Pour obtenir des "facultés spéciales" en dérogation aux normes canoniques, les chefs de la curie ne peuvent plus s'adresser directement à Benoît XVI. Ils doivent passer par le secrétaire d'état. Qui instruira lui-même le dossier
Cette nouveauté est contenue dans un rescrit “ex audientia SS.mi” signé par le cardinal secrétaire d’état Tarcisio Bertone.
Les rescrits sont des mesures prises par le pape lors d’une audience accordée au secrétaire d’état ; d’habitude, ils sont publiés uniquement dans les "Acta Apostolicæ Sedis", le Journal Officiel du Saint-Siège.
Dans le rescrit en question, qui est du 7 février dernier, le cardinal Bertone annonce que "le Saint Père, en date du 1er février 2011, a approuvé le texte suivant en tant qu’article 126 bis du Règlement général de la curie romaine". Et il précise que son entrée en vigueur est fixée au 1er mars suivant.
Ce nouvel article du règlement se compose de quatre alinéas.
"Le dicastère – indique le premier alinéa – qui estime nécessaire de demander au Souverain Pontife des facultés spéciales doit formuler sa requête par écrit, par l’intermédiaire de la secrétairerie d’état, en y joignant un projet de texte définitif, avec l’indication précise des facultés demandées, la motivation de la demande et en spécifiant les éventuelles dérogations aux normes canoniques universelles ou particulières, qui en seraient modifiées ou non appliquées d’une manière ou d’une autre".
"La secrétairerie d’état – explique le deuxième alinéa – demandera leur avis aux dicastères compétents en la matière et à ceux qu’il considérera comme éventuellement intéressés, ainsi qu’au conseil pontifical pour les textes législatifs en ce qui concerne la formulation juridique correcte et, au cas où des questions doctrinales seraient mises en jeu, à la congrégation pour la doctrine de la foi".
Le troisième alinéa explique quelles sont les modalités concrètes à suivre pour la formulation de la demande relative aux "facultés spéciales" et enfin le quatrième souligne que "la secrétairerie d’état [communiquera] aux dicastères le texte des facultés éventuellement concédées par le Souverain Pontife et, conjointement avec le dicastère demandeur, elle examinera s’il convient de procéder à sa publication et comment".
En application de ce rescrit, donc, il ne pourra plus y avoir de dialogue direct entre le pontife et les dicastères de la curie en ce qui concerne la concession des "facultés spéciales", qui sont, en langage ordinaire, des décrets qui dérogent aux normes canoniques en vigueur et qui ont valeur de loi jusqu’à la mort du pontife qui les a émis.
Dans le passé récent, ces "facultés spéciales" ont été un outil utilisé pour combattre plus rapidement et plus efficacement les abus sexuels commis par des clercs sur des mineurs.
À partir de 2001, en effet, des "facultés spéciales" ont été accordées par Jean-Paul II à la congrégation pour la doctrine de la foi, alors dirigée par le cardinal Joseph Ratzinger. Celui-ci les avait demandées, notamment, pour pouvoir définir de nouveaux cas de délits canoniques pénaux ou pour pouvoir infliger des peines très graves, telles que la réduction à l’état laïc, même en l’absence d’un procès canonique en bonne et due forme.
En 2005, l’un des premiers actes de gouvernement de Benoît XVI a été de remettre en vigueur ces "autorisations spéciales" qui avaient pris fin à la mort de son prédécesseur. Et en juillet 2010 certaines de ces facultés ont été définitivement codifiées dans les nouvelles normes de la congrégation pour la doctrine de la foi relatives aux "delicta graviora".
Au cours de ces dernières années, des "facultés spéciales" de nature analogue ont également été accordées à d’autres congrégations, telles que celle de la Propagation de la foi et celle pour le Clergé.
Dans la matinée du 22 janvier 2010 une réunion des chefs des dicastères de la curie a eu lieu au Vatican, sous la présidence de Benoît XVI. L’ordre du jour n’en a pas été révélé. Mais on a su qu’au cours de cette réunion une plus grande coordination de la curie romaine a été souhaitée, à réaliser par la secrétairerie d’état.
Le rescrit de février dernier semble aller en ce sens.
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Traduction française par Charles de Pechpeyrou.