/image%2F0991926%2F20230927%2Fob_45d442_unnamed.jpeg)
Écrit par frère Alexis Bugnolo (05/04/2020) - Traduction française autorisée : père Walter Covens
Cette traduction répond à la question d'une lectrice de l'article publié hier :
suite au passage :
"Le Christ, à son époque, a fait face à une corruption massive dans le sacerdoce du Temple à Jérusalem. Pourtant, Il n’a jamais nié qu’ils exerçaient validement leurs fonctions. Il n’a pas non plus omis de les réprimander. Mais quand ils ont enfreint la Loi, en retardant la célébration de la Pâque du Jeudi Saint au Vendredi Saint, Il a rompu avec eux et a établi la Nouvelle Alliance Éternelle dans Son propre Sang."
L'un des faits les plus curieux de l'histoire, oublié dans le passé mais redécouvert ces dernières décennies 1 grâce aux progrès des sciences de la chronologie, de l'astronomie et de la chronométrie, concerne les événements entourant la Passion de Jésus-Christ.
Nous savons que le Christ a été crucifié le vendredi 3 avril 33 après Jésus-Christ, la veille de la Pâque, comme l'avaient calculé les grands prêtres de Jérusalem cette année-là.
Mais si vous remarquez bien, le Christ Jésus n'a pas célébré la Pâque le 4 avril, mais le jeudi 2 avril, après le coucher du soleil, qui, selon la coutume juive, commençait le jour du 3 avril.
Les érudits et de nombreux saints se sont creusé la tête pour expliquer cela pendant près de deux millénaires. Mais la vérité a été révélée par un calcul précis du lever de la pleine lune, le 2 avril de l'an 33 de notre ère.
En effet, c'est en fonction du moment où l'on voit la pleine lune se lever, après le coucher du soleil, après l'équinoxe, que les rabbins d'antan ont déterminé le début de la Pâque.
Le problème des grands prêtres, cependant, était qu'ils étaient plus intéressés par la commercialisation de la religion que par l'observation de la Torah de Dieu. En l'an 33 de notre ère, ils ont donc eu un problème. En effet, la plupart des Juifs suivaient les astronomes d'Alexandrie, en Égypte, plus à l'ouest que Jérusalem, et située dans une vaste plaine, où l'on peut voir le lever de la Lune plus clairement qu'à Jérusalem.
Or, en cette année 33 de notre ère, on vit la Lune se lever dans la première minute après le coucher du soleil, à Jérusalem, le soir du 2 avril, alors qu'à Alexandrie, on ne la vit se lever après le coucher du soleil que le 3 avril.
Selon la Torah, les grands prêtres de Jérusalem ne pouvaient pas omettre ou transférer la célébration de la Pâque, qui devait avoir lieu le 14ème jour de Nissan, date qui devait être déterminée par l'observation de la pleine lune à Jérusalem, et non à Alexandrie.
Ainsi, en l'an 33 de notre ère, les grands prêtres ont commis un horrible sacrilège. Ils ont ordonné que la Pâque soit célébrée le 15 !
C'est pourquoi le Christ ne les a pas suivis dans leur péché et a célébré la Pâque le soir du 2 avril, et s'est offert lui-même comme agneau du sacrifice le vendredi après-midi, avant le coucher du soleil.
Comme le rapporte l'Apôtre, avec la mort du Christ, le rideau du Temple fut déchiré en deux par Dieu et il y eut un grand tremblement de terre. Les Pères de l'Église disent qu'à partir de ce moment, l'Ancien Testament a été abrogé et que le Nouveau a commencé.
Pourquoi ? Parce que les grands prêtres ont apostasié de leur devoir religieux de célébrer la Pâque. Et le Christ, en tant que vrai Grand Prêtre, se devait donc d'inaugurer un Nouveau Testament. Un testament dans lequel le sacrifice de l'agneau serait célébré jusqu'à la fin des temps.
Seulement, cette année, les grands prêtres de l'Église catholique ont décidé de suivre les grands prêtres d'autrefois, et de ne pas célébrer Pâques avec l'Église (parce que les fidèles, qui ne font pas partie du clergé, sont tout aussi essentiellement membres de l'Église qu'eux, et leur refuser Pâques revient à crucifier le Seigneur).
C'est pourquoi j'ai une sainte crainte que la Nouvelle Alliance puisse, dans un certain sens, prendre fin à Pâques et que la terrible colère de Dieu tout-puissant, que le sang du Christ a retenue pendant 2000 ans, soit sur le point de se déchaîner sur ce monde. Et les prêtres qui refuseront les fidèles à Pâques en porteront personnellement la responsabilité 2.
Notes du traducteur
1. Cf. A. JAUBERT, La date de la dernière Cène, 1954, qui fait bien l'état de la question (et qui renvoie elle-même à STRACK-BILLERBECK, Kommentar zum Neuen Testament II, 1924 ; et à LAGRANGE, Évangile selon saint Marc, 1942) :
"Le problème n'est pas d'aujourd'hui, puisqu'il embarrassait déjà les exégètes à la fin du second siècle, mais la critique moderne ne l'a pas résolu. Certains ont adopté un scepticisme radical qui conteste toute historicité à une chronologie quelconque de la Passion. D'autres ont proposé divers essais de conciliation. Le plus intéressant est certainement celui qui, plaçant la mort de Jésus au 14 Nisan, suppose que Jésus a avancé la date du repas pascal. Mais comment était-il possible d' "avancer" ce repas? Jusqu'ici n'a été donnée aucune solution satisfaisante, et la difficulté demeure."
Signalons aussi le passage consacré à la question par RATZINGER J. (BENOÎT XVI) dans le deuxième volume de Jésus de Nazareth :
La date de la dernière Cène
Le problème de la datation de la dernière Cène de Jésus se fonde sur l'opposition en cette matière entre les Évangiles synoptiques, d'une part, et l'Évangile de Jean, de l'autre. Marc, que Matthieu et Luc suivent essentiellement, offre à ce sujet une datation précise. « Le premier jour des Azymes, où l'on immolait la Pâque, ses disciples lui disent : "Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour que tu manges la Pâque ?" [...] Le soir venu, il arrive avec les Douze » (Mc 14,12.17). Le soir du premier jour des Azymes, où dans le Temple étaient immolés les agneaux pascals, est la veille de la Pâque. Selon la chronologie des Synoptiques il s'agit d'un jeudi.
Après le coucher du soleil commençait la Pâque, et alors la cène pascale était consommée - par Jésus et ses disciples, comme par tous les pèlerins venus à Jérusalem. Dans la nuit entre jeudi et vendredi - toujours selon la chronologie synoptique - Jésus est arrêté et conduit devant le tribunal, au matin du vendredi, chez Pilate, il est condamné à mort et ensuite « vers la troisième heure » (neuf heures du matin) il est crucifié. La mort de Jésus est datée de la neuvième heure (quinze heures). « Déjà le soir était venu et comme c'était la Préparation, c'est-à-dire la veille du sabbat, Joseph d'Arimathie s'en vint hardiment trouver Pilate et réclama le corps de Jésus » (Mc 15,42s.). La sépulture devait encore avoir lieu avant le coucher du soleil, parce que ensuite commençait le sabbat. Le sabbat est le jour du repos de Jésus au sépulcre. La Résurrection a lieu le matin du « premier jour de la semaine », le dimanche.
Cette chronologie est compromise par le problème que le procès et la crucifixion de Jésus auraient eu lieu au cours de la fête de la Pâque, qui cette année-là tombait un vendredi. Il est vrai que beaucoup de chercheurs ont tenté demontrer que le procès et la crucifixion étaient compatibles avec les prescriptions de la Pâque. Malgré cette érudition, il semble problématique qu'en cette fête très importante pour les Juifs, le procès devant Pilate et la crucifixion aient été admissibles et possibles. Du reste, une information rapportée par Marc fait aussi obstacle à cette hypothèse. Il nous dit que deux jours avant la fête des Azymes, les grands prêtres et les scribes cherchaient la manière de s'emparer de Jésus par ruse pour le tuer, mais à ce sujet ils déclarent : « Pas en pleine fête, de peur qu'il y ait du tumulte parmi le peuple » (14,1s.). Selon la chronologie synoptique, cependant, l'exécution capitale de Jésus, de fait, aurait eu lieu justement le jour même de la fête.
Tournons-nous maintenant vers la chronologie johannique. Jean veille avec soin à ne pas présenter la dernière Cène comme une cène pascale. Au contraire : les autorités juives qui mènent Jésus devant le tribunal de Pilate évitent d'entrer dans le prétoire « pour ne pas se souiller, mais pour pouvoir manger la Pâque » (18,28). La Pâque commence ensuite, seulement le soir ; durant le procès, la cène pascale est encore à venir ; procès et crucifixion ont lieu la veille de la Pâque, au cours de la « Préparation », et non au cours de la fête elle-même. Cette année-là, la Pâque s'étend donc du soir du vendredi au soir du samedi et non du soir du jeudi au soir du vendredi.
Pour le reste, le déroulement des événements demeure le même. Jeudi soir la dernière Cène de Jésus avec ses disciples, qui cependant n'est pas une cène pascale ; vendredi - veille de la fête et non la fête elle-même : le procès et l'exécution capitale ; samedi : le repos du sépulcre ; dimanche : la Résurrection. Avec cette chronologie, Jésus meurt au moment où, dans le Temple, sont immolés les agneaux pascals. Il meurt comme le véritable Agneau qui, parmi l'ensemble des agneaux, était le seul à avoir été annoncé par avance.
Cette coïncidence, théologiquement importante, de la mort de Jésus au moment de l'immolation des agneaux pascals, a conduit beaucoup de chercheurs à se débarrasser de la version johannique considérée comme une chronologie théologique. Jean aurait changé la chronologie pour créer cette connexion théologique qui, toutefois, dans l'Évangile n'est pas manifestée explicitement. Aujourd'hui, cependant, on voit toujours plus clairement que la chronologie johannique est historiquement plus probable que celle des Synoptiques. Car - comme il a été dit - procès et exécution capitale le jour de la fête semblent peu imaginables. D'autre part, la dernière Cène de Jésus apparaît si étroitement liée à la tradition de la Pâque que la négation de son caractère pascal se révèle problématique.
Des tentatives de concilier les deux chronologies ont été faites pour cette raison, depuis toujours. La tentative la plus importante - et, en de nombreux points, la plus fascinante - d'arriver à une compatibilité entre les deux traditions vient de la chercheuse française Annie Jaubert, qui, depuis 1953, a développé sa thèse dans une série de publications.
Nous n'entrerons pas ici dans les détails de cette proposition ; nous nous limiterons à l'essentiel.
Mme Jaubert se base surtout sur deux textes anciens qui semblent conduire à une solution du problème. Il y a avant tout l'indication d'un ancien calendrier sacerdotal, transmis dans le Livre des Jubilés, qui a été rédigé en langue hébraïque dans la seconde moitié du IIe siècle av. J.-C. Ce calendrier ne prend pas en considération la révolution de la lune et prévoit une année de trois cent soixante-quatre jours, divisée en quatre saisons de trois mois, dont deux ont trente jours et un trente etun. Avec toujours quatre-vingt-onze jours, chaque trimestre comprend exactement treize semaines et chaque année ensuite exactement cinquante-deux semaines. Par conséquent, les fêtes liturgiques de chaque année tombent toujours le même jour de la semaine. Cela signifie, pour ce qui concerne la Pâque, que le 15 Nisan est toujours un mercredi et que le repas pascal est toujours consommé après le coucher du soleil le soir du mardi. Jaubert soutient que Jésus aurait célébré la Pâque selon ce calendrier, c'est-à-dire le mardi soir, et il aurait été arrêté dans la nuit du mercredi.
Par là, la chercheuse voit résolus deux problèmes : d'une part, Jésus aurait célébré un vrai repas pascal comme le rapportent les Synoptiques ; de l'autre, Jean aurait raison en ce que les autorités juives, qui s'en tenaient à leur calendrier, auraient célébré la Pâque seulement après le procès de Jésus et donc celui-ci aurait été exécuté la veille de la véritable Pâque et non au cours de la fête elle-même. De cette façon, la tradition synoptique et la tradition johannique apparaissent également justes sur la base de la diversité entre les deux calendriers.
Le deuxième avantage, souligné par Annie Jaubert, montre en même temps le point faible de cette tentative de trouver une solution. La chercheuse française fait remarquer que les chronologies transmises (dans les Synoptiques et chez Jean) doivent mettre ensemble une série d'événements dans l'espace étroit de quelques heures : l'interrogatoire devant le sanhédrin, le transfert devant Pilate, le rêve de la femme de Pilate, l'envoi chez Hérode, le retour chez Pilate, la flagellation, la condamnation à mort, le chemin de Croix et la crucifixion. Placer tout cela dans le cadre de quelques heures semble - selon Jaubert - quasi impossible. Par rapport à cela sa solution offre un espace de temps qui va de la nuit entre mardi et mercredi jusqu'au matin du vendredi.
Dans ce contexte, la chercheuse montre que chez Marc pour les jours « dimanche des Rameaux », lundi et mardi, il y a une succession précise des événements, mais qu'ensuite il passe directement au repas pascal. Selon la datation transmise il resterait alors deux jours pour lesquels rien n'est rapporté. Enfin, Jaubert rappelle que de cette façon le projet des autorités juives de tuer Jésus, précisément avant la fête, aurait pu fonctionner. Toutefois, Pilate, par son hésitation, aurait renvoyé la crucifixion au vendredi.
Contre le changement de la date de la dernière Cène du jeudi au mardi s'élève, cependant, l'antique tradition du jeudi, que d'ailleurs nous rencontrons clairement dès le IIe siècle. Mais à cela Mme Jaubert objecte en citant le second texte sur lequel se base sa thèse : il s'agit de la Didascalie des Apôtres, un écrit du début du IIIe siècle, qui fixe la date de la Cène de Jésus au mardi. La chercheuse veut démontrer que ce livre aurait recueilli une vieille tradition, dont les traces pourraient être retrouvées dans d'autres textes également.
À cela, il faut cependant répondre que les traces de la tradition, manifestées de cette façon, sont trop faibles pour pouvoir convaincre. L'autre difficulté vient du fait que l'utilisation par Jésus d'un calendrier répandu principalement à Qumran, est peu vraisemblable. Pour les grandes fêtes, Jésus se rendait au Temple. Même s'il en a prédit la fin et qu'il l'a confirmée par un acte symbolique dramatique, il a suivi le calendrier juif des festivités, comme le montre surtout l'Évangile de Jean. Certes, on peut être d'accord avec la chercheuse française sur le fait que le Calendrier des Jubilés n'était pas strictement limité à Qumran et aux Esséniens. Mais cela ne suffit pas à le faire valoir pour la Pâque de Jésus. Ce qui explique pourquoi la thèse, à première vue fascinante, d'Annie Jaubert est refusée par la majorité des exégètes.
Je l'ai illustrée de façon aussi détaillée, parce qu'elle laisse imaginer un peu plus la multiplicité et la complexité du monde juif au temps de Jésus - un monde que nous-même, malgré toute l'ampleur de nos connaissances des sources, nous ne pouvons reconstituer que de façon insuffisante. Je reconnaîtrais, donc, à cette thèse une certaine probabilité, bien que - tenant compte des problèmes abordés- il ne soit simplement pas possible de l'accueillir.
Que devons-nous donc dire ? J'ai trouvé l'évaluation la plus précise de toutes les solutions imaginées jusqu'à maintenant dans le livre sur Jésus de John P. Meier, qui a exposé une vaste étude sur la chronologie de la vie de Jésus à la fin de son premier volume. Il arrive au résultat qu'il faut choisir entre la chronologie synoptique et la chronologie johannique et il montre, selon l'ensemble des sources, que la décision doit être en faveur de Jean.
Jean a raison : au moment du procès de Jésus devant Pilate, les autorités juives n'avaient pas encore mangé la Pâque et pour cela elles devaient se maintenir encore cultuellement pures. Il a raison : la crucifixion n'a pas eu lieu le jour de la fête, mais la veille. Cela signifie que Jésus est mort à l'heure à laquelle les agneaux pascals étaient immolés dans le Temple. Que par la suite les chrétiens aient vu en cela plus qu'un pur hasard, qu'ils aient reconnu Jésus comme le véritable Agneau, qu'ainsi ils aient justement trouvé le rite des agneaux porté à sa vraie signification - tout cela est donc tout à fait normal.
Reste la question : mais alors pourquoi les Synoptiques ont-ils parlé d'un repas pascal ? Sur quoi se fonde cette ligne de la tradition ? Meier ne peut pas non plus donner une réponse vraiment convaincante à cette question. Il en fait toutefois la tentative - comme beaucoup d'autres exégètes - au moyen de la critique rédactionnelle et littéraire. Il cherche à montrer que les passages de Mc 14,1a et 14,12-16 - les seuls passages où chez Marc on parle de la Pâque - auraient été insérés par la suite. Dans le récit proprement dit de la dernière Cène, la Pâque ne serait pas mentionnée.
Cette tentative - pour autant qu'elle soit soutenue par de nombreux experts importants - est artificielle. Demeure juste, cependant, l'observation de Meier quant au rituel pascal qui apparaît peu dans le récit de la Cène elle-même chez les Synoptiques comme chez Jean. Avec cependant quelques réserves, on pourra adhérer ainsi à l'affirmation : « Toute la tradition johannique concorde pleinement avec celle originaire des Synoptiques pour ce qui concerne le caractère de la Cène comme n'appartenant pas à la Pâque » ( A Marginal Jew I, p. 398).
Mais alors, que fut vraiment la dernière Cène de Jésus ? Et comment est-on arrivé à la conception certainement très ancienne de son caractère pascal ? La réponse de Meier est étonnamment simple et convaincante sous de nombreux aspects. Jésus était conscient de sa mort imminente. Il savait qu'il n'aurait pas pu manger la Pâque. Dans cette claire conscience, il invita ses disciples à une dernière Cène de caractère très particulier, une Cène qui n'appartenait à aucun rite juif déterminé, mais qui était ses adieux, dans lesquels il donnait quelque chose de nouveau, il se donnait lui-même comme le véritable Agneau, instituant ainsi sa Pâque.
Dans tous les Évangiles synoptiques, la prophétie de Jésus sur sa mort et celle sur sa Résurrection font partie de cette Cène. En Luc, elle a une forme particulièrement solennelle et mystérieuse : « J'ai ardemment désiré manger cette pâque avec vous avant de souffrir ; car je vous le dis, jamais plus je ne la mangerai jusqu'à ce qu'elle s'accomplisse dans le royaume de Dieu » (22,15s.). La parole demeure équivoque : elle peut signifier que Jésus, pour la dernière fois, mange la Pâque habituelle avec les siens. Mais elle peut aussi signifier qu'il ne la mange plus, mais qu'il s'achemine vers la Pâque nouvelle.
Une chose est évidente dans toute la tradition : l'essentiel de cette Cène de congé n'a pas été la Pâque ancienne, mais la nouveauté que Jésus a réalisée dans ce contexte. Même si ce banquet de Jésus avec les Douze n'a pas été un repas pascal selon les prescriptions rituelles du judaïsme, en rétrospective la connexion intérieure de l'ensemble avec la mort et la Résurrection de Jésus est apparue évidente : c'était la Pâque de Jésus. Et, en ce sens, il a célébré la Pâque et il ne l'a pas célébrée : les rites anciens ne pouvaient pas être pratiqués ; quand vint leur moment, Jésus était déjà mort. Mais il s'était donné lui-même et ainsi il avait vraiment célébré la Pâque avec eux. De cette façon, l'ancien rite n'avait pas été nié, mais il avait seulement été porté ainsi à son sens plénier.
Le premier témoignage de cette vision unifiante du nouveau et de l'ancien, que réalise la nouvelle interprétation de la Cène de Jésus par rapport à la Pâque dans le contexte de sa mort et de sa Résurrection, se trouve chez Paul, dans 1 Corinthiens 5,7 : « Purifiez-vous du vieux levain pour être une pâte nouvelle, puisque vous êtes des azymes. Car notre Pâque, le Christ, a été immolé ! » ( cf. Meier, A Marginal Jew I, p. 429 s.). Comme en Marc 14,1, le premier jour des Azymes et la Pâque se succèdent ici, mais le sens rituel d'alors est transformé dans une signification christologique et existentielle. Les « azymes » doivent maintenant être constitués par les chrétiens eux-mêmes, libérés du levain du péché. L'Agneau immolé, cependant, c'est le Christ. En cela Paul concorde parfaitement avec la description johannique des événements. Pour lui, la mort et la Résurrection du Christ sont devenues ainsi la Pâque qui perdure.
D'après cela, on peut comprendre comment la dernière Cène de Jésus, qui n'était pas seulement une annonce, mais qui comprenait aussi, dans les dons eucharistiques, une anticipation de la Croix et de la Résurrection, a bien vite été considérée comme Pâque - comme sa Pâque. Et elle l'était réellement.
2. Allusion à la fermeture des églises pour la solennité de Pâques lors de la crise sanitaire en 2020.