Écrit par fr Alexis Bugnolo (11/10/2022) - Traduction française autorisée : Louis Lurton
Par un extraordinaire concours de circonstances, jeudi dernier, 6 octobre 2022, veille de Notre-Dame des Victoires, alors que Don Alessandro Minutella préparait son intervention du soir, sur Radio Domina Nostra - ICI pour la traduction en anglais (la traduction française est en cours) -, il semblerait que le Saint-Père ait anticipé sa demande de déclarer le Siège Apostolique empêché.
L'occasion en a été le message personnel qu'il a envoyé aux érudits réunis par la Fondation Pape Benoît XVI pour la présentation du livre de Piergiorgio Odifreddi, intitulé "In cammino alla ricerca della Verità. Lettere e colloqui con Benedetto XVI" (Rizzoli, 2022) (en français : "En chemin à la recherche de la Vérité. Lettres et entretiens avec Benoît XVI".
Au début de son discours, introduisant les deux heures et demie de conférences (visibles en vidéo ICI), Mgr Georg Gänswein, le secrétaire personnel du Saint-Père, a donné une brève introduction en langage crypté, que je vais relater en français, ci-dessous, et dont vous pourrez lire la transcription italienne dans l'article d'Andrea Cionci, ICI (traduction française ICI).
Son intervention a commencé à 2:31 dans cette vidéo de 2,5 heures.
Avant de prendre la parole, l'Archevêque demande s'il devrait commencer par saluer officiellement toutes les personnes présentes - le recteur de l'Université LUMSA répond qu'il peut le faire de manière cordiale, informelle - ce à quoi l'archevêque répond qu'il va le faire de manière Catholique.
Mgr Georg Gänswein, habillé en prêtre, pas en Archevêque, et sans la croix pectorale, dit :
Avant de venir ici, j'ai prié avec le pape Benoît - comme le fait tout prêtre catholique - les vêpres. Puis j'ai parlé du livre, et tout d'abord, des invités ou des intervenants. (c'est-à-dire des érudits qui interviendront pendant la conférence - ndlr).
Le pape Benoît me dit, tout d'abord : "Ne fais pas un salut officiel, salue-les personnellement en mon nom et dis à tous: "Je n'ai pas mérité cette illustre liste d’intervenants". Je lui dit : "Saint Père, si je dis cela, ils ne me croiront pas, mais j'obéirai" ; (le pape Benoît continua) "Crois ou ne crois pas, si tu ne crois pas, lis, soit Jérémie, soit Isaïe. Je ne dirai pas quel verset ou quel chapitre, mais voilà la réponse ".
Or, même en italien, ce genre d'introduction est remarquable par son format idiosyncrasique. Oui, il est bien connu que l'Archevêque est un conservateur et qu'il a peut-être simplement voulu souligner qu'il prie l'Office Divin avec le Saint-Père aux heures canoniales, comme tous les prêtres devraient le faire. Mais il est également clair qu'il transmet un message personnel donné par le Saint-Père.
Ainsi, comme l'a fait Andrea Cionci l'autre jour, en regardant de plus près la première phrase, on remarque une structure grammaticale remarquable, qui, prise syntaxiquement selon les règles de la langue italienne, signifie : aujourd'hui, "Je viens de prier les vêpres avec le Pape Benoît XVI, comme le font tous les prêtres catholiques." POINT.
Mais une telle affirmation n'a aucun sens sauf si tous les prêtres catholiques devaient considérer le pape Benoît XVI comme le vrai et seul Pontife Romain, puisque tous les prêtres doivent prier en communion avec le Vicaire du Christ, et non avec un pape émérite.
Mais ce n'est pas tout.
Dans la deuxième expression, où l'on demande à l'Archevêque de saluer l'assemblée d'érudits comme des personnes illustres (chose que Cionci explique dans son article comme n'ayant aucun sens puisqu'ils ont tous une très mauvaise réputation morale ou académique ou bien sont des gens qui ont insulté le Pape Benoît XVI dans le passé), l'Archevêque objecte que personne ne le croira s'il communique un tel message. (C'est-à-dire, personne qui suive de près les affaires du Vatican).
Et alors le Saint Père dit,
"Croyez ou ne croyez pas, si vous ne croyez pas, lisez, soit Jérémie, soit Isaïe. Je ne dirai pas quel verset ou quel chapitre, mais voilà la réponse ".
Ici, si vous connaissez un peu les Écritures, vous devez éprouver un choc. En effet, il existe un parallèle exact dans le Livre de Jérémie, où le prophète Jérémie envoie son secrétaire personnel, saint Baruch (fêté le 28 septembre) - qui n'était pas un grand prêtre - transmettre son message au clergé et à la noblesse corrompus de la Jérusalem de son temps. Le passage biblique est un exact parallèle situationnel avec le moment où Benoît XVI envoie son propre secrétaire personnel, un Archevêque - mais pas habillé comme un archevêque ou un grand prêtre - pour parler à la noblesse et aux érudits de l’Eglise de Rome. On ne peut pas balayer cela d’un revers de la main comme une coïncidence. De plus, ce discours a été prononcé le 9ème jour après la fête de Saint Baruch. Ainsi, nous ne pouvons tout simplement pas ignorer de le considérer comme le verset indiqué par le texte et le contexte du message catholique personnel du Saint Père à chacun.
Et dans ce message, Jérémie dit ces mots étonnants au chapitre 36, 5 : d'abord en hébreu, puis en grec, en italien et en français.
DANS L'ORIGINAL HÉBREU (lu de droite à gauche) :
Dans la traduction grecque utilisée par les Apôtres (lire de gauche à droite) :
En italien :
5 Quindi Geremia ordinò a Baruc : "Io ne sono impedito e non posso andare nel tempio del Signore. 6 Andrai dunque tu a leggere, nel rotolo che hai scritto sotto la mia dettatura,
En français (traduction de l'italien, qui est la traduction utilisée par le Saint-Père) :
5 Alors Jérémie ordonna à Baruch : “JE SUIS EMPÊCHÉ, et je ne peux pas me rendre dans le Temple du Seigneur. 6. Toi, donc, tu iras leur lire, dans le rouleau que tu as écrit sous ma dictée,… "
Si ce n'était l'exacte superposition des circonstances, je dirais que c'est une simple coïncidence, mais il n'y a aucun passage dans les Écritures où l'on trouve cette expression, ou l'on voit un dignitaire envoyer un secrétaire pour parler à ceux qui sont du parti qui l'a emprisonné.
Et je vois une confirmation dans cette interprétation, car en 2007, le pape Benoît XVI a publié un livre intitulé "Jésus de Nazareth, depuis son Baptême dans le Jourdain à la Transfiguration", dans lequel il dit, selon les mots du père De Souza, écrits en février 2007,
"Alors qu'Elie personnifie l'espoir de la restauration d'Israël, Jérémie est une figure de la Passion, qui proclame l'échec de la forme actuelle de l'Alliance et du Temple qui, pour ainsi dire, lui sert de garantie. Bien sûr, il est aussi porteur de la promesse d'une Nouvelle Alliance destinée à renaître des cendres. Par sa souffrance, par son immersion dans les ténèbres de la contradiction, Jérémie porte dans sa propre vie ce double destin de chute et de renouveau."
Ouah ! Pour le pape Benoît, Jérémie était le Katechon de l'Ancien Testament à une époque d'apostasie totale de la Ville Sainte de Jérusalem. Ainsi, en se référant à Jérémie et Baruch, dans son message délivré par l'Archevêque, la semaine dernière, il se déclare définitivement seul VICAIRE DE JÉSUS-CHRIST, qui est le défenseur de la Foi.
Mais ce qui m'émerveille encore plus, c'est comment le Saint Père, le Pape Benoît XVI, a-t-il su répondre à la Question de Don Minutella, qui ne sera diffusée pour la première fois sur Youtube que CINQ HEURES APRÈS ?
J’en suis sidéré.
Je ne sais pas quoi dire. - Je vais essayer de mieux comprendre le contexte historique et de l'expliquer dans une mise à jour de cet article.
Mais pour l'instant, si le monde veut savoir que le Saint-Père est prisonnier et que le Siège Apostolique est empêché, il le tient de la bouche-même du Saint-Père, via son secrétaire personnel, en public, et d'une manière qui peut être comprise par tous ceux qui écoutent attentivement.
NOTA BENE : Dans la phrase "Le Siège Apostolique est empêché", les mots "Siège Apostolique" se réfèrent à la personne du Pontife Romain dans l'exercice de son autorité suprême, donc, dire en tant que pape "Je suis empêché", a la même signification que de dire "Le Siège Apostolique est empêché".
MISE À JOUR (trad. père Walter Covens)
J’ai des rapports non confirmés que Don Minutella et les 7 autres prêtres avaient communiqué au Saint-Père leur choc suite à l’appel téléphonique de Mgr Gänswein et indiqué leur désir d’avoir des communications directes avec lui, avant cette conférence, où Mgr Ganswein relata le message personnel du Saint-Père, qui se réfère à Jérémie et Isaïe. -- Il est également possible que le pape Benoît XVI ait répondu à la Conférence de Turin, qui s’est terminée le 6 octobre, jour de l’intervention susmentionnée, puisque cette conférence a discuté du Sede impedita et du Sede Vacante et de Papes émérites ICI. Mais la signification serait la même.