Nous pouvons suivre quelque chose de l’évolution de la relation entre Simon et Jésus par les différents titres que Pierre et les autres disciples lui donnent. Très tôt dans les Évangiles apparaît
leur grand respect, voire même leur révérence, quand ils appellent Jésus Kyrie, qui est traduit par Seigneur. Aujourd’hui on dirait : le numéro un. Ce titre résume leur jugement de cet homme,
l’autorité de sa personne, leur confiance qu’ils peuvent quitter ce qui est familier pour l’inconnu, ce qui est sûr pour l’incertitude.
Très vite nous rencontrons un autre titre pour désigner Jésus. Rabbi, (professeur) un titre utilisé parcimonieusement du temps de Simon, et qui devient un titre préféré pour s’adresser à Jésus.
Il montre que les disciples commencent à être conquis par l’autorité de la sagesse et de l’intelligence de Jésus.
La relation Jésus-Pierre aurait pu en rester à ce niveau, avec Jésus, le professeur, et Simon, le disciple. Simon aurait pu honorer son rabbi en allant raconter partout en Israël les lumières
reçues au pieds de Jésus. Simon, qui commençait à apprécier la puissance des vérités enseignées par Jésus, aurait pu en rester à une foi en sa sagesse, une foi basée sur la vérité de ce qu’il
disait plutôt que sur sa personne.
Mais Simon, heureusement, n’en est pas resté là. Son désir n’était pas satisfait simplement par des leçons, et il en était conscient. Ce quelque chose de plus est suggéré par un titre qui apparaît bientôt chez les Synoptiques : Maître, qui indique une découverte par les disciples de la personne de Jésus. Ce n’est pas un titre qui dénote la servilité mais le respect. Les disciples étaient témoins du pouvoir de Jésus sur les vents, la mer, et sur le mal. Ces éléments étaient soumis à sa volonté. Simon a pu vérifier cela, non seulement chez sa belle-mère guérie par Jésus, mais il a vu aussi le Maître guérir le paralytique, l’aveugle, le sourd et le possédé.
Ce qui a commencé par le besoin du disciple d’apprendre, s’est développé en une complète soumission de Simon, non seulement aux vérités religieuses enseignées par Jésus, mais à la vérité de la
vie de Jésus. Quand beaucoup de ceux qui le suivaient, l’ont abandonné, quand ils ont entendu Jésus leur dire que son corps et son sang seraient la nourriture dont ils auraient besoin pour le
suivre jusqu’au bout, Jésus demandait aux Douze : « Et vous, vous voulez me quitter aussi ? » (Jn 6, 67). Simon confesse alors son attachement en demandant : « À qui irions-nous ?
Tu as les paroles de la vie éternelle ! »
D’étape en étape, Simon a progressé de l’admiration pour le personnage du Nazaréen à l’admiration de sa sagesse, au respect du pouvoir qui émanait de lui, à la faim pour sa Parole de vie. Chaque
étape montre une croissance dans la relation avec Jésus. Mais aussi, chaque étape laisse ouverte, simplement provoque la question : Qui est cet homme, Jésus ?
Beaucoup avaient connu connaître la réponse. Les habitants de Nazareth surtout, se basant sur leur familiarité avec la parenté de Jésus, pour certifier qu’il était seulement le fils du
charpentier Joseph, et de son épouse Marie. Peut-être ressemblent-ils à tous ces chrétiens qui se basent sur le catéchisme de leur enfance pour penser qu’ils connaissent bien Jésus et qu’il n’y a
pas besoin de chercher plus loin. D’autres encore, aujourd’hui comme hier se contentent de l’enquête faite pas d’autres, de préférence des professionnels compétents. Ils faisaient reposer leur
foi ou leur incrédulité sur les conclusions de quelqu’un d’autre. Et enfin il y avait ceux qui revêtaient Jésus de l’identité d’un autre : C’est un prophète, Jérémie ; c’est un saint homme, Élie
; ou une conscience coupable : Jean le Baptiste.
« Mais vous, qui dites-vous que je suis ? » demandait Jésus ? Pierre, toujours devançant les autres, répondait : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant » (Mt 16, 16). Tu es
l’Oint de Dieu, celui que nous attendions depuis des siècles. Je confesse ma foi que tu es le Messie.
La réaction de Jésus à la découverte de Pierre est très significative. Il ne lui fait pas un compliment pour son analyse ou pour sa capacité d’observation. Car il sait que Simon vient de recevoir
une grâce, indépendamment de ses mérites ou de ses efforts. « Ce n’est pas la chair ou le sang qui t’ont révélé cela mais mon Père qui est au cieux » (Mt 16, 17). Conséquence :
« Simon, fils de >Jean, tu es un homme heureux. » Pourquoi ? Car cette connaissance ne provient pas de ton intelligence, ce n’est pas une connaissance qui restera simplement
intellectuelle. « Oui, telle est la volonté de mon Père, que quiconque voit le Fils (‘voir’ le Fils, c’est discerner et reconnaître qu’il est réellement le Fils envoyé par le Père) et croit
en lui ait la vie éternelle et je le ressusciterai au dernier jour » (Jn 6, 40).