À l'arrivée de Jésus à Béthanie, ensuite, nous assistons à une « nouveauté », apparemment inexplicable : Marie d’abord, sa soeur Marthe ensuite, et après elle tous les Juifs qui s'étaient unis à leur deuil, vont vers le Seigneur Jésus, persuadés que s’il existait une réponse à leur douleur, elle aurait dû se trouver en cet Homme. Sans doute, il ne s'agissait pas de personnes impies. Ils avaient profondément assimilé la foi d'Israël en la résurrection finale, donc ce drame n'était pas « finalement » inexplicable ; en effet Marthe répond au Seigneur : « Je sais qu'il ressuscitera dans la résurrection du dernier jour ». Mais, ils savaient que, dans le rapport avec cet Homme extraordinaire, rien de ce qu'il y avait en eux d’authentiquement humain ne serait perdu, même pas ce cri de douleur, que seule la foi eschatologique et le temps auraient pu soulager quelque peu.
En ce dernier « signe » accompli par le Seigneur, avant l'entrée triomphale à Jérusalem, semble ainsi confluer toute cette « réalité nouvelle » inaugurée par l’Emmanuel, le Dieu-avec-nous : en partageant notre existence même, il nous a aimés de cette passion suprême qu’est l'amour virginal, lequel ne cherche jamais à posséder le coeur de l'autre, mais l'aime dans la vérité, avec une délicate insistance, jusqu'à se sacrifier pour lui ; en cette infinie délicatesse, en cette attention pour chacun, capable même de s'émouvoir, les hommes qui entretenaient avec Lui les liens de l’amitié la plus profonde apercevaient ce « davantage » qui ne pouvait être autre chose que la présence de Dieu : « « Je suis la Résurrection et la Vie ; celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ; qui conque vit et croit en Moi ne mourra pas pour l’éternité. Crois-tu cela ? ». Elle lui répondit : « Oui, Seigneur, je crois que Tu es le Christ, le Fils de Dieu, Celui qui vient dans le monde » » (Jn11.27).
Le Christ accomplit donc le grand miracle de la résurrection de Lazare. Il annonce ainsi, à travers les oeuvres de son Père, que Lui même, le Dieu-Homme, est la Vie et la Résurrection, le Seigneur y compris de la vie biologique, puisque Sa voix peut rejoindre aussi ceux qui, comme Lazare, ont passé le seuil de la mort depuis maintenant quatre jours. Face à ce signe, les paroles avec lesquelles il avait annoncé Sa mort et Sa Résurrection deviennent aussi plus claires : « Je donne ma vie, pour la reprendre à nouveau » (Jn10.18). Il peut vraiment le faire, puisqu'il est le Seigneur de la vie, et, si la résurrection de Lazare n’empêcha pas cet ami que le Seigneur aimait d'embrasser de nouveau « notre sœur la mort corporelle » - selon l'expression de Saint François - lorsque Dieu voulut l'appeler de cette vie, bien plus grande est la Vie que le Seigneur a gagné à Lazare et à chacun d’entre nous ; nous nous apprêtons à la célébrer dans peu de jours, dans le Mystère Pascal.
(à suivre)