Une ordination épiscopale illégitime a été évitée in extremis. Grâce à la résistance des fidèles et à la forte protestation de Rome. Interview du nouveau stratège du Vatican pour la Chine, l'archevêque Hon.
ROME, le 10 juin 2011 – L'Association patriotique des catholiques chinois - l'organisme à travers lequel les autorités de
Pékin agissent en faveur de l’"autonomie" de l’Église de Chine par rapport au pape - agite depuis quelque temps la menace de créer une dizaine de nouveaux évêques de son choix, ordonnés sans
l'approbation de Rome.
Le 20 novembre 2010 cette menace s’est réalisée avec l'ordination illégitime à Chengde d’un nouvel évêque, Joseph Guo Jincai.
Et une autre ordination illicite était prévue pour hier, jeudi 9 juin, dans le diocèse de Hankow.
Mais, in extremis, cette ordination a été reportée. Sans explications.
Cependant tout donne à penser que la résistance des fidèles et celle du candidat à la nomination lui-même, le prêtre Shen Guoan, ont pesé sur cette décision.
Et ce qui a peut-être pesé encore davantage, c’est l'énergie avec laquelle, depuis Rome, le nouveau secrétaire de la congrégation pour l'évangélisation des peuples, le Chinois Savio Hon Taifai
(photo), a élevé la voix, le 3 juin, dans une interview à "Asia News".
La franchise avec laquelle l'archevêque Hon a formulé ses critiques contre la politique ecclésiastique de Pékin et contre la partie de l’Église de Chine qui s’y soumet confirme que la tendance, à
Rome, est plus à la confrontation qu’aux accomodements.
Voici les passages les plus significatifs de l'interview accordée par Hon, qui doit désormais être considéré comme le principal stratège de la politique vaticane en ce qui concerne la
Chine.
Sandro Magister
www.chiesa
– À propos de la menace d’ordination épiscopale illégitime à Hankow
HON : D’après ce que je sais, les fidèles de Hankow ont réagi et, code de droit canonique en main, ils ont demandé au gouvernement et à l’Association patriotique de ne pas faire ce geste et
d’éviter cette ordination.
Il semble que le candidat, le père Shen Guoan, ne veuille pas non plus céder. Je voudrais lui dire, de frère à frère : Je te fais confiance pour te comporter de manière correcte ; et il n’y
a pas d’autre comportement correct que de refuser.
– À propos des conséquences des ordinations illégitimes
HON : Pratiquer pendant une longue période la méthode de l’élection et de l’ordination autonome d’évêques sans l’approbation du pape détruit tôt ou tard l’Église et tôt ou tard les fidèles
eux-mêmes n’iront plus chez ces évêques séparés du Saint-Siège.
– Pourquoi certains évêques et prêtres se soumettent
HON : Parce que, s’ils ne le font pas, ils sont punis. Ils perdent les subventions de l’État pour le diocèse ; ils rencontrent des obstacles dans leur travail pastoral quotidien ; ils sont
pénalisés dans leur carrière (par exemple ils ne sont pas promus à l’assemblée consultative du gouvernement) ; ils n’obtiennent pas d’autorisations de se rendre à l’étranger ou de voyager à
l’intérieur de la Chine ; ils sont contraints de subir des cours de rééducation. Une autre punition grave est l’isolement forcé par rapport aux autres évêques, aux prêtres et aux fidèles.
Un exemple : Li Lianghui, évêque de Cangzhou, qui a refusé de participer à l’Assemblée des représentants catholiques au mois de décembre dernier, subit actuellement des séances de rééducation.
Mais justement cet exemple montre qu’il est possible de refuser de se soumettre.
– Encore à propos de ceux qui se soumettent et de ceux qui, au contraire, résistent
HON : Il y a des opportunistes qui acceptent le compromis et l’habillent de motivations élevées : ils disent qu’ils le font pour le bien de l’Église, parce que l’évangélisation est urgente, pour
obtenir des aides de l’État... Mais ces avantages sont faux : quand l’Église est détachée de la pierre, de Pierre, l’Église s’affaiblit automatiquement. Lorsqu’un évêque se soumet, il accomplit
de fait un acte public qui crée le scandale et qui est un contre-témoignage pour les fidèles, et il affaiblit l’histoire héroïque des évêques si nombreux qui ont résisté.
Naturellement les autorités chinoises savent choisir leurs candidats parmi ceux qui sont les plus fragiles et les plus disposés au compromis. Mais nous savons qu’aujourd’hui plusieurs de ces
candidats à l'épiscopat résistent, qu’ils ne veulent pas être ordonnés sans toutes les garanties canoniques et sans l’approbation du pape. Il y a des candidats qui se sont obstinés et qui n’ont
pas accepté d’être ordonnés par des évêques excommuniés ou avant que l’approbation du pape ne soit arrivée. Devant leur ferme résistance, le gouvernement n’a rien pu faire.
– À propos d’une issue pour les plus faibles
HON : Dans la situation actuelle en Chine, cela vaut la peine de conseiller à ces évêques et à ces prêtres qui se sentent faibles ou incapables de résister aux pressions, de demander à être
déchargés de leur service pastoral et d’avoir le courage de suspendre leur ministère.
– À propos des sacrements administrés par les évêques illégitimes
HON : La lettre adressée par le pape aux catholiques chinois en 2007 a permis jusqu’à maintenant de recevoir les sacrements même d’évêques illégitimes, pour le bien des fidèles et dans des
circonstances exceptionnelles. Mais si cette situation doit devenir une constante, je crains qu’il ne faille revoir cette indication et expliquer aux fidèles, chinois et aussi étrangers, qu’il
n’est pas possible de recevoir de ces évêques un sacrement. En effet, si l’on continuait à ne faire aucune différence, les fidèles ne comprendraient plus qui est fidèle au pape et qui ne l’est
pas et l’on risquerait d’embrouiller la foi des gens simples.
– À propos des mesures à prendre vis-à-vis des évêques illégitimes
HON : Après l’ordination illégitime de Chengde, le Saint-Siège a publié un communiqué de condamnation. Mais il n’a pas dit une chose : que le fait d’être évêque et le ministère pastoral sont deux
choses distinctes. On devient évêque grâce à l’ordination sacramentelle, mais on devient pasteur d’une partie du peuple de Dieu grâce à l’approbation du pape. Cela signifie qu’un évêque
illégitime a bien obtenu l’ordination et qu’il est donc évêque, mais qu’il n’a aucun droit de gouverner les fidèles parce qu’il n’a pas l’approbation du pape. Dans le cas de Chengde, l’ordination
est valide même si elle est illicite, mais le nouvel ordonné n’a aucun pouvoir de direction sur son troupeau. Cela signifie que les fidèles de Chengde n’ont pas le devoir de lui obéir et que
lui-même n’a pas le pouvoir d’ordonner des prêtres.
Je pense que, pour sortir de cette situation d’ambigüité, il est important de demander aux évêques qui ont été amenés à accomplir des gestes contraires au mandat du pape – ordinations,
assemblées, etc. – de faire des gestes publics de pénitence.
– À propos du soutien apporté par des théologiens américains et européens à l’"autonomie" de l’Église chinoise
HON : Il y a malheureusement, en Amérique et en Europe, une théologie qui est en train de pénétrer également dans l’Église chinoise. Cette théologie revendique précisément l’autonomie dans le
choix des évêques et l’indépendance par rapport au Saint-Siège. C’est ainsi qu’il y a en Amérique et en Europe des gens qui poussent les évêques chinois à se comporter de cette manière. “Si vous
réussissez – leur disent-ils – nous vous suivrons”.
Il y a peu de temps encore, ces problèmes d’indépendance et d’autonomie n’existaient qu’au niveau des rapports avec le gouvernement. Maintenant ils se posent également au niveau théologique.
– À propos des moyens de faire libérer les évêques emprisonnés
HON : Lors de toutes les rencontres avec des représentants du gouvernement chinois, nous insistons continuellement pour que ces frères soient libérés. Mais le gouvernement ne nous donne pas
satisfaction. Ces évêques sont âgés, malades, leur libération devrait aussi être un geste humanitaire. Mais malheureusement nous n’obtenons pas de réponse. Peut-être faudrait-il lancer des appels
publics au lieu de le demander en tête à tête.
Le texte intégral de l'interview accordée par l’archevêque Hon à "Asia News" le 3 mai 2011 :
> Hon: Vescovi cinesi, non abbiate paura di dire no alle pretese di Pechino
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> Focus CHINE
Traduction française par Charles de Pechpeyrou.