ROME, le 21 juin 2010 – Le fait n’a guère été remarqué. Mais la plupart des quelque 10 000 fidèles - presque la totalité des catholiques de Chypre - qui ont assisté à la messe célébrée par Benoît
XVI à Nicosie le dimanche 6 juin, n’étaient pas chypriotes, mais asiatiques, africains ou latino-américains.
Le pape lui-même a adressé, dans son homélie, un salut particulier aux immigrés provenant des Philippines et du Sri Lanka.
Ceux-ci constituent en effet, avec ceux qui viennent de l’Inde, la moitié des quelque 30 000 immigrés présents dans l’île, ce dernier chiffre passant à 60 000 si l’on y inclut les
clandestins.
Bon nombre d’entre eux sont catholiques. Ils remplissent les petites églises. Ils font baptiser leurs enfants. Ils sont le visage nouveau et moins connu de la présence de l’Église non seulement à
Chypre mais dans d’autres parties de la Terre Sainte et du Moyen-Orient.
Chypre, qui fait partie de l'Union Européenne, est l’une des destinations préférées des immigrés. Une fois qu’ils sont arrivés en Turquie, ils débarquent sans difficultés au nord de l’île, dans
la partie qui est sous occupation turque. Et de là ils franchissent facilement la frontière pour entrer en république gréco-chypriote qui constitue pour beaucoup d’entre eux une étape vers
d’autres pays d’Europe.
Lorsque l’on examine l’ensemble de la région, on se rend compte qu’au moment où le pape convoque un synode et lance des appels affligés pour que les chrétiens du Moyen-Orient – fils des anciennes
Églises de la région comprise entre la Méditerranée et le Golfe Persique – n’abandonnent pas leurs terres sous la pression d’un islam hostile, comme ils le font en nombre croissant, d’autres
catholiques provenant de pays lointains arrivent en grand nombre dans cette même région.
Ce flux migratoire est tellement puissant que, bien souvent, les nouveaux venus sont plus nombreux que les chrétiens locaux. Cependant, contrairement à ce que l’on aurait pu penser, le document
de travail du synode des évêques pour le Moyen-Orient convoqué à Rome pour le mois d’octobre ne consacre à ce phénomène que des mentions rapides, aux paragraphes 49 et 50.
La Turquie est un cas particulier, mais lui aussi éclairant. Dans ce pays, la présence chrétienne a été presque anéantie au cours du siècle dernier. La survie des toutes petites communautés
catholiques a été assurée par des prêtres et des évêques provenant eux aussi, pour la plupart, de pays étrangers et en particulier d’Italie. C’est ce que démontrent les noms des plus récents
martyrs : du prêtre Andrea Santoro à l’évêque Luigi Padovese, ce dernier ayant été assassiné précisément à la veille du voyage du pape à Chypre.
Lorsqu’il a pris la succession de Padovese, l’évêque de Smyrne et d'Anatolie, Ruggero Franceschini, a demandé à ce que d’autres prêtres et volontaires quittent l’Italie pour venir en "mission" en
Turquie, afin que la présence catholique dans ce pays soit maintenue vivante.
Mais, en ce qui concerne le phénomène plus général de la nouvelle immigration chrétienne au Moyen-Orient, ce qui est le plus frappant, c’est qu’elle se concentre précisément là où est né l'islam
: en Arabie Saoudite, où les catholiques atteignent désormais les 2 millions, et dans les pays du Golfe.
À propos de la péninsule arabique, on peut lire ci-dessous une analyse tout à fait à jour de ce paysage religieux qui a changé. Son auteur est l’un des meilleurs experts en ce domaine : Giuseppe
Caffulli, directeur des revues et du site web de la Custodie de Terre Sainte, auteur de "Fratelli dimenticati. Viaggio tra i cristiani del Medio Oriente [Frères oubliés. Voyage chez les chrétiens
du Moyen-Orient]", Éditions Àncora, Milan, 2007.
Cette analyse a été publiée dans le dernier numéro de "Vita e Pensiero", la revue de l'Université Catholique du Sacré-Cœur.
PÉNINSULE ARABIQUE. LES CHRÉTIENS À VALISE
par Giuseppe Caffulli
Paradoxes de notre temps. Depuis près de trois décennies, la terre qui donné naissance à l’islam et à son Prophète est en tête du classement des régions du monde où la présence du christianisme connaît le plus fort accroissement. Cependant il ne s’agit pas d’une augmentation liée à des conversions : dans cette région, la possibilité d’embrasser la foi chrétienne continue à être illégale. Cet accroissement trouve son origine dans un impressionnant flux migratoire qui concerne tous les pays du Golfe.
On estime qu’il y a en Arabie Saoudite plus de 8 millions d’immigrés sur une population de 27,5 millions d’habitants. Si l’on étudie les Émirats Arabes Unis (EAU) - une fédération de sept émirats : Abou Dabi, Ajman, Doubaï, Fujaïrah, Ras el-Khaïmah, Charjah et Oumm al-Qaïwaïn, situés au milieu de la côte orientale de la péninsule arabique - les chiffres sont encore plus impressionnants : sur un total de quelque 6 millions d’habitants, la population d’origine locale ne représente pas plus de 12-14 %.
Parmi ces immigrés, qui proviennent surtout d’Extrême-Orient, on trouve des chrétiens qui représentent la totalité du spectre confessionnel. En termes numériques, les catholiques constituent aujourd’hui la majorité des chrétiens présents dans les pays de la péninsule arabique.
L’immigration en Arabie Saoudite et dans les pays du Golfe (en plus de l’Arabie et des Émirats, le phénomène concerne également Bahreïn, Oman et le Qatar) a commencé avec le boom pétrolier. À partir des années 60, la demande toujours croissante de pétrole brut et la nécessité d’exploiter de manière de plus en plus massive les puits de pétrole rendent nécessaire l’emploi de main d’œuvre provenant de l’étranger. Les premiers travailleurs étrangers employés dans ce nouveau miracle économique provenaient principalement du tout proche Yémen, pays qui est encore aujourd’hui, avec ses 23 millions d’habitants, le vrai géant démographique de la région.
LE YÉMEN, UN CAS PARTICULIER
Jusqu’aux années 80, le nombre de travailleurs yéménites en Arabie Saoudite dépasse probablement le million. Les envois d’argent de ces immigrés constituent une part importante des ressources de l’état yéménite. Avec la première guerre du Golfe, la situation change radicalement. Le gouvernement yéménite prend parti pour Saddam Hussein (qui envahit le Koweït) : à l’improviste, Riyad et Sanaa se retrouvent ennemis. Au moins 800 000 travailleurs yéménites sont expulsés en 1991 parce qu’ils sont considérés comme une menace pour la sécurité nationale. À partir de ce moment-là, aucun travailleur yéménite ne peut plus obtenir un permis de travail en Arabie Saoudite. Pleins d’amertume et sans travail, les travailleurs yéménites expulsés deviennent les victimes d’une autre politique saoudite : l’exportation de la doctrine islamique sunnite wahhabite. La multiplication des écoles coraniques wahhabites au Yémen (voulues et financées justement par l’Arabie Saoudite) augmente également de manière significative l’engagement des jeunes yéménites dans les organisations djihadistes, avec des retombées néfastes sur le phénomène du terrorisme international d’origine islamique. Un tiers des détenus de la base américaine de Guantanamo est yéménite. La famille d’Oussama Ben Laden, le chef d’Al Qaida, est également yéménite.
Avec l’expulsion des travailleurs yéménites, d’énormes brèches s’ouvrent dans le système économique de l’Arabie Saoudite (et par voie de conséquence dans les pays du Golfe, qui ont également pris des positions pro-occidentales en matière de politique étrangère). À partir du début des années 90, pour garantir le niveau de production de pétrole brut (le pétrole représente encore aujourd’hui 88% des recettes de l’État et 90% des exportations), le gouvernement de Riyad se voit contraint de favoriser l’immigration d’un nombre toujours croissant de travailleurs étrangers provenant des pays d’Extrême-Orient et en particulier de l’Inde, des Philippines et du Pakistan.
L’accélération de l’économie des pays du Golfe (le PIB des Émirats a connu en 2008 une croissance de 6,8% ; celui de l’Arabie Saoudite a progressé de 4,2%), la planification de grandes infrastructures et une croissance impressionnante du secteur immobilier, font de la péninsule arabique l’une des zones où l’immigration est la plus forte au niveau planétaire.
LE PLUS GRAND VICARIAT DU MONDE
La péninsule arabique est placée sous la juridiction du vicariat d’Arabie, la plus grande circonscription ecclésiastique du monde : six pays qui s’étendent sur plus de 3 millions de kilomètres carrés (Arabie Saoudite, Bahreïn, Émirats Arabes Unis, Oman, Qatar et Yémen) et dont la population dépasse les 60 millions d’habitants. Le vicariat d’Arabie, dirigé depuis 2005 par Paul Hinder, un capucin suisse qui a succédé à son confrère italien Bernardo Gremoli, a largement dépassé les cent années d’existence (la création du siège d’Aden remonte à 1888).
Le siège actuel se trouve à Abou Dabi, moderne capitale des Émirats, et peut compter sur 61 prêtres et une centaine de religieuses appartenant à six congrégations différentes. En plus du service pastoral direct, l’Église gère huit écoles (pour un total de 16 000 élèves, dont 60% sont musulmans), des orphelinats et des maisons pour handicapés. Il y a encore quelques décennies, le vicariat d’Arabie s’occupait principalement du service pastoral de quelques milliers d’étrangers travaillant dans la péninsule : personnel des ambassades, employés et dirigeants d’entreprises étrangères.
Avec l’arrivée des travailleurs étrangers, à partir des années 90, tout a changé. Il n’existe pas de chiffres officiels, mais les estimations du vicariat d’Abou Dabi (sur la base des indications fournies par les ambassades) donnent, rien que pour le territoire de l’Arabie Saoudite, un chiffre d’environ 1,4 million de Philippins, dont 85% sont catholiques. On ne connaît pas de manière précise le nombre d’Indiens. Mais il est probable que, dans le royaume saoudien, les catholiques soient à eux seuls près de 2 millions.
D’après les données les plus récentes, les Émirats Arabes Unis compteraient quelque six millions d’habitants, dont cinq millions seraient des travailleurs étrangers. Ces immigrés professent, dans leur grande majorité, la religion musulmane (environ 3,2 millions), mais les chrétiens seraient plus d’un million et demi, dont 580 000 catholiques. Beaucoup d’entre eux sont de langue arabe (plus de 100 000, dont 12 000 pour le seul émirat d’Abou Dabi) et proviennent du Liban, de Syrie, de Jordanie, de Palestine et d’Irak. Les catholiques de rite oriental se comptent par dizaines de milliers : maronites, melkites, arméniens, syriaques, syro-malabars, syro-malankars... Les célébrations se déroulent en anglais et en arabe, mais également en malayalam, en konkani, en tagalog, en français, en italien, en allemand, en cinghalais et en tamil.
À Bahreïn, on compte 65 000 catholiques sur une population d’environ un million d’habitants. A Oman, il y a 120 000 catholiques sur 3,2 millions d’habitants. Au Qatar, où la première église catholique a été consacrée en 2008, les catholiques sont 110 000 sur 1,2 million d’habitants. Il est difficile de donner des statistiques fiables sur la globalité du phénomène. D’après des sources journalistiques, il y aurait dans les Émirats Arabes Unis quelque 750 000 travailleurs originaires de l’Inde, 250 000 provenant du Pakistan et 500 000 du Bangladesh. Les Iraniens, les Afghans, les Malaisiens, les Indonésiens, les Chinois et les Japonais totalisent ensemble un million d’immigrés. Les Philippins seraient un demi-million. Ensemble, les Africains et les Sud-américains réuniraient un million et demi d’immigrés. Même pour les Églises chrétiennes qui sont présentes sur place, il n’est pas facile de fournir des données fiables en raison de la grande mobilité de la population catholique (certains travailleurs ont des permis de très courte durée). De plus beaucoup de catholiques travaillent dans des zones très éloignées de la paroisse ou de la communauté chrétienne, ou encore ils vivent dans des camps de travail qui réduisent leur liberté de mouvement.
LES CONDITIONS DE TRAVAIL
Les conditions de vie des travailleurs étrangers ne sont pas roses dans la péninsule arabique. En Arabie Saoudite, pays dont le régime est l’un plus répressifs du monde, les travailleurs chrétiens doivent tous les jours tenir compte – en plus de la crise économique qui a provoqué, ici aussi, une diminution du nombre d’emplois et du niveau des rémunérations – de la police religieuse (mutawwa), qui ne tolère pas les manifestations publiques de la foi. Une situation qui fait l’objet de constantes protestations de la part des organismes internationaux qui s’occupent des droits de l’homme et de la liberté religieuse. Il n’est pas rare que les chrétiens qui agissent pour maintenir vivante la foi des communautés chrétiennes soient arrêtés par la police sur la base d’accusations qui sont, la plupart du temps, fausses ou de mauvaise foi (voir le cas de Brian Savio O’Connor, un chrétien indien qui a été emprisonné en 2004 pour avoir été trouvé en possession de Bibles et de livres religieux).
Contrairement à ce qui se passe dans d’autres pays, les travailleurs étrangers qui se trouvent en Arabie Saoudite et dans les pays du Golfe ne cherchent pas à s’intégrer. Ils séjournent dans ces pays avec l’intention de retourner un jour chez eux ou d’émigrer une nouvelle fois, vers les USA, le Canada ou l’Australie. D’autre part une loi prévoit que le permis de séjour accordé aux travailleurs âgés de plus de 60 ans ne doit pas être renouvelé. La conséquence, c’est que l’Église d’Arabie ne possède pas de noyau stable. Aujourd’hui, elle est constituée de fidèles, en très grande majorité jeunes, qui, dans l’hypothèse la plus favorable, restent dans le pays cinq, dix ou au maximum vingt ans.
Par ailleurs il existe de graves situations de déséquilibre social. On trouve chez les chrétiens un petit nombre de riches et une grande masse de pauvres, qui ne bénéficient d’aucune sécurité sociale. Les travailleurs des couches les plus basses ne disposent que de faibles protections, même si les EAU ont signé avec le gouvernement de Manille, au début de novembre 2009, un protocole d’accord qui assure de plus importantes protections aux travailleurs philippins. Il existe également un véritable trafic de main d’œuvre, des organisations criminelles faisant venir clandestinement des travailleurs dans la région du Golfe. Et il y a aussi la traite des femmes, celles-ci provenant notamment des Philippines et d’Europe orientale et étant destinées à la prostitution. Beaucoup de celles qui viennent ont été attirées par la promesse mensongère d’obtenir un travail et elles se retrouvent réduites en esclavage. Celles qui s’enfuient trouvent souvent refuge auprès des organisations caritatives de l’Église catholique, qui offrent un service d’assistance psychologique et juridique à celles qui souhaitent retourner dans leur pays.
Mais la crise a également atteint la péninsule arabique, dont l’économie a connu un ralentissement généralisé. Alors que, pendant des années, l’inflation a tourné autour de 1%, l’Arabie Saoudite a enregistré en 2008 une envolée des prix qui a fait monter l’inflation jusqu’à plus de 11%. Le gouvernement de Riyad est en train de chercher à résoudre cette crise grâce à un projet de "saoudisation". L’objectif est de limiter, à l’avenir, l’arrivée de nouveaux immigrés (en favorisant également, dans les faits, l’expulsion de millions d’ouvriers présents illégalement dans le pays) pour les remplacer par du personnel local. Contraints par la crise, beaucoup de Saoudiens recommencent à effectuer certains travaux qu’ils considéraient, il y a encore peu de temps, comme indignes d’eux ou trop fatigants et qui étaient pour cette raison confiés à des travailleurs étrangers. Cette "saoudisation" a aussi un aspect religieux : il s’agit de limiter le plus possible l’arrivée d’immigrés musulmans chiites, le courant musulman qui s’oppose depuis toujours au courant sunnite majoritaire dans la péninsule arabique.
PEU OU PAS DE LIBERTÉ RELIGIEUSE
Cette question de la liberté religieuse est le point sensible en Arabie Saoudite. D’après le rapport annuel sur la liberté religieuse qui a été publié en 2009 par la Commission américaine sur la liberté religieuse internationale (USCIRF), l’Arabie Saoudite figure parmi les pays qui suscitent une "préoccupation particulière", au même titre que le Myanmar, la Chine, la Corée du Nord, l’Érythrée, l’Iran, l’Irak, le Nigéria, le Pakistan, le Soudan, le Turkménistan, l’Ouzbékistan et le Vietnam.
En ce qui concerne l’Arabie Saoudite, le rapport reconnaît que quelques réformes limitées et quelques ouvertures timides ont été réalisées dans le domaine du dialogue religieux. Cela n’empêche pas le gouvernement de continuer à interdire toute forme d’expression religieuse publique qui ne se conforme pas à la doctrine musulmane sunnite et ne respecte pas l’interprétation particulière de l’islam wahhabite. De plus la Commission accuse les autorités saoudiennes de soutenir, au niveau international, des groupes qui promeuvent "une idéologie extrémiste qui envisage, dans certains cas, des violences contre les non-musulmans et contre les musulmans d’observances différentes".
Dans les Émirats et dans les autres pays du Golfe, le panorama est quelque peu différent. On y trouve pour l’essentiel une situation de tolérance religieuse, même si c’est dans le cadre de règles bien définies. Les paroisses que le vicariat d’Arabie a créées dans ce secteur sont des témoignages de cette ouverture : une paroisse dans le royaume de Bahreïn, une au Qatar et sept dans les Émirats : pour être précis, deux à Abou Dabi, deux à Dubaï, une à Charjah, une à Fujaïrah et une à Ras al-Khaïmah. Il y a quatre paroisses dans le sultanat d’Oman, dont deux à Mascate. Il y a aussi quatre communautés au Yémen, un pays qui a réalisé des progrès mais où les blessures provoquées par les épisodes de violence contre des chrétiens sont encore ouvertes (il suffit de se rappeler l’assassinat de trois sœurs de Mère Teresa le 27 juillet 1998).
Dans l’ensemble, chaque émir est libre de faire la politique religieuse qui lui convient et les chrétiens sont amenés à vivre des situations différentes en fonction du contexte politique dans lequel ils évoluent. Ici la tolérance religieuse et la liberté de culte ne sont pas comparables à ce qui existe en Occident : tout est concentré dans les espaces accordés à la paroisse et il n’est pas permis d’exposer des symboles à l’extérieur ou d’exercer des activités publiques. Mais l’Église d’Arabie qui, par la bouche de son évêque, se définit comme "pèlerine", connaît dans les Émirats et dans les pays du Golfe une situation relativement privilégiée. Au contraire, en Arabie Saoudite, le service pastoral est pratiquement impossible. Les millions de fidèles qui se trouvent au-delà du rideau de fer de l’islam ne sont contactés que de temps en temps, de manière souvent rocambolesque, par un prêtre venu là incognito et qui assure la consécration du pain eucharistique qui sera ensuite distribué par des laïcs dans les différentes communautés.
DES COMMUNAUTÉS DISPERSÉES
Du point de vue pastoral, l’urgence principale de l’Église d’Arabie est liée au manque de structures. Il y a des paroisses qui comptent 40 000 fidèles, certaines vont jusqu’à 100 000. Souvent, il est impossible d’accueillir tous les fidèles qui désirent assister aux célébrations ou qui demandent un service pastoral. D’autre part il est difficile de se dépêtrer des intérêts et sensibilités des divers groupes ethniques – au moins 90 – sans provoquer de tensions et d’incompréhensions. Les prêtres sont peu nombreux et il est très difficile d’obtenir de nouveaux visas pour augmenter leur effectif. Il n’est pas facile non plus de trouver des prêtres adaptés aux missions dans cette région particulière : l’une des exigences fondamentales est qu’ils doivent parler plusieurs langues. De plus les fidèles vivent dispersés, loin des paroisses ; beaucoup d’entre eux travaillent dans des villages qui se trouvent en plein désert, ou bien sur des plates-formes pétrolières, dans des zones où il n’est absolument pas possible de les contacter. Pour la plupart, ils ne disposent pas de moyens de transport ou ne sont pas en mesure de payer leur billet ou n’obtiennent pas la permission de leurs employeurs respectifs. Paul Hinder fait souvent remarquer que l’une des questions cruciales est celle de la protection de ces fidèles contre la tentation de se laisser absorber par l’islam. Cela arrive effectivement : lorsque ceux qui sont musulmans trouvent des emplois meilleurs et mieux payés, la conversion devient pour beaucoup un moyen commode et facile de promotion sociale.
Quel sera le sort de ces travailleurs chrétiens dans les prochaines années ? Difficile à dire. Pour le moment, leur présence, en termes de nombre, dépend de la situation politique et économique que va connaître la région. Le monde dans lequel ils vivent est – on ne peut pas l’oublier – totalement axé sur l’islam. Au point que, dans l’état actuel des choses, il est difficile d’imaginer une ouverture en matière de droits de l’homme et de liberté religieuse, même si l’on ne peut ni taire ni nier le fait qu’une grande masse de travailleurs non musulmans vit dans la péninsule arabique. Et, tôt ou tard, il faudra bien que quelqu’un commence à tenir compte des exigences, pas seulement économiques, de ces chrétiens à valise.
La revue de l'Université Catholique du Sacré-Cœur qui a publié l'article de Giuseppe Caffulli dans le n° 1 de 2010 :
> Vita e Pensiero
Un précédent reportage sur l'immigration catholique à Dubaï et à Abou Dabi :
> Les chrétiens repeuplent l'Arabie, quatorze siècles après Mahomet (31.8.2007)
Et en Israël :
> Les nouveaux hôtes catholiques d'Israël (1.4.2010)
Le document de travail de l'assemblée spéciale du synode des évêques consacrée au Moyen-Orient, qui aura lieu à Rome du 10 au 24 octobre 2010 :
> Intrumentum laboris
Le site web de la Custodie de Terre Sainte, dirigé par Giuseppe Caffulli, en italien et en anglais :
> Terrasanta.net
Sandro Magister
Traduction française par Charles de Pechpeyrou.
www.chiesa