C'est Augustin, nous l'avons vu, qui trouva une solution à cette difficulté. Il découvrit que Jean avait donné une nouvelle interprétation du terme Pâque: celle du passage du Christ "de ce monde au Père" (Jn 13, 1). Sur cette base, il pouvait étendre le concept de Pâque jusqu'à lui faire embrasser également la résurrection du Christ, et formuler le mystère pascal comme un mystère de Passion et de résurrection tout ensemble, de vie et de mort; plus précisément, de passage de la mort à la vie. "A travers sa passion, le Seigneur est passé de la mort à la vie, nous ouvrant la voie, à nous qui croyons en sa résurrection, pour passer nous aussi de la mort à la vie."7 "Passion et résurrection du Seigneur: voilà la véritable Pâque", s'exclame encore saint Augustin8. Augustin fait même plus: sur le plan de la foi, il met la résurrection du Christ au-dessus même de sa mort; il écrit: "La foi des chrétiens, c'est la résurrection du Christ."10
Mort er Résurrection, ensemble, costituent donc désormais le mystère pascal. Mais non comme deux réalités ou deux moments juxtaposés, qui se contrebalaceraient ou simplement se succéderaient. Plutôt comme un mouvement, un passage de l'un à l'autre. Quelque chose de dynamique, qui indique le dynamisme profond de la rédemption: nous faire passer de la mort à la vie, de la douleur à la joie. Plus qu'un fait, la Pâque est un "devenir", un mouvement qu'on ne peut arrêter et qui ne s'accomplit que dans la Résurrection. Une Pâque de Passion sans résurrection serait une question sans réponse, une nuit qui ne finirait pas dans l'aube d'un jour nouveau. Ce serait la fin, non le début de tout.
7. St Augustin, Enarr. Ps. 120, 6; CCL. 40, p. 1791.
8. St Augustin, Catec. Rud. 23, 41, 3; PL 40, 340.
9. St Augustin, Sermo Denis 7; Miscellanea Agostiiana I, p. 32.