence : car faire pénitence sans espérer, c'est le partage des démons, et espérer sans faire pénitence, la présomption du libertin. Heureux, mes frères, si nous correspondons aux soins, à l'empressement et aux grâces que Dieu ne cesse de nous prodiguer pour nous faire opérer notre salut ! Ce que je vous souhaite.