Introito
Benoît XVI : un pape "émérite" ? Une démonstration qui tient debout
Devant les yeux d’un grand nombre – vieux et jeunes, érudits et profanes, laïcs et clercs, tant des centres que des périphéries religieuses et culturelles – défilent aujourd’hui deux faits – bien lire: des faits, dont l’existence ne décline pas parce que tel ou tel choisit de les nier, de les taire ou de les déformer – et qui, précisément parce qu’ils sont tels – c’est-à-dire, parce qu’ils sont des situations objectivement établies –, et en raison de leur caractère notoire, seront pris ici non pas en tant qu’objet de description/explication/évaluation, mais comme point de départ pour l’examen d’un problème ultérieur.
De quels faits s’agit-il? Pour ceux qui ont eu l’occasion de lire – au moins – le livre Benedicto XVI: ¿Papa “Emérito”?, la réponse est anticipée implicitement dans le titre de cet introito : il s’agit, d’une part, de l’inexistence/invalidité démontrée (attention à l’échange de mots, sur lequel nous reviendrons), tant de la "renonciation" de S.S. Benoît XVI (ci-après BXVI) que de l'"élection" du cardinal Jorge Mario Bergoglio (ci-après JMB) au pontificat, et d’autre part, du caractère fallacieux/insuffisant des arguments avec lesquels des tentatives récurrentes ont été faites pour miner, toujours sans succès, cette démonstration. En synthèse, nous parlons d’une réalité juridique-substantielle qui, à ce jour, peut être considérée comme définitive : BXVI n’a jamais cessé d’être, et sera jusqu’à sa mort, le seul vrai Pape de l’Église catholique (et donc, François est, et sera jusqu’à sa mort ou son éventuelle " renonciation " –lire cessation volontaire de l’usurpation de la Chaire de Pierre–, un anti-Pape).
Et quel serait le problème ultérieur annoncé ? Rien de moins que le revers, de type juridique-formel, de la réalité susmentionnée, exprimable à travers ces questions : est-il légitime que les fidèles "découvrent", acceptent et proclament que Benoît et non François est le Pape légitime, même si "l’autorité ecclésiastique compétente" n’a pas émis une déclaration officielle à cet effet? Les actes juridiques de " renonciation" et d'"élection" susmentionnés ne jouissent-ils pas d’une présomption de validité, de sorte que toute l'Église doit, à toutes fins utiles, s’y soumettre jusqu’à ce qu’une déclaration officielle soit faite? Adhérer à Benoît XVI en tant que Vicaire du Christ n’équivaudrait-il pas à usurper l’autorité ecclésiastique et omettre la procédure régulière, au point d’encourir un schisme? En définitive, face à la réalité juridique-substantielle en question, les fidèles ne devraient-ils pas tout simplement se taire, prier et aimer?
À l’exception de la première question, notre réponse est toujours un NON catégorique. A dire vrai, nous avons déjà proposé ce refus dans le document Adversus Fallacies..., où, constatant que François a été dès le départ un Papa dubius (et donc un Papa nullus) – ou, en d’autres termes, que dans son cas la pacifica universalis ecclesiae adhaesio n’a pas été établie – nous avons argumenté ainsi: " Comment peut-on exiger l’obéissance à un Pape au sujet duquel il y a un doute (François) ? Comment s’attendre, dans ces conditions, à ce que les fidèles s’abstiennent de rechercher qui est le véritable pape, et de former eux-mêmes et émettre un jugement propre sur cette question? N’est-ce pas le droit et le devoir de tout catholique (et même de tout homme) de rechercher la vérité et de s’y tenir une fois qu’il l’a trouvée, surtout lorsqu’il s’agit de la communion ecclésiale et donc du salut éternel? Par ailleurs, sommes-nous incapables de voir que la démonstration et la défense de la vérité précèdent logiquement sa déclaration officielle par une quelconque autorité ecclésiale? Que diraient, par exemple, sainte Catherine de Sienne, saint Vincent FerrIer et saint Bernard de Clairvaux à ce sujet? " En outre, dans le même document, nous avons mis en garde contre les dangers contenus dans le sophisme selon lequel seul un éventuel successeur de François pourrait mettre un terme à la question papale: "Notons, en outre, le piège caché derrière l’argument analysé: si François est un anti-Pape (et il l’est), le "prochain Pape" ne serait rien moins qu’un autre anti-Pape, puisqu’il serait élu par des cardinaux nommés de manière invalide par François. En ce sens, attendre du "prochain pape" qu’il puisse résoudre le problème est tout simplement illusoire".
Or, bien que les lignes précédentes soient claires et satisfaisantes d’un point de vue logique et historique, il reste à élucider la question technique –l a présomption de validité des actes juridiques –, dont le développement nécessite des références et des explications canoniques spécifiques. Nous allons maintenant nous pencher sur cette question, non sans avoir préalablement exposé la position de ceux qui se cachent derrière cette présomption, y compris à l’aide d’exemples.
Exposé du problème
Le devoir de se conformer au jugement public de l’Église : le contrat/sacrement de mariage comme "paradigme"
Posons le problème avec les mots mêmes de l’un de nos "adversaires" – Ryan Grant –:
"For Externe [...] La papauté est un office public. Sa réception est publique, et une renonciation à cet office est manifestée publiquement. Cela signifie que la présomption est celle de la validité de la renonciation jusqu’à ce que le contraire soit prouvé en for externe. C’est-à-dire que l’invalidité de la renonciation doit être démontrée devant les tribunaux ecclésiastiques – pas sur un blog, pas sur Facebook, et pas dans la déclaration formelle d’un laïc ou même d’un clerc. Propter metum. Considérons maintenant l’argument de la peur ou de la coercition [sous lequel BXVI aurait agi en " renonçant "] qui est souvent avancé. Les partisans de cet argument peuvent citer le canon 188: " La renonciation causée par une crainte grave, injustement infligée, par dol, erreur substantielle, ou encore entachée de simonie, est invalide de plein droit". La difficulté est que dans tous les actes accomplis par crainte, il y a de fait un consentement à l’acte qui est, en principe, un consentement réel. Ceci est également avalisé dans le droit canonique: "L’acte posé sous l’effet d’une crainte grave, injustement infligée, ou d’un dol, est valide sauf autre disposition du droit; mais il peut être rescindé par sentence du juge, ou à la demande de la partie lésée ou de ses ayants droit, ou d’office." [canon 125 §2 du Code de Droit Canonique, ci-après CDC]. La signification de ceci est que si le Pape était poussé par quelque peur nébuleuse, découlée de quelque menace nébuleuse, comme certains blogs l’ont soutenu, il serait nécessaire que ceci soit démontré dans un tribunal canonique, par cette partie ou quelqu’un qui lui succède dans ses revendications, et alors, lorsque cette peur serait démontrée au niveau du for externe, et alors seulement, pourrions-nous avoir une telle confirmation" [emphase ajoutée].
Et pour ajouter aux arguments, l’article propose une analogie avec le contrat/sacrement du mariage:
"La conséquence de ce que les laïcs "déclarent définitivement", de leur propre autorité, la nullité de la renonciation de Benoît XVI, n’est dans l’absolu pas différente de celle d’un homme découvrant que son mariage est invalide en raison d’un quelconque empêchement. Même s’il avait raison à cent pour cent et cet empêchement était aussi clair que le soleil d’été, il ne peut pas simplement s’enfuir et épouser une autre femme à moins que l’Église ne lui ait accordé une déclaration de nullité, qui est un jugement en for externe. En d’autres termes, parce que le sacrement du mariage est un acte public, un peu comme le fait de prendre l’office de la papauté ou d’y renoncer, tout défaut affectant la validité doit être jugé publiquement par l’Église à travers le processus d’annulation afin qu’un jugement définitif soit rendu et que les parties concernées en aient la certitude morale."
Ces considérations, qui se réfèrent spécifiquement au contrat/sacrement de mariage, correspondent au sens de la Lettre aux évêques de l’Église catholique sur l’accès à la communion eucharistique de la part des fidèles divorcés-remariés, publiée le 14 septembre 1994 par la Congrégation pour la doctrine de la Foi, qui, dans ses paragraphes pertinents, déclare :
"La conviction erronée, de la part d’un divorcé remarié, de pouvoir accéder à la Communion eucharistique présuppose normalement que l’on attribue à la conscience personnelle le pouvoir de décider, en dernière analyse, sur la base de sa propre conviction, de l’existence ou de la non-existence du précédent mariage et de la valeur de la présente union. Mais on ne peut admettre pareille attribution. En effet, le mariage, en tant qu’image de l’union sponsale entre le Christ et son Eglise et noyau de base et facteur important de la vie de la société civile, est essentiellement une réalité publique.
Il est certainement vrai que le jugement sur ses propres dispositions pour accéder à l’Eucharistie doit être formulé par la conscience morale adéquatement formée. Mais il est tout aussi vrai que le consentement, par lequel est constitué le mariage, n’est pas une simple décision privée, puisqu’il crée pour chacun des époux et pour le couple une situation spécifiquement ecclésiale et sociale. Dès lors, le jugement de la conscience sur sa propre situation matrimoniale ne regarde pas seulement un rapport immédiat entre l’homme et Dieu, comme si on pouvait se passer de cette médiation ecclésiale, qui inclut également les lois canoniques qui obligent en conscience. Ne pas reconnaître cet aspect essentiel signifierait nier en fait que le mariage existe comme réalité d’Eglise, c’est-à-dire comme sacrement.
D’autre part, l’Exhortation Familiaris consortio, quand elle invite les pasteurs à bien distinguer les diverses situations des divorcés remariés, rappelle aussi le cas de ceux qui sont subjectivement certains, en conscience, que le mariage précédent, irréparablement détruit, n’a jamais été valide. Il faut certainement discerner à travers la voie du for externe, établie par l’Eglise, s’il y a objectivement une telle nullité du mariage. La discipline de l’Eglise, tout en confirmant la compétence exclusive des tribunaux ecclésiastiques dans l’examen de la validité du mariage de catholiques, offre à présent de nouvelles voies pour démontrer la nullité de l’union précédente, afin d’exclure le plus possible toute discordance entre la vérité vérifiable dans le procès et la vérité objective connue par la conscience droite.
S’en tenir au jugement de l’Eglise et observer la discipline en vigueur sur le caractère obligatoire de la forme canonique comme nécessaire pour la validité des mariages des catholiques, est ce qui sert vraiment le bien spirituel des fidèles intéressés. [...]
[...] Dans l’action pastorale, tout doit être mis en oeuvre pour faire bien comprendre qu’il ne s’agit aucunement de discrimination, mais seulement de fidélité absolue à la volonté du Christ qui nous a redonné et confié de nouveau l’indissolubilité du mariage comme don du Créateur. [...]" (c’est nous qui soulignons)."
Eh bien, qu’avons-nous à dire face à cette approche?
Une distinction essentielle
Exigences internes et externes de l’acte juridique
Puisque nous parlons d’actes juridiques, nous devons nous demander en premier lieu ce qu’est un acte juridique, en nous plaçant toujours dans le contexte ecclésial. De manière simple, nous pouvons définir un acte juridique comme la manifestation socialement reconnaissable d’une décision acceptée par les normes du droit objectif (qu’il soit, dans ce cas, divin ou purement ecclésiastique) comme source de création, de modification ou d’extinction des relations juridiques. Sur la base de cette définition, il est possible de décomposer l’acte juridique en ses éléments internes (éléments essentiels, constitutifs, structurels ou définitoires), c’est-à-dire ceux qui constituent sa nature même, qui font partie de sa définition ou de sa conceptualisation, de sorte que, en l’absence de l’un d’entre eux, il ne serait même pas possible de parler proprement d’un "acte juridique". Ainsi, pour qu’il existe un acte juridique (de manière générale), il faut qu’il y ait un ou plusieurs sujets (la singularité ou la pluralité dépendra du type d’acte juridique en question dans chaque cas), un objet (les "biens juridiques" ou situations en fonction desquels les sujets prennent leurs décisions, et le contenu même de la décision prise), une volonté ou consentement (l’acquiescement que les sujets accordent à la décision) et une forme (un moyen d’expression sociale du consentement, qui peut être déterminé impérativement par une loi objective –dans les actes juridiques solennels– ou laissé au choix des sujets –dans le cas des actes juridiques de forme libre–).
Posons maintenant quelques questions (purement rhétoriques) qui nous aideront à mieux comprendre la nature essentielle des exigences ou des éléments susmentionnés. Pouvons-nous imaginer un acte juridique (contrat) d’achat-vente conclu par un seul sujet? Ou une vente dans laquelle les sujets ne désignent pas de manière claire et déterminée la chose qui devra être transférée par le vendeur ? Ou un (contrat/sacrement de) mariage dans lequel les parties contractantes restent inertes et n’expriment aucune volonté positive lorsqu’on leur demande "acceptez-vous?" ? Aucun acte juridique ne pourrait naître dans chacun des trois cas: il s’agirait, en d’autres termes, d’actes juridiques inexistants en raison de l’absence d’un élément interne ou essentiel (sujets, objet, consentement, respectivement).
Or, il existe un autre ensemble d’exigences ou d’éléments, non plus internes (essentiels, constitutifs etc.) mais externes, lesquels sont nécessaires, non pour que l’acte juridique surgisse (prenne existence), mais pour qu’il soit jugé conforme ou harmonieux avec les exigences positives (contingentes) d’un système juridique donné (qu’il soit canonique, par exemple, ou celui d’un État national), de telle sorte que ses effets ne puissent jamais être "annihilés" par les autorités compétentes ou, contrario sensu, soient toujours reconnus/validés/protégés par celles-ci. Ces exigences comprennent : la capacité des sujets de l’acte (liée à des qualités telles que l’expérience, la maturité, la responsabilité, le discernement, les capacités de communication etc.), la licéité de l’objet (la licéité ou l’illicéité est généralement associée à des considérations morales), la liberté du consentement (il est généralement exigé que celui-ci ne soit pas vicié par l’erreur, la violence ou le dol) et l’accomplissement plein de la forme (dans le cas des actes solennels, la formalité imposée par la loi doit être respectée ponctuellement).
La différence conceptuelle entre l’un et l’autre ensemble d’éléments ou de pré-requis est évidente: un achat-vente signé par une seule partie est-il comparable à une achat-vente signé par deux parties, dont l’une est un aliéné? Ou encore, deux achats-ventes sont-ils comparables, lorsque le premier est dépourvu d’objet (chose à transférer) déterminé, et le second a pour objet une arme nucléaire dont la circulation est interdite par l’ordre juridique applicable ? Ou enfin, un mariage dans lequel les parties contractantes s’abstiennent totalement de répondre à la question "acceptez-vous ?", et un autre dans lequel les époux ont été contraints ou forcés de dire "oui, j’accepte"?
En termes purement théoriques, il est évident que les premiers cas de chacune des questions proposées rendent compte d’actes juridiques inexistants; dans les seconds cas, en revanche, la qualification de la sanction juridique applicable n’est pas aussi claire: nullité, invalidité, nullité/invalidité, rescision ?
Des problèmes terminologiques se posent, non seulement parce que chaque système juridique offre des solutions différentes en cas d’absence d’un des éléments externes de l’acte, mais aussi parce qu’il n’est pas rare de trouver des imprécisions/ambiguïtés/incohérences au sein d’un même système juridique – dans la mesure où, par exemple, la disposition normative des exigences internes et externes de l’acte n’est pas toujours exposée de manière discriminée et ordonnée –, ce qui provoque à son tour un certain chaos dans le langage doctrinal. Ainsi, nous voyons comment le canon 124 § 1 du CDC ne définit pas l’acte juridique ni ne catégorise expressément ses multiples exigences ou éléments – il ne fait que les énumérer indistinctement –, laissant ainsi la tâche de théorisation/systématisation à la doctrine. En effet, regardons le libellé du canon susmentionné, ainsi que le commentaire doctrinal en marge:
"Pour qu’un acte juridique soit valide, il est requis qu’il soit posé par une personne capable, qu’il réunisse les éléments constitutifs qui lui sont essentiels et que soient respectées les formalités et les exigences imposées par le droit pour sa validité”.
Ce canon ne définit pas l’acte juridique lui-même, mais se réfère à ses présupposés et aux éléments requis pour son existence et sa validité. Le présupposé de l’acte juridique est l’aptitude ou la capacité. Parmi les pré-requis, on distingue ceux qui appartiennent à l’essence ou à la nature de l’acte et qui sont ses éléments constitutifs, et ceux qui sont requis par le droit positif pour sa validité. Si les éléments constitutifs ou essentiels font défaut, l’acte est invalide car il manque d’existence (acte inexistant). Ainsi, en tant qu’acte humain, l’acte juridique doit être libre (avec l’exercice de l’intelligence et de la volonté) et doit avoir un objet adéquat (que la doctrine juridique appelle cause, et qui est le résultat social visé); en l’absence de volonté ou d’objet essentiel, l’acte serait inexistant. En outre, le droit positif peut exiger d’autres formalités (forme) et conditions qui n’affectent pas l’existence de l’acte, mais sans leur présence, l’acte serait nul ipso iure (invalidité), ou du moins il pourrait être annulé par une décision de justice (rescision).
Ces exigences du droit positif peuvent également affecter les présupposés de la capacité, puisque pour l’existence de la capacité, le droit naturel n’exige que la discrétion nécessaire du jugement, selon l’objet et la nature de l’acte”.
Indépendamment de tout jugement de type terminologique éventuel sur les paragraphes transcrits, ce qui est certain, c’est qu’ils rendent compte de deux situations indiscutablement différentes : d’une part, l’ "invalidité pour inexistence", lorsque "les éléments constitutifs ou essentiels" de l’acte font défaut, c’est-à-dire "en l'absence de la volonté [humaine, qui suppose l’intervention d’un ou plusieurs sujets] ou de l’objet essentiel", et d’autre part, l’invalidité ou la nullité ipso iure, ou la rescision, en raison de l’absence des éléments "requis par le droit positif... qui n’affectent pas l’existence de l’acte”, c’est-à-dire en raison de l’absence des éléments extérieurs.
De ce qui précède, nous pouvons donc conclure qu’il y a certains pré-requis ou éléments qui, par la nature même des choses (ex natura rei), avant et indépendamment de toute disposition légale spécifique, doivent nécessairement être présents pour que tout acte juridique en général (ou un type particulier d’acte juridique) existe.
Mais... à quoi nous sert cette conclusion, au regard de la question papale qui nous occupe?
Pour sortir rapidement de la supercherie...
La fausse analogie
Revenons aux hypothèses proposées par M. Grant, se référant, respectivement, à une éventuelle "crainte grave injustement infligée" dans la "renonciation" de BXVI, et à un contrat/sacrement de mariage nul en raison d’un quelconque empêchement – circonstances que, comme l’a conclu notre auteur, seulement à partir de leur éventuelle déclaration formelle au moyen d’une sentence de nullité de l’acte respectif, émise par "l’autorité ecclésiastique compétente", détermineraient la rupture officielle de la présomption de validité et acquerraient ainsi une force contraignante et une certitude morale pour les parties intéressées –.
Si nous avons appris quelque chose dans la section précédente de ce document, nous pouvons voir que dans les deux hypothèses, il est supposé – bien que sans les détails techniques du cas – que les éléments internes de l’acte sont satisfaits, mais pas les éléments externes: dans la première, il manquerait la liberté du consentement du "renonçant", et dans la seconde, l’absence d’empêchement des parties contractantes.
Mais... attention ! C’est ici que se trouve le quid de notre dissertation:
Comme on s’en souvient, dans notre livre (Benedicto XVI: ¿Papa “Emérito”?) nous avons soutenu – et démontré – avec insistance et à plusieurs reprises que la "renonciation" de BXVI était nulle/inexistante, non pas par manque d’une exigence ou d’un élément externe de l’acte –comme le serait précisément le manque de liberté du consentement du Pape, dû, par exemple, à une "erreur substantielle" ou à une "crainte grave injustement infligée" – mais par (rien moins que) défaut de son objet – qui est, comme nous l’avons vu, un élément interne. Il ne faut pas oublier que dans ce travail nous avons établi que l’objet de la "renonciation" de S.S. BXVI (exprimée dans sa célèbre Declaratio) n’a jamais correspondu à la charge/à l’office (munus) de Pontife Romain –dimension de titularité, de positionnement juridique dans la structure ecclésiastique – mais, au contraire, à l’exercice de certaines fonctions (ministerium) qui lui sont associées – dimension pratique ou de service –, de sorte que, puisque la charge / l'office ecclésiastique de Pape n’en était pas l’objet, l’inexistence d’un prétendu acte juridique de renonciation au pontificat s’ensuit nécessairement – une inexistence qui, selon les démonstrations ultérieures de notre travail, a été délibérément "conçue" par le Pape, qui souhaitait se retirer seulement de facto du gouvernement du Vatican, laissant toutefois derrière lui une apparence de renonciation légale –. Il ne faut pas non plus oublier, enfin, que nous avons expressément déclaré notre rejet de la thèse selon laquelle la renonciation de BXVI était nulle en raison du vice du consentement d’"erreur substantielle" –dans notre document Adversus Fallacies nous expliquons les raisons d’un tel rejet – et avons précisé que, faute d’un authentique acte de renonciation au pontificat de la part de BXVI, le principe de défaut d’objet nous empêche de considérer la présence ou l’absence de liberté dans le consentement de l’auteur d'un tel acte (puisqu’il est inexistant) – pour celte raison, en conséquence, nous avons procédé à l’examen de la question de savoir si le Pape avait agi librement ou non lors de son départ de facto du Vatican, et face à cette considération nous avons fini par conclure par l’affirmative –.
Cela signifie que notre démonstration canonique de la nullité/inexistence de la "renonciation" de BXVI au pontificat, fondée sur l’absence d’objet – un élément interne de l’acte – n’a rien à voir avec les hypothèses proposées par Grant, fondées sur l’absence de libre consentement du Pape démissionnaire, en raison d’une "crainte grave injustement infligée", et sur la présence d’un certain empêchement chez les époux – éléments externes de l’acte –, et précisément pour cette raison elle n’est pas soumise à la conclusion que l’article susmentionné détermine pour celle-ci, c’est-à-dire l’applicabilité de la présomption de validité de l’acte juridique, qui ne peut être détruite que par une sentence de nullité émise par une "autorité compétente". Celui qui, partant analogiquement du raisonnement de Grant, voudrait faire taire notre démonstration canonique à la lumière de cette présomption de validité, tomberait inévitablement dans le sophisme de la fausse analogie (voir appendice, figure 3).
Allons un peu plus loin : et si, au lieu d’un consentement éventuellement vicié (par la crainte) dans la "renonciation" de Benoît, Grant aurait fait référence à une (hypothétique) absence absolue de consentement (due, par exemple, à une usurpation de l’identité du Pape, tant dans la signature de la Declaratio que dans la communication publique de son contenu) ? Ou si, au lieu d’un empêchement chez l’un des conjoints, il aurait fait référence à un cas où les parties contractantes soient, non pas un homme et une femme, mais, pour le moins, un homme et un cheval, un homme et un homme, une femme et une femme, ou deux femmes et un homme, ou un chien et trois chats etc.? La présomption de validité s’appliquerait-elle face à ces hypothèses, qui reflètent une inexistence évidente de l’acte juridique en raison de la faute de ses éléments internes – tels que, respectivement, le consentement et les sujets? Et ensuite, étant donné que, dans le cas de l’acte (apparent) de renonciation au pontificat attribué "officiellement" à BXVI, nous avons démontré l'inexistence, à cause de la faute d’objet – élément interne de l’acte –, appliquerions-nous une telle présomption? Bien sûr que non !
Les exemples et les raisonnements considérés jusqu’à présent nous permettent d’avoir l’intuition de cette règle : la présomption en question s’applique exclusivement aux actes qui, bien que dépourvus de certains éléments externes, répondent pleinement aux exigences internes – nécessaires à l’existence soit de tous les actes juridiques en général, soit de certains types d’actes en particulier –.
Maintenant, en vue de dépasser les intuitions, nous demanderons: existe-t-il, en droit canonique, une disposition spécifique qui reprenne et soutienne le raisonnement et les exemples que nous avons développés? Et à cela, nous répondons volontiers: oui, il y en a une !, et il ne s’agit de rien d’autre que le canon 124 susmentionné, cette fois au § 2, dont nous allons parler dans un instant.
La pièce manquante: le canon 124 § 2 et l’inexistence ex natura rei
Ayant des yeux, ne voyez-vous pas?
La règle citée, et son commentaire respectif, sont les suivants (l’accentuation et le soulignement sont ajoutés):
" Un acte juridique régulièrement posé quant à ses éléments extérieurs est présumé valide ".
" Le § 2 de ce canon établit une présomption de validité en faveur de l’apparence extérieure des actes juridiques. Il s’agit d’une présomption réfragable iuris tantum qui ne peut être invoquée s’il est prouvé que les éléments constitutifs essentiels de l’acte font défaut".
En effet, il ne pourrait en être autrement. Jamais on ne pourra considérer comme valide ce qui naturellement (ex natura rei, par la nature même des choses, par le principe même de réalité) N’EST PAS.
Revenons à la situation de l’homme qui "se marie" avec son cheval (malheureusement, à notre époque, il ne serait pas impossible que cela se produise, ni que le temple, les témoins, le prêtre – même un prêtre "catholique" – et le rite interviennent dans cette affaire). Si l’homme en question revenait à la raison et décidait de contracter un mariage catholique avec une femme, quelqu’un de sensé exigerait-il, sur la base du canon 1085 du CDC, qu’il obtienne au préalable une déclaration officielle de nullité de son "union équine"? Et si l'"union" précédente était homme-homme? Inexistence ex natura rei: par définition, il n’y a pas de "mariage" s’il n’est pas acté entre deux sujets de sexe différent.
Revenons à notre propos : si nous avons démontré que BXVI ne s’est jamais référé à sa "renonciation" à sa charge/ son office ecclésiastique de pape, pourquoi certains exigent-ils de nous, pour considérer comme légitime notre adhésion à lui comme pape, une déclaration officielle de la nullité de l’acte ? À cette demande, nous répondons par l’inexistence ex natura rei : par définition, il ne peut y avoir d’acte de renonciation au pontificat qui n’ait pour objet le pontificat. Il s’agit d’un simple exercice de conceptualisation, issu de la raison naturelle, et qui ne nécessite aucun appareil juridique-institutionnel.
Par conséquent, IL EST FAUX qu’en l’absence d’une sentence contraire émise par une "autorité compétente" nous devions reconnaître François comme actuel Vicaire du Christ : ayant démontré –comme c’est le cas – l’inexistence naturelle de la "renonciation" de BXVI pour défaut d’objet, ni celle-ci, ni l'"élection" subséquente du Cardinal Bergoglio ne jouissent d’une quelconque présomption de validité. Benoît est toujours le Pape, natura nous autorise à le proclamer, et cela suffit.
Ayant des yeux, ne voyez-vous pas?
***
NOTES
1 En plus de l’original en espagnol (https://mybook.to/BenedictoTP), le livre est disponible en trois autres langues : le portugais (https://mybook.to/BentoTP), l’anglais (https://mybook.to/BenedictTP) et l’italien (https://mybook.to/BenedettoTP).
2 Cfr. https://www.lifesitenews.com/news/did-benedict-really-resign-gaenswein-burke-and-brandmueller-weigh-in/; https://romalocutaest.com/2021/04/10/being-wrong-the-ontology-of-the-bip-argument/; https://onepeterfive.com/benevacantists/; https://youtu.be/00v9WHmwxpY; https://www.youtube.com/watch?v=GiC0EcRXEzI&t=3s.
3 Cfr. “Adversus Fallacies: Une réplique en défense du livre Benedicto XVI: ¿Papa “Emérito”?”: https://katejon.com.br/wordpress/?p=2167#.YT_JW1VKjIU (espagnol); https://katejon.com.br/wordpress/?p=2179#.YT_JeVVKjIU (portugais); https://katejon.com.br/wordpress/?p=2175#.YT_JdFVKjIU (anglais).
4 https://onepeterfive.com/benevacantists/.
6 Cfr. TORRES-DULCE LIFANTE, Miguel Ángel. La subsanación de la nulidad procesal canónica. Dans: Cuadernos Doctorales, Vol. 6 (1988); pp. 519-577. [consulté 13 sep. 2021] Disponible sur: https://core.ac.uk/download/pdf/83562427.pdf.
7 Laquelle, comme on le sait, constitue une source auxiliaire ou subsidiaire du droit canonique (canon 19 du CDC).
8 Cfr., tant pour celui-ci que pour les futurs canons en reference: CÓDIGO DE DERECHO CANÓNICO. 6ª ed. Pamplona: Ediciones Universidad de Navarra S.A., 2001.
9 Ibídem, commentaire du Dr. Eduardo Molano, Professeur Ordinaire de Droit Constitutionnel Canonique, Faculté de Droit Canonique de l’Université de Navarre.
10 Pour finaliser le présent article, nous incluons comme appendice l’illustration graphique de ce qui précède.
11 §1. Attente invalidement mariage la personne qui est tenue par le lien du mariage antérieur, même non consommé.
§2. Même si un premier mariage est invalide ou dissous pour n’importe quelle cause, il n’est pas permis d’en contracter un autre avant que la nullité ou la dissolution du premier mariage ne soit établie légitimement et avec certitude.
***
APPENDICE
Tableau 1
DEFAUT D’ELEMENTS INTERNES A L‘ACTE (INEXISTENCE) |
Motifs |
Hypothèses factuelles |
Applicabilité de la présomption de validité |
Défaut de (des) sujet(s) |
* Donation en faveur d’un cheval * Contrat d’achat-vente par un seul intervenant * Mariage entre deux mâles |
Non |
Défaut d’objet |
* Dans un contrat d’achat-vente, absence de determination (claire et précise) de la chose à transférer. * Dans une “ renonciation à un office ecclésiastique”, défaut de signalement de l’office-même en tant qu’objet (clair et sans équívoque) de l’acte. |
Non |
Défaut de consentement |
Dans un mariage, absence absolue de réponse de la part des contractants à la question “acceptez-vous?” |
Non |
Tableau 2
DEFAUT D’ELEMENTS EXTERNES A L’ACTE |
Motifs |
Hypothèses factuelles |
Applicabilité de la présomption de validité |
Sujets empêchés |
* Dans le mariage, l’un des contractants a été ordonné prêtre. |
Oui |
Objet ilícite |
Achat-vente d’un objet dont la circulation est interdite. |
Oui |
Consentement vicié (par erreur, crainte ou dol) |
Lors d’un mariage, l’un des époux “accepte” sous la pression infligée par des délinquants. |
Oui |
Tableau 3
FAUSSE ANALOGIE |
Hypothèse # 1 |
Hypothèse # 2 |
Conséquence juridique (illogiquement) appliquée également aux deux types de scénarios (indûment assimilés) |
Acte de "renonciation à la charge / à l’office de Pontife Romain" dans lequel la charge / l’office de Pontife Romain manque en tant qu’objet (exigence interne) |
* Consentement vicié par la peur –ou l’erreur– dans l’acte de renonciation au pontificat. * Existence d’empêchements matrimoniaux. |
Applicabilité de la présomption de validité des actes juridiques |