Jésus ne choisit pas ses paroles au hasard. Cela vaut aussi pour le passage de l’évangile que nous venons d’entendre. Elles font partie du célèbre Sermon sur la Montagne, qui est en quelque sorte la quintessence de tous ses sermons. Dans cette partie, il explique à ses auditeurs ce qu’il attend d’eux. C’est comme quand un entraîneur s’adresse aux joueurs de son équipe avant le match décisif. Ici, c’est Jésus qui nous parle du jeu de la vie.
Autre comparaison : un général qui exhorte ses troupes avant le grand combat. Ici, c’est Jésus qui nous parle du combat de la vie.
Jésus nous parle de la mission de toute notre vie. Quelle est-elle ? Elle consiste à être sel et lumière dans le monde qui nous entoure.
Le sel avait deux fonctions dans le monde de l’Antiquité : il donnait de la saveur aux aliments, et il en permettait la conservation. Il n’y avait pas de réfrigérateurs à l’époque. On conservait la viande en la couvrant d’une fine couche de sel.
La lumière avait la même fonction qu’aujourd’hui : elle repousse les ténèbres, sauf qu’à l’époque, avant l’invention de l’électricité, les ténèbres constituaient une réalité beaucoup plus dramatique que pour nous. Les anciens avaient davantage conscience du fait que sans lumière, ils étaient impuissants. Nous autres, parce que la lumière de l’électricité est omniprésente, nous ne pensons que rarement à notre besoin de lumière.
Sel et lumière : voilà donc les comparaisons dont se sert Jésus pour nous expliquer quelle est la mission de notre vie. Quelle est la caractéristique commune du sel et de la lumière ? Tous les deux sont pour autre chose. Le sel n’est pas pour lui-même ; la lumière non plus. Voilà ce qui est important. La mission d’un chrétien dans le monde, tout comme celle du Christ, c’est d’avoir une influence positive sur les autres en leur apportant la puissance et l’illumination de l’évangile.
Cette mission nous permet d’entrevoir le cœur même de Dieu. Il désire que tout homme soit persuadé de sa bonté, pour que chacun puisse lui faire confiance et le suivre dans l’apprentissage du bonheur ici-bas, et pour le bonheur parfait au ciel. Ceci explique pourquoi, plus nous nous approchons de Dieu, et plus nous éprouvons le besoin de le communiquer à notre prochain, notre cœur brûlant du même feu que celui du Christ. Tous les saints le savent.
Sainte Elisabeth Anne Seton, par exemple, a connu un long et difficile parcours pour arriver à la foi catholique. Elle vivait autour des années 1800, et faisait partie de la haute société de New York, aussi bien de naissance que par son mariage. Comme jeune épouse et maman, elle connut une profonde inquiétude spirituelle. En tant que chrétienne non catholique, elle aspirait à une relation plus profonde avec le Christ, mais ne savait pas où la trouver. Une série d’épreuves, parmi lesquelles la mort de son mari, l’ont amenée à l’Eglise catholique, et c’est là qu’elle a trouvé ce qu’elle cherchait, dans le sacrement de l’Eucharistie.
Sa conversion au catholicisme lui a valu d’être critiquée et abandonnée de ses amis, de son milieu social, et même de sa famille. Mais sa plus grande intimité avec le Christ en valait bien la peine. Au lieu de tomber dans le découragement et de se plaindre, elle s’est sentie poussée de commencer une nouvelle congrégation religieuse pour s’occuper de l’éducation des jeunes. C’est ainsi qu’elle a fondé les Sœurs de la Charité, répandues aujourd’hui aux Etats-Unis et au Canada. C’est le début du système de l’éducation catholique américain, qui comporte aujourd’hui, en 2011, plus de 7.000 écoles primaires et secondaires, rien qu’aux Etats-Unis.
Dieu veut mettre de la saveur et de la lumière dans le monde, et plus nous sommes proches de son Cœur, plus nos cœurs brûlerons de ce même désir.
Si Dieu nous appelle à avoir une influence décisive sur la vie des autres, alors il doit être possible de le réaliser. Mais comment ?
Pour nous mettre sur la voie, la 1e lecture nous donne une liste de différentes possibilités :
- Partage ton pain avec celui qui a faim,
- recueille chez toi le malheureux sans abri,
- couvre celui que tu verras sans vêtement,
- ne te dérobe pas à ton semblable.
Voilà des exemples de ce que la Tradition appelle les œuvres de miséricorde corporelle.
Nous pouvons trouver une autre liste des œuvres de miséricorde spirituelle :
- conseiller ceux qui en ont besoin,
- instruire les ignorants,
- exhorter les pécheurs,
- consoler les affligés,
- pardonner les offenses,
- supporter patiemment les personnes ennuyeuses,
- prier pour les vivants et pour les morts.
Je suis certain qu’au cours de cette Messe, le Saint Esprit pourra traduire ces idées générales en quelques possibilités concrètes pour chacun de nous. Mais le Saint Esprit est extrêmement poli. Il ne veut pas que nous soyons ses esclaves, mais ses amis. Et donc, même s’il veut nous donner de bonnes idées, il ne nous forcera pas de les exécuter. Il nous laisse libre de dire oui ou non.
En poursuivant cette célébration du sacrifice du Christ, de son "oui" parfait au Père, disons-lui notre "oui". Que la beauté et la puissance de cette Messe nous donne le courage dont nous avons besoin pour vivre la mission de notre vie un peu mieux que la semaine dernière, pour être sel et lumière dans un monde cassé et paumé.