N.B.: Jürgen Moltmann vient de décéder.
DÉCÉDÉ À 98 ANS - Moltmann, le père des erreurs de la théologie contemporaine
Le salut opéré par Jésus-Christ est essentiellement historique. Il se déroule tout au long de l'histoire du temps de l'Église. Mais comment le comprendre ?
Historicité du salut
Dire d'une réalité quelconque qu'elle est "essentiellement historique", c'est dire :
- qu'elle a une structure qui est fixe, immuable en elle-même, et qu'elle est soumise à un développement, donc au mouvement, de sorte qu'elle demeure essentiellement la même tout en changeant selon les époques, comme tout être vivant ;
- qu'elle a un "passé", c'est-à-dire que son état présent est le point d'aboutissement d'un développement antérieur, en raison duquel elle est ce qu'elle est présentement, et un avenir, c'est-à-dire que cet état présent lui-même est porteur d'un développement ultérieur ;
- que ce devenir lui-même a un terme, au-delà duquel il n'y a plus d'histoire, parce qu'il est la réalisation achevée de l'être dit "historique", de l'être en développement : bref l'être historique est un être situé entre un commencement, avant lequel il n'était pas, et une fin, au-delà duquel il est en plénitude ce que, pas son développement historique il est devenu.
Historicité du Christ
Le Christ a été un être historique : il y a eu d'abord le développement de son être humain depuis la conception jusqu'à la fin de son existence terrestre ; il y a eu aussi l'accomplissement de son oeuvre rédemptrice par la prédication du Royaume, par sa Passion, sa mort sacrificielle et sa Résurrection. Cette évolution s'est déployée dans le temps : elle a été historique.
Par son Incarnation le Verbe éternel est entré dans l'histoire, non pas selon sa nature divine, qui demeure immuable, éternel, mais selon sa nature humaine : l'homme-Jésus, qui est le Verbe, était un être historique.
Ceci va à l'encontre des théories de J. Moltmann1 (aujourd'hui 97 ans !), un théologien luthérien, plus ou moins suivi par plusieurs théologiens catholiques, qui voudraient que, par l'incarnation, le Verbe en sa divinité même, et le Père qui l'a envoyé, soient devenus historiques, soumis au changement et à la souffrance. Mais si Dieu peut être soumis au changement il n'est pas Dieu, et comment alors pouvons-nous affirmer son existence ? Nous ne pouvons l'affirmer que comme la première Cause immuable du monde changeant, l'Être nécessaire qui fonde l'être contingent.
À la base de l'eschatologie de Moltmann, il y a la conception luthérienne de la foi, acceptation inconditionnée de sa promesse, qui exclut toute vérification rationnelle : mais comment pourrait-on accepter la Parole de Dieu si toute vérification rationnelle de l'existence de Dieu qui parle était impossible ?
Le développement qu'a connu Jésus durant son existence terrestre a affecté le Verbe incarné en tant que tel, mais selon sa nature humaine :
Moi, je t’ai glorifié sur la terre en accomplissant l’œuvre que tu m’avais donnée à faire. Et maintenant, glorifie-moi auprès de toi, Père, de la gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde existe. (Jn 17, 4-5)
Le terme de ce développement est la résurrection. Par elle, le Christ est entré dans les temps eschatologiques, au-delà de l'histoire, dans la gloire : une gloire qui n'est pas une perfection statique, un arrêt, mais une vie intense en perpétuel jaillissement.
Notre pensée est historique, en ce sens qu'elle est conditionnée par l'espace et le temps. Il nous est impossible de nous représente une vie ainsi parvenue au terme de l'histoire, sortie de l'histoire, et pourtant continuant à se déployer.
Demain : Le temps de l'Église
1. L'année même du vote de la constitution Lumen Gentium de Vatican II en 1964 paraissait la première édition de sa Theologie der Hoffnung, traduite en français sous le titre Théologie de l'espérance, en 1970.