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Publié par dominicanus

L'historien Enrico Morini, disciple bolonais du père Dossetti, intervient dans la discussion. Par une analyse surprenante, qui plaira peut-être davantage aux traditionalistes qu'aux novateurs. Dans un POST-SCRIPTUM les réponses de Arzillo e Cavalcoli.

 

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ROME, le 21 juin 2011 – Dans la grande discussion qui a repris à propos de la manière d’interpréter les changements du magistère de l’Église au cours de l’histoire, en portant une attention particulière au tournant du concile Vatican II, les partisans enthousiastes de la "rupture" ne s’étaient pas exprimés jusqu’à présent.

La thèse qu’ils soutiennent est que le concile, dans sa volonté de revenir aux "origines", a rompu avec des éléments importants de la tradition de l’Église du deuxième millénaire et en particulier avec le modèle occidental d’Église et de papauté produit par le concile de Trente et, avant cela, par la réforme grégorienne du XIe siècle.

L'intervention publiée ci-dessous met fin à leur silence et entre en plein dans cette relecture de l’histoire.

Son auteur est le professeur Enrico Morini, un historien qui enseigne à l'université de Bologne, ville qui a donné son nom à l’"école" qui représente la pointe la plus avancée, du point de vue progressiste, de l'interprétation du concile Vatican II comme "rupture" par rapport à une partie de la tradition.

Morini est un disciple du moine Giuseppe Dossetti (1913-1996), fondateur de cette "école" connue dans le monde entier principalement à cause de sa monumentale histoire de Vatican II traduite en plusieurs langues, mais également acteur influent de ce même concile.

Toutefois il n’en reprend pas toutes les thèses à l’identique. Au contraire, son interprétation du tournant du concile Vatican II mécontentera parfois les "bolonais" et les progressistes en général. Par exemple là où il montre qu’il apprécie la reprise de la messe selon l’ancien rite romain voulue par Benoît XVI.

Mais en même temps Morini mécontentera également un grand nombre de traditionalistes. Par exemple lorsqu’il écrit et explique que le nouveau missel adhère beaucoup plus que l’ancien à la grande tradition liturgique de l’Église.

Il faut lire son intervention en entier, pour l'originalité et la finesse de ses analyses, pour l'attention particulière qui est accordée aux relations entre l’occident et l’orient, ainsi que pour la clarté de l’écriture.

Le professeur Morini, 64 ans, est un spécialiste du christianisme oriental. Il enseigne l’histoire de l’Église orthodoxe à l'université d’état de Bologne et à la faculté de théologie d'Émilie-Romagne. Il est diacre et préside la commission du diocèse de Bologne pour l'œcuménisme.

L’un de ses livres, publié aux éditions Il Mulino en 2002, avait alors fait l’objet d’un compte-rendu de www.chiesa :

> L'oriente dell'occidente. Un libro d'oro sull'ortodossia

Photo en haut de page : Paul VI et le patriarche œcuménique de Constantinople, Athénagoras, s’embrassent à Jérusalem, en 1964.

Sandro Magister



CONTINUITÉ ET RUPTURE : LES DEUX VISAGES DU CONCILE VATICAN II

par Enrico Morini



Cher Sandro Magister,

Je me permets d’intervenir dans le débat serré à propos de l’herméneutique du concile Vatican II. J’y ai notamment été encouragé par le fait que ce débat a pris récemment une connotation liée à ma ville et à mon Église, dans la mesure où y sont impliqués indirectement l’“école de Bologne” – représentée par Giuseppe Alberigo, aujourd’hui décédé, et Alberto Melloni, représentants majeurs de la thèse dite de la “rupture” – et directement le père dominicain Giovanni Cavalcoli, lui aussi bolonais, dont la défense de la thèse de la “continuité” semble s’éloigner d’une position médiane – que Mgr Agostino Marchetto a récemment reprise, à Bologne justement – en souhaitant un lien avec les "adversaires traditionalistes continuistes" (comme Roberto de Mattei) pour s’opposer au "néo-modernisme des anticontinuistes".

Je n’ai pas de titres particuliers pour entrer dans ce débat très vif : je ne suis pas un théologien et je n’ai pas de velléités d’en jouer le rôle. Par vocation je suis plutôt un historien. Je dois également dire en préambule que, bien qu’étant bolonais – par ma naissance, ma formation, ma résidence, mes fonctions d’enseignant – et malgré ma fervente “foi dossettienne” – don Giuseppe Dossetti a été mon père spirituel et mon point de référence religieux – je n’ai aucun lien, ni scientifique ni académique, avec l’“école de Bologne” d’Alberigo. 

Cela dit, je vous fais part ici de mes réflexions en matière d’herméneutique du concile. Rupture, donc, ou continuité ? Par rapport à quoi, peut-être à la tradition catholique ? Je me demande si la tradition, y compris à l’intérieur de l’Église elle-même, est un fait univoque ou s’il n’y a pas plutôt une pluralité de traditions dans sa diachronie plus que millénaire. Mais je voudrais dire que, selon une herméneutique de Vatican II qui m’est personnelle mais à laquelle je crois fermement, le concile a été à un moment donné, intentionnellement, à la fois continuité et rupture.

Avant tout, selon moi, il a été placé, de par la volonté de son bienheureux promoteur Jean XXIII et des Pères qui constituaient ce que l’on a appelé la majorité conciliaire, dans la perspective de la continuité la plus absolue avec la tradition du premier millénaire, selon une périodisation qui n’est pas purement mathématique mais qui est essentielle, puisqu’il s’agit du premier millénaire de l’histoire de l’Église, celui de l’Église des sept conciles, qui n’était pas encore divisée. L’aggiornamento souhaité avait précisément pour objectif cette reprise, ce retour à une époque certes difficile, mais heureuse, parce qu’elle était nourrie de la communion réciproque entre les Églises. Non pas, prenons-y bien garde, un retour – comme l’ont compris beaucoup de gens – à une "ecclesiae primitivae forma", ce qui est une pure abstraction, un mythe historiographique à la configuration extrêmement nébuleuse et donc inadaptée pour fonder ou refonder une pratique ecclésiale et, peut-être justement pour cette raison, devenue un modèle inconsistant pour de nombreuses hérésies et, encore aujourd’hui, pour diverses hétérodoxies ecclésiologiques.

Au contraire la théorie et la pratique ecclésiale du premier millénaire sont tout autre chose qu’une abstraction et un mythe, prouvées comme elles le sont par les écrits des Pères et par les délibérations des premiers conciles. Il est très significatif que l’annonce de Vatican II ait été perçue initialement, dans certains milieux – dans lesquels on trouve même le grand Athénagoras, victime lui aussi de ce que l’on a appelé une "équivoque œcuménique" – comme étant expressément destinée à la reconstitution de l’unité entre les chrétiens : en somme un concile d’union. Ce qui est encore plus significatif – au-delà même de la valeur hautement symbolique de ce geste – c’est que le concile ait conclu ses travaux, le 7 décembre 1965, en éliminant "de la mémoire et du milieu de l’Église", ce qui fit date, les excommunications réciproques de 1054 entre le patriarche de Constantinople et les légats romains (l’extraordinaire valeur ecclésiologique de cet événement a été magistralement présentée par le cardinal Joseph Ratzinger dans un article paru dans la revue “Istina” en 1975).

Cette reprise de la tradition du premier millénaire par l’Église catholique a comporté de fait une rupture implicite – pardon pour la schématisation excessive – avec la tradition catholique du deuxième millénaire. Selon moi, il n’est pas vrai qu’il n’y ait pas de ruptures dans la tradition de l’Église. Il y avait déjà eu un hiatus, précisément lors du passage du premier au deuxième millénaire, avec le changement créé par les réformateurs “alsaciens-lorrains” (ce qu’étaient le pape Léon IX et deux des trois légats envoyés à Constantinople en la fatidique année 1054, le cardinal Humbert et Étienne de Lorraine, futur pape), par ce que l’on appelle la réforme “grégorienne”, par une approche éminemment philosophique des vérités théologiques et par l’intérêt débordant pour la canonistique (déjà déplorée par Dante Alighieri), au détriment de la Sainte Écriture et des Pères, propres à la pleine période médiévale. Sans parler, à une époque plus tardive, de la Réforme tridentine, avec sa dogmatisation rigide – allant même au-delà des présupposés de l’Église médiévale – ni de la “confiscation” de la Sainte Écriture aux simples fidèles, jusqu’à l’apothéose de la “monarchie” pontificale avec Vatican I, reléguant encore plus à l’arrière-plan l’image de l’Église non divisée du premier millénaire. Il ne faut pas s’en étonner : c’est justement parce que l’Église est un organisme vivant que sa tradition est sujette à une évolution, mais aussi à des régressions.

Que ce retour ait vraiment été l’intention la plus profonde de Vatican II, on peut s’en rendre compte à travers deux exemples. Le plus immédiat se situe dans le domaine ecclésiologique, domaine dans lequel l’enseignement du concile en matière de collégialité épiscopale est sans équivoque. Or la collégialité des évêques est précisément un trait caractéristique de l’ecclésiologie du premier millénaire, y compris en Occident, où elle était parfaitement associée à la primauté romaine. Un fait est révélateur : au cours du premier millénaire, toutes les déclarations dogmatiques romaines que les légats pontificaux portaient en Orient aux conciles œcuméniques – relatives aux questions débattues à ces conciles – étaient précédées d’une déclaration synodale de tous les évêques relevant de la juridiction supra-épiscopale de Rome. S’il est vrai que le plus grand ennemi du concile a été l’après-concile – avec la fuite en avant de certains pasteurs d’âmes et de certains groupes de fidèles qui, au nom de “l’esprit du concile”, ont introduit des pratiques subversives précisément en ce qui concerne la tradition de l’Église avant ses divisions ou qui tout du moins en demandent l’introduction avec insistance – je crois pouvoir affirmer que c’est précisément le contraire qui s’est produit en matière d’ecclésiologie : les règles d’application ont été gravement réductrices par rapport aux délibérations conciliaires, dans la mesure où le caractère purement consultatif attribué au synode des évêques ne tire pas de l’enseignement de Vatican II toutes les conséquences qu’il devrait en matière de collégialité épiscopale. Et puis – toujours pour rester dans le domaine de la structure de l’Église – le rétablissement du diaconat comme degré permanent du sacrement de l’ordre n’a-t-il pas été, lui aussi, un retour à la tradition du premier millénaire ?

Unsecond domaine dans lequel la continuité entre la réforme conciliaire et le premier millénaire est encore plus évidente – dans la mesure où elle est perceptible par tous – est celui de la liturgie, même si, paradoxalement, il s’agit d’un exemple que ceux qui critiquent Vatican II privilégient pour accuser le concile de rupture avec la tradition. Le critère herméneutique que j’ai adopté me permet d’affirmer exactement le contraire, toujours sur la base du postulat d’une pluralité diachronique de traditions. Dans ce cas aussi, il y a eu une rupture évidente avec la liturgie préconciliaire – qui était notoirement une création tridentine, avec des interventions ultérieures – mais précisément dans le but de retrouver la grande tradition du premier millénaire, celui de l’Église d’avant les divisions. Peut-être ne sommes-nous pas conscients que le nouveau missel qui fait l’objet de critiques contient une fantastique reprise d’oraisons tirées des sacramentaires les plus anciens – remontant justement au premier millénaire –  le léonien, le gélasien et le grégorien, ainsi que, pour l’Avent, du patrimoine eucologique de l’antique Rouleau de Ravenne, trésors qui sont restés en grande partie en dehors du missel tridentin. On peut en dire autant à propos de la reprise, dans le cadre d’une opportune pluralité de prières eucharistiques, de l’antique anaphore d’Hippolyte et d’autres tirées de la tradition hispanique. En ce sens, le missel “conciliaire” est bien plus “traditionnel” que le précédent.

J’écris cela en posant comme corollaire deux observations que ne partageront peut-être pas les “progressistes”. La première est que, si l’on examine l’état actuel du rite “ordinaire” de l’Église romaine, on constate que cette continuité avec la tradition du premier millénaire, implicite dans la réforme conciliaire, a justement été estompée en partie par bien d’autres développements intervenus au cours de l’après-concile : d’une part, au niveau de base, il s’est produit un malentendu, le concile ayant provoqué un spontanéisme liturgique désordonné et d’autre part l’autorité compétente a procédé à la promulgation de textes créés pour l’occasion – concernant de nouvelles anaphores et de nouvelles collectes – visiblement étrangers, par leur langage aventureusement contemporain et existentiel de façon moderne, au style eucologique du premier millénaire, profondément inspiré par la pensée et par la terminologie des Pères.

Ma seconde observation est que le motu proprio "Summorum Pontificum" – comme on le sait, il autorise l’utilisation du missel tridentin en tant que rite “extraordinaire” – document qui est considéré par beaucoup de gens comme une régression par rapport au concile, a au contraire pour moi l’indiscutable mérite de rétablir dans l’Église latine ce pluralisme liturgique qui caractérise, je le répète, le premier millénaire. Même s’il s’agit d’une pluralité rituelle marquée par la variable du temps et non pas par celle de l’espace géographique, elle a le mérite d’introduire aussi dans l’Église catholique – de manière pacifique et indolore – cette présence “vieux-ritualiste”, qui est un patrimoine de la tradition orthodoxe, même s’il a été acquis de manière violente et traumatisante.

En revanche j’ai la sensation d’avoir en commun avec l’“école de Bologne” la possibilité, ou plutôt l’opportunité, d’une lecture "augmentative" du concile, cohérente avec les principes qui l’ont inspiré (l’expression est d’Alberto Melloni), qui permet, ou plutôt qui suggère, au magistère suprême de prendre aujourd’hui des décisions que Vatican II, dans le climat historique de l’époque, n’avait pas pu prendre en considération. Ce principe inspirateur – dans ce que je considère comme l’herméneutique correcte du concile – c’est précisément la reprise de la tradition du premier millénaire, comme l’a souligné implicitement le cardinal Ratzinger lorsqu’il a écrit – dans un texte qui n’a jamais été explicitement contredit par le pape actuel – qu’il ne faut rien imposer de plus aux orthodoxes, dans la physionomie d’une Église finalement réunifiée, que ce à quoi ils croyaient pendant le premier millénaire de communion.

C’est pourquoi il n’est absolument pas dans “l’esprit du concile” d’introduire dans l’Église des innovations inconsidérées, en matière de doctrine et de pratique théologique, comme le seraient le sacerdoce des femmes ou encore des développements aberrants dans les domaines de l’éthique et de la bioéthique. En revanche, il serait parfaitement dans “l’esprit du concile” – je dis encore cela à titre d’exemple – d’éliminer du "Credo" l’adjonction unilatérale, injustifiée et offensante du "Filioque" (sans que cela implique une négation de la doctrine traditionnelle des Pères latins – eux aussi du premier millénaire – relative au fait que le Saint-Esprit procède aussi du Fils, comme d’un unique principe avec le Père). Cette malencontreuse adjonction représente le résultat le plus évident, à très forte charge symbolique, de ce processus de franco-germanisation théologique et culturelle de l’Église romaine – mis en route par les papes francophiles de la fin du premier millénaire et les papes allemands du début du deuxième – qui a été dénoncé, en termes certes extrêmement vifs mais pas complètement infondés, par un théologien grec conservateur, Ioannis Romanidis, aujourd’hui disparu. Et pourtant non seulement cette adjonction subsiste, mais elle a même été reprise dans des textes de composition “postconciliaire” et, par dessus le marché – à ce que je sais – elle est encore aujourd’hui imposée, ce qui est une honte, à une belle et florissante Église orientale unie à Rome, c’est-à-dire à l’Église gréco-catholique ukrainienne.

En somme, pour conclure en une formule synthétique ces considérations qui me sont personnelles : en lançant la rénovation de l’Église, le concile n’a pas eu l’intention d’introduire quelque chose de nouveau – comme le désirent ou le craignent respectivement les progressistes et les conservateurs – mais de revenir à ce qui s’était perdu.

En vous remerciant de l’attention que vous porterez à ces lignes.

Enrico Morini

Bologne, le 13 juin 2011



Les chapitres précédents de la discussion à propos des changements du magistère de l’Église au cours de l’histoire, et en particulier à propos de l'interprétation du concile Vatican II.

Dans l'ordre, sur www.chiesa :

> Les grands déçus du pape Benoît (8.4.2011)

> Les déçus ont parlé. Le Vatican répond (18.4.2011)

> Qui trahit la tradition ? Le grand débat (28.4.2011)

> L'Église est infaillible mais Vatican II ne l'est pas (5.5.2011)

> Benoît XVI "réformiste". La parole est à la défense (11.5.2011)

> Liberté religieuse. L'Église avait-elle raison même quand elle la condamnait?
(26.5.2011)

> Un "grand déçu" rompt le silence. Par un appel au pape (16..6.2011)

Et aussi, sur le blog SETTIMO CIELO qui est associé à www.chiesa :

> Francesco Agnoli: il funesto ottimismo del Vaticano II (8.4.2011)

> La Chiesa può cambiare la sua dottrina? La parola a Ceccanti e a Kasper
(29.5.2011)

> Ancora su Stato e Chiesa. Dom Valuet risponde a Ceccanti (30.5.2011)

> Padre Cavalcoli scrive da Bologna. E chiama in causa i "bolognesi"(31.5.2011)

> Può la Chiesa cambiare dottrina? Il professor "Zagloba" risponde (6.6.2011)

> Tra le novità del Concilio ce n'è qualcuna infallibile? San Domenico dice di sì
(8.6.2011)



POST-SCRIPTUM 1 / LA RÉPONSE DE FRANCESCO ARZILLO


Il contributo del professor Morini alla discussione in corso sull’ermeneutica della continuità è stimolante e utile perché pone in rilievo ulteriori variabili del complesso tessuto storico e teologico che ci precede.

In effetti, è vero che il "topos" progressista  del ritorno alla forma pura del cristianesimo precostantiniano non è una matrice né esclusiva né univoca del rinnovamento teologico e spirituale del XX secolo: basti pensare solamente al fatto che il "ressourcement" patristico e liturgico, in quanto tale, copre fonti e periodi successivi anche di qualche secolo alla mitizzata "età dell’oro" ecclesiale.

Ma si può dire che l’intenzionalità riformatrice del Concilio, in quanto tale, abbia avuto di mira essenzialmente il "primo millennio"?

Per una volta vorrei provocatoriamente richiamare  proprio il grande discorso giovanneo di apertura del Concilio, il quale richiama come modello metodologico – ma diremmo anche, e indissolubilmente, contenutistico – proprio quella  "maniera accurata di pensare e di formulare le parole che risalta soprattutto negli atti dei Concili di Trento e Vaticano I".

La lezione di uno dei grandi maestri del continuismo dottrinale, il cardinale Newman, risiede proprio in questo: far vedere, ad esempio,  come la dottrina dell’Immacolata, che nell’Ottocento giunse alla sua  maturazione teologica e alla definizione dogmatica, abbia le sue remote radici proprio nell’epoca patristica. Nei formidabili scritti mariani (ma non solo) del grande oratoriano è proprio questo che è in gioco: mostrare come il primo e il secondo millennio siano uniti da un  filo profondo, apparentemente nascosto ma innegabile.

Il che dovrebbe consentire un fecondo dialogo con quella sensibilità, diffusa nel mondo ortodosso, che comporta il rischio di assimilare – in un certo senso – il vero all’antico, come se il vero non possa conoscere un sano sviluppo. Posizione, questa, che a ben vedere  non è neppure una rappresentazione corretta della stessa realtà dell’ortodossia, come dimostra, ad esempio,  tutta la questione del palamismo: dottrina inequivocabilmente propria del secondo millennio, anche se giustificata dai teologi neo-greci mediante il ricorso a un’ermeneutica retrospettiva dei Padri sulla quale  autorevoli studiosi hanno sollevato serie perplessità.

Senza dimenticare, poi, la più grande figura del secondo millennio, che è Francesco di Assisi: moderno e antico, occidentale e orientale. Grande gioia, infatti, si ricava dalla celebrazione di Francesco con i ritmi e gli stilemi dell’innodia bizantina: "Sorgendo da Occidente, o astro, e muovendoti intorno, raggiungi i confini del cosmo, scacciando demòni, innalzando templi venerabili e allontanandoti dall’Occidente, o sapiente, ti sei guadagnato l’Oriente per mezzo dei tuoi miracoli e con gesta stupefacenti" (testo tratto dalla "Akolouthìa" in  onore di San Francesco d’Assisi nel Codice Galatonese IV, del sec. XV, che si legge in F. Danieli, "Il rito greco a Galatone. S. Francesco d’Assisi in un codice bizantino del sec. XV", Galatina, Mario Congedo Editore, 2005). 

Gioia diacronica e sincronica, si potrebbe dire, la quale invita alla cautela nel ricorso alle sia pur utili periodizzazioni storiografiche nel contesto del dibattito ecclesiologico e teologico.

Francesco Arzillo

Roma, 21 giugno 2011



POST-SCRIPTUM 2 / LA RÉPONSE DE GIOVANNI CAVALCOLI


Caro Professor Morini,

sono contento che nel dibattito sia intervenuto un sostenitore della "rottura" non per lamentarsene, ma per approvarla: il Concilio ha fatto bene a "rompere" con una tradizione del secondo millennio che aveva fatto dimenticare alla Chiesa cattolica certi aspetti della tradizione del primo millennio precedente lo scisma di Costantinopoli.

Sono d’accordo con lei nel riconoscere quindi al Concilio, tra i suoi meriti, quello di aver recuperato tesori di questo periodo in chiave di ecumenismo con i fratelli orientali. Penso in modo particolare alla dottrina dei Santi Padri d’Oriente e d’Occidente che sono un sacro ed immortale patrimonio della Chiesa universale.

Io sono molto sensibile a queste cose, perché, prima di essere bolognese, sono ravennate – e lei sa cosa vuol dire questo per i millenari rapporti della Chiesa ravennate ha avuto ed ha con l’ortodossia orientale – ed ho il ricordo dell’arcivescovo Baldassarri per la sua competenza circa le Chiese dissidenti dell’oriente. Anch’io sono un ammiratore di don Dossetti da questo punto di vista ed ebbi modo di conoscerlo personalmente a suo tempo, quando stava a Monteveglio.

Quanto al mio rapporto con mons. Marchetto, illustre storico della Chiesa, non trovo in me quella discrepanza da lui della quale lei parla; al contrario lo ammiro molto, lo trovo molto equilibrato, mi sento in piena sintonia con lui in particolare nel suo impegno di accorciare le distanze tra lefevriani e modernisti per contribuire a creare nella Chiesa quella pace e quella concordia che si può raggiungere solo se tutti sanno apprezzare nel suo vero valore il motto del papa "continuità nella riforma".

Per quanto riguarda la questione della tradizione nella Chiesa, bisogna distinguere la tradizione divina dalla tradizione umana. O, per usare il titolo di un famoso libro del Padre Yves Congar, bisogna distinguere "La Tradition et les traditions". La prima, detta "Tradizione apostolica" o "Sacra Tradizione" è, insieme con la Scrittura, una fonte della divina Rivelazione e pertanto contiene verità soprannaturali, immortali, immutabili, universali, incorruttibili, non superabili: sono quelle "Parole che non passano", delle quali parla Cristo, che egli ha consegnato agli Apostoli ed ai loro successori da custodire, interpretare, trasmettere e spiegare a tutto il mondo con sempre maggior chiarezza nel corso della storia sino alla fine dei secoli. Qui la Chiesa è infallibile nel custodire e spiegare questa Tradizione. E questa Tradizione è una sola, così come la verità è una sola, così come Dio è uno solo, così come il Salvatore è uno solo. "Una sola fides".

Ma siccome la Chiesa è anche evidentemente una comunità umana immersa nello spazio e nel tempo, soggetta come ogni altra comunità umana ai mutamenti ed alle vicende della storia, la Chiesa possiede anche tradizioni semplicemente umane, benchè appoggiate alla divina Tradizione. Ma in quanto umane, con l’evolversi dei tempi e il mutare delle necessità, possono venire meno e in certi casi debbono venire meno quando, avendo esaurito la loro funzione storica, il loro permanere sarebbe di intralcio al progredire della Chiesa verso il Regno di Dio. 

Qui in certi casi possiamo ed anzi dobbiamo avere rottura, si trattasse anche di tradizioni secolari ed un tempo utili e provvidenziali. Qui abbiamo una pluralità di tradizioni, e diversamente non potrebbe essere, così come tra gli uomini variano le mentalità, le preferenze, le qualità, le capacità.

Ma la Chiesa, quando, nel suo cammino storico di approfondimento della Parola di Dio, si accorge che certe abitudini o certe tradizioni sono divenute di intralcio e non sono veramente conformi al Vangelo, essa le abbandona e sbaglierebbe se non lo facesse. Ma peraltro in questo campo la Chiesa non è infallibile. È il campo della pastorale, del diritto, della disciplina, degli usi sociali e liturgici.

Le verità contenute nella Tradizione apostolica sono sempre le stesse. Il Magistero della Chiesa, nel prosieguo dei secoli, col suo insegnamento dogmatico che si esprime soprattutto nei Concili, non aggiunge nulla, non toglie nulla, non cambia nulla, non pratica nessuna rottura, perché operazioni di tal genere vorrebbero dire automaticamente smentita o falsificazione del deposito rivelato, cosa che non può avvenire perché Cristo ha promesso alla Chiesa di assisterla sempre insieme col suo Spirito nella fedeltà alla Verità. Il deposito rivelato, dunque, non può mutare. Muta invece, nel senso di progredire, la conoscenza che la Chiesa ne acquisisce nel corso dei secoli sulla base della ricerca teologica e dell’esperienza stessa del Popolo di Dio.

Credere, come fanno i modernisti o gli storicisti, che in campo dogmatico la Chiesa abbia cambiato o soppresso qualcosa è quella eresia che già san Pio X condannò in quanto fondata sull’idea che non esista una verità immutabile neppure nel campo della fede, ma che ogni verità per sua natura muti col mutare stesso dell’uomo: "veritas filia temporis". 

Noi cattolici siamo d’accordo con i fratelli ortodossi d’Oriente sull’esistenza di questa divina Tradizione, sulla sua immutabilità ed intangibilità e sul fatto che lo Spirito Santo assiste la Chiesa nella conservazione del deposito rivelato. Ringraziamo con loro il Signore Gesù Cristo per avere in comune con loro i primi sette Concili, dove è stato irrevocabilmente definito il mistero del Verbo Incarnato, una Persona in due Nature. 

Ci addolora il fatto che essi non abbiano più ascoltato la voce del Vicario di Cristo, dopo la sciagurata divisione del 1054, dove non sono mancate le colpe da ambo le parti, ed è certo di grande consolazione e speranza la soppressione reciproca delle scomuniche avvenuta ai tempi di Paolo VI. Ma resta ancora del cammino da fare e cioè il fatto che i nostri Fratelli orientali devono comprendere nella fede che i Concili successivi alla separazione non hanno tradito la Tradizione o non hanno stabilito dottrine estranee alla stessa, ma non hanno fatto altro che svilupparne, chiarirne ed esplicitarne la conoscenza, in perfetta continuità ed omogeneità con la Tradizione dei precedenti Concili e dei Santi Padri. "Continuità nel progresso".

In tal modo gli Orientali si trovano in una situazione che curiosamente assomiglia a quella dei lefevriani: la stessa mentalità, lo stesso errore: credere che un Concilio Ecumenico possa rompere con la tradizione dogmatica precedente, pensare che le nuove dottrine di un Concilio Ecumenico siano in contraddizione con quelle precedenti e quindi siano false. 

C’è tuttavia una differenza tra lefevriani ed orientali, che mentre questi hanno apprezzato lo sforzo ecumenico del Vaticano II, il quale, come lei nota opportunamente, ha recuperato antichissime tradizioni liturgiche antecedenti la riforma di san Pio V, i lefevriani, forse per mancanza di conoscenza della storia della liturgia, non si rendono conto che il Vaticano II, al di là delle modifiche che intendono avvicinare i fratelli protestanti, col recupero delle suddette tradizioni, ha mostrato un tradizionalismo ancor più radicale che è atto ad avvicinare i fratelli ortodossi. 

Inoltre è evidente un’altra differenza tra lefevriani ed orientali, che mentre i primi riconoscono il progresso dogmatico attuato da Roma nel Medioevo sino ad oggi, benchè escludano il Vaticano II, i fratelli orientali dissidenti si mostrano incapaci di apprezzare l’utilizzazione che nel Medioevo è avvenuta del pensiero di Aristotele da parte di san Tommaso d’Aquino, utilizzazione che ha consentito alla Chiesa cattolica di servirsi a sua volta del pensiero dell’Aquinate per formulare nuove dottrine dogmatiche, come per esempio quella dell’anima "forma corporis" (Concilio di Vienne del 1312) o della Persona divina come Relazione sussistente, giusta il dettato del Concilio di Firenze ("In Deo omnia sunt unum, ubi non obviat relationis oppositio") o dell’immortalità dell’anima (Concilio Lateranense V del 1513) o della transustanziazione (Concilio di Trento) o  del concetto di teologia o di fede o di Dio come "una singularis substantia spiritualis" (Concilio Vaticano I).

Ma sarebbe interessante il fatto che nel sec. XIV nel mondo bizantino ortodosso si è avuto anche lì un influsso cosciente e coltivato del pensiero di S.Tommaso, come per esempio nei fratelli Demetrio e Procoro Cidone, dei quali ha pubblicato un dotto studio in tedesco il domenicano servo di Dio padre Tomas Tyn. In ciò era molto esperto anche lo storico domenicano tedesco Ambrogio Eszer, già officiale della Santa Sede, morto qualche anno fa.

Infine vorrei osservare, a proposito del "Filioque", che gli orientali fanno male ad opporvisi, anche se bisogna riconoscere che il modo in cui è storicamente fu introdotta questa formula nel Credo non fu un atto ecumenico. Tuttavia questa espressione è pur sempre di fede, è esplicitazione della Tradizione e della Scrittura.

Ciò tuttavia non impedisce a Roma di consentire ai fratelli dissidenti di astenersi dal pronunciarla nella loro liturgia, una volta che essi, guidati dallo Spirto Santo, saranno tornati nella piena comunione con Roma.

Fr. Giovanni Cavalcoli, OP

Bologna, 21 giugno 2011



Traduction française par Charles de Pechpeyrou.

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