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Praedicatho homélies à temps et à contretemps

Praedicatho homélies à temps et à contretemps

C'est par la folie de la prédication que Dieu a jugé bon de sauver ceux qui croient. Devant Dieu, et devant le Christ Jésus qui va juger les vivants et les morts, je t’en conjure, au nom de sa Manifestation et de son Règne : proclame la Parole, interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire. Crédit peintures: B. Lopez


Benoît XVI, Verbum Domini - Le Dieu qui parle

Publié par dominicanus sur 15 Novembre 2010, 02:04am

Catégories : #La vache qui rumine C 2010

Dieu en dialogue

6. La nouveauté de la Révélation biblique vient du fait que Dieu se fait connaître dans le dialogue qu’il désire instaurer avec nous.[14] La Constitution dogmatique Dei Verbum avait exposé cette réalité en reconnaissant que «Dieu invisible dans l’immensité de sa charité, (…) s’adresse aux hommes comme à des amis, et converse avec eux pour les inviter à entrer en communion avec lui et les recevoir en cette communion».[15] Mais nous ne comprendrions pas encore pleinement le message du Prologue de saint Jean si nous nous arrêtions à la constatation que Dieu se communique à nous avec amour. En fait, le Verbe de Dieu, par lequel «tout s’est fait» (Jn 1, 3) et qui «s’est fait chair» (Jn 1, 14), est le même Dieu qui est «au commencement» (Jn 1, 1). Si nous reconnaissons ici une allusion au début du Livre de la Genèse (cf. Gn 1, 1), nous nous trouvons, en réalité, face à un principe de caractère absolu, qui nous dévoile la vie intime de Dieu. Le Prologue johannique nous met en face du fait que le Logos est réellement depuis toujours, et depuis toujours il est Dieu lui-même. Par conséquent, il n’y a jamais eu en Dieu un temps où le Logos n’était pas. Le Verbe préexiste à la création. C’est pourquoi, au cœur de la vie divine existe la communion, le don absolu. «Dieu est amour» (1 Jn 4, 16) dira à un autre endroit le même Apôtre, en indiquant par là «l’image chrétienne de Dieu ainsi que l’image de l’homme et de son chemin, qui en découle».[16] Dieu se fait connaître à nous comme Mystère d’amour infini dans lequel le Père depuis l’éternité exprime sa Parole dans l’Esprit Saint. Par conséquent le Verbe, qui depuis le commencement est auprès de Dieu et est Dieu, nous révèle Dieu lui-même dans le dialogue d’amour des Personnes divines et il nous invite à y participer. C’est pourquoi, créés à l’image et à la ressemblance de Dieu amour, nous ne pouvons nous comprendre nous-mêmes que dans l’accueil du Verbe et dans la docilité à l’œuvre de l’Esprit Saint. C’est à la lumière de la Révélation opérée par le Verbe divin que se clarifie définitivement l’énigme de la condition humaine.


Analogie de la Parole de Dieu

7. À partir de ces considérations, qui naissent de la méditation du Mystère chrétien exprimé dans le Prologue de Jean, il est nécessaire à présent de souligner ce qu’ont affirmé les Pères synodaux concernant les diverses modalités avec lesquelles nous utilisons l’expression «Parole de Dieu». On a parlé avec justesse d’une symphonie de la Parole, d’une Parole unique qui s’exprime de différentes manières: «comme un chant à plusieurs voix».[17] Les Pères synodaux ont parlé à ce propos, en référence à la Parole de Dieu, d’une utilisation analogique du langage humain. En effet, si d’un côté cette expression concerne la communication que Dieu fait de lui-même, de l’autre, elle assume des significations diverses qui doivent être considérées avec attention et mises en relation les unes avec les autres, aussi bien du point de vue de la réflexion théologique que de l’usage pastoral. Comme nous le montre de manière claire le Prologue de Jean, le Logos désigne à l’origine le Verbe éternel, c’est-à-dire, le Fils unique engendré par le Père avant tous les siècles et qui lui est consubstantiel: le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était Dieu. Mais ce même Verbe, affirme saint Jean, «s’est fait chair» (Jn 1, 14); c’est pourquoi Jésus-Christ, né de la Vierge Marie, est réellement le Verbe de Dieu qui s’est fait consubstantiel à nous. Par conséquent, l’expression «Parole de Dieu» indique ici la Personne de Jésus-Christ, le Fils éternel du Père, fait homme.


Par ailleurs, si au centre de la Révélation divine se situe l’événement du Christ, on doit aussi reconnaître que la création elle-même, le liber naturae, fait aussi essentiellement partie de cette symphonie à plusieurs voix dans laquelle le Verbe unique s’exprime. En même temps, nous affirmons que Dieu a communiqué sa Parole dans l’histoire du salut, qu’il a fait entendre sa voix; par la puissance de son Esprit, «il a parlé par les prophètes».[18] La Parole divine se révèle donc au cours de l’histoire du salut et elle parvient à sa plénitude dans le Mystère de l’Incarnation, de la mort et de la Résurrection du Fils de Dieu. La Parole de Dieu est encore celle qui est prêchée par les apôtres, dans l’obéissance au Commandement de Jésus ressuscité: «Allez dans le monde entier. Proclamez la Bonne Nouvelle à toute la création» (Mc 16, 15). La Parole de Dieu est donc transmise dans la Tradition vivante de l’Église. Enfin, la Parole divine, attestée et divinement inspirée, c’est l’Écriture Sainte, l’Ancien et le Nouveau Testament. Tout cela nous fait comprendre pourquoi, dans l’Église, nous vénérons beaucoup les Saintes Écritures, bien que la foi chrétienne ne soit pas une «religion du Livre»: le Christianisme est la «religion de la Parole de Dieu», non d’«une parole écrite et muette, mais du Verbe incarné et vivant».[19] L’Écriture doit donc être proclamée, écoutée, lue, accueillie et vécue comme la Parole de Dieu, dans le sillage de la Tradition apostolique dont elle est inséparable.[20]


Comme l’ont affirmé les Pères synodaux, nous nous trouvons réellement face à une utilisation analogique de l’expression «Parole de Dieu», dont nous devons être conscients. Il faut donc que les fidèles soient davantage préparés à en saisir les différents sens et à en comprendre l’unité. De même, du point de vue théologique, il est nécessaire d’approfondir l’articulation des différentes significations de cette expression pour que resplendissent davantage l’unité du dessein divin et son centre: la Personne du Christ.[21]


Dimension cosmique de la Parole

8. Conscients de la signification essentielle de la Parole de Dieu en référence au Verbe éternel de Dieu fait chair, unique sauveur et médiateur entre Dieu et l’homme,[22] et en écoutant cette Parole, nous sommes amenés par la Révélation biblique à reconnaître qu’elle est le fondement de toute la réalité. Le Prologue de saint Jean affirme, en référence au Logos divin, que «par lui tout s’est fait et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui» (Jn 1, 3); de même, dans la Lettre aux Colossiens, il est affirmé en ce qui concerne le Christ, «premier-né par rapport à toute créature» (1, 15), que «tout est créé par lui et pour lui» (1, 16). Et l’auteur de la Lettre aux Hébreux rappelle aussi que «grâce à la foi, nous comprenons que les mondes ont été organisés par la Parole de Dieu, si bien que l’univers visible provient de ce qui n’apparaît pas au regard» (11, 3).


Cette annonce est pour nous une parole libératrice. En effet, les affirmations de l’Écriture indiquent que tout ce qui existe n’est pas le fruit d’un hasard irrationnel, mais est voulu par Dieu, fait partie de son dessein, au sommet duquel il nous est offert de participer, dans le Christ, à la vie divine. La création naît du Logos et porte de façon indélébile la marque de la Raison créatrice qui ordonne et guide. Les Psaumes chantent cette joyeuse certitude: «Le Seigneur a fait les cieux par sa parole, l’univers, par le souffle de sa bouche» (Ps 33, 6); et encore: «il parla, et ce qu’il dit exista; il commanda, et ce qu’il dit survint» (Ps 33, 9). Toute la réalité exprime ce Mystère: «Les cieux proclament la gloire de Dieu, le firmament raconte l’ouvrage de ses mains» (Ps 19, 2). Par conséquent, c’est l’Écriture Sainte elle-même qui nous invite à connaître le Créateur en observant la création (cf. Ps 13, 5; Rm 1, 19-20). La tradition de la pensée chrétienne a su approfondir cet élément-clé de la symphonie de la Parole, quand, par exemple, saint Bonaventure qui, avec la grande tradition des Pères grecs, a vu toutes les possibilités de la création dans le Logos,[23]affirme que «toute créature est parole de Dieu, puisqu’elle proclame Dieu».[24]La Constitution dogmatique Dei Verbum avait résumé cet élément en déclarant qu’«en créant (cf. Jn 1, 3) et en conservant toutes choses par le Verbe, Dieu offre aux hommes dans les choses créées un témoignage durable de lui-même».[25]


La création de l’homme

9. La réalité naît donc de la Parole, comme creatura Verbi et tout est appelé à servir la Parole. La création, en effet, est le lieu où se développe toute l’histoire de l’amour entre Dieu et sa créature. Par conséquent, le salut de l’homme est la raison de tout. En contemplant le cosmos dans la perspective de l’histoire du salut, nous sommes amenés à découvrir la position unique et singulière qu’occupe l’homme dans la création: «Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, il les créa homme et femme» (Gn 1, 27). Cela nous permet de reconnaître pleinement les dons précieux reçus du Créateur: la valeur de notre propre corps, le don de la raison, de la liberté et de la conscience. En cela, nous trouvons aussi tout ce que la tradition philosophique appelle la «loi naturelle».[26] En effet, «tout être humain qui accède à la conscience et à la responsabilité fait l’expérience d’un appel intérieur à accomplir le bien»[27] et, donc, à éviter le mal. Comme le rappelle saint Thomas d’Aquin, tous les autres préceptes de la loi naturelle se fondent également sur ce principe.[28] L’écoute de la Parole de Dieu nous porte avant tout à apprécier l’exigence de vivre selon cette loi «écrite dans notre cœur» (cf. Rm 2, 15; 7, 23).[29] De plus, Jésus-Christ donne aux hommes la nouvelle Loi, la Loi de l’Évangile, qui assume et réalise de manière éminente la loi naturelle, en nous affranchissant de la loi du péché qui fait que, comme le dit saint Paul, «ce qui est à ma portée, c’est d’avoir envie de faire le bien, mais pas de l’accomplir» (Rm 7, 18) et, par la grâce, il permet aux hommes la participation à la vie divine et leur donne la capacité de dépasser leur égoïsme.[30]


Le réalisme de la Parole

10. Celui qui connaît la Parole divine connaît aussi pleinement la signification de toute créature. Si toutes les choses, en effet, «subsistent» en Celui qui est «avant toutes choses» (cf. Col 1, 17), alors celui qui construit sa propre vie sur sa Parole bâtit vraiment de manière solide et durable. La Parole de Dieu nous pousse à changer notre idée du réalisme: la personne réaliste est celle qui reconnaît dans le Verbe de Dieu, le fondement de tout.[31] Nous en avons particulièrement besoin à notre époque, où de nombreuses choses sur lesquelles nous nous appuyons pour construire notre vie, sur lesquelles nous sommes tentés de mettre notre espérance, se révèlent éphémères. L’avoir, le plaisir et le pouvoir se manifestent tôt ou tard incapables de réaliser les aspirations les plus profondes du cœur de l’homme. En effet, pour construire sa vie, celui-ci a besoin de fondements solides, qui demeurent même lorsque les certitudes humaines s’estompent. En réalité, puisque «pour toujours, ta parole, Seigneur, se dresse dans les cieux» et que la fidélité du Seigneur dure «d’âge en âge» (cf. Ps 119, 89-90), celui qui bâtit sur cette Parole construit la maison de sa vie sur le roc (cf. Mt 7, 24). Que notre cœur puisse dire tous les jours à Dieu: «Toi mon abri, mon bouclier, j’espère en ta parole» (Ps 119, 114) et, comme saint Pierre, que nous puissions agir tous les jours en nous en remettant au Seigneur Jésus: «sur ton ordre, je vais jeter les filets» (Lc 5, 5)!


Christologie de la Parole

11. À partir de ce regard sur la réalité comme œuvre de la Sainte Trinité, à travers le Verbe divin, nous pouvons comprendre les paroles de l’auteur de la Lettre aux Hébreux: «Souvent, dans le passé, Dieu a parlé à nos pères par les prophètes sous des formes fragmentaires et variées; mais, dans les derniers temps, dans ces jours où nous sommes, il nous a parlé par ce Fils qu’il a établi héritier de toutes choses et par qui il a créé les mondes» (1, 1-2). Il est beau de noter que tout l’Ancien Testament se présente déjà à nous comme l’histoire dans laquelle Dieu communique sa Parole: «En effet, après avoir conclu une alliance avec Abraham (cf. Gn 15, 18) et, par Moïse, avec le Peuple d’Israël (cf. Ex 24, 8), il se révéla au Peuple qu’il s’était acquis, par des paroles et par des actions, comme le Dieu unique, vivant et vrai, de sorte qu’Israël fit l’expérience des voies de Dieu avec les hommes, qu’il en acquit une intelligence de jour en jour plus profonde et plus claire grâce à Dieu parlant lui-même par la bouche des prophètes, et qu’il manifesta toujours plus largement parmi les nations (cf. Ps 21, 28-29; 95, 1-3; Is 2, 1-4; Jr 3, 17)».[32]


Cette complaisance de Dieu se réalise de manière indépassable au moment de l’Incarnation du Verbe. La Parole éternelle qui s’exprime dans la création et qui se communique dans l’histoire du salut est devenue dans le Christ un homme, «né d’une femme» (Ga 4, 4). La Parole ne s’exprime plus ici d’abord à travers un discours, fait de concepts ou de règles. Ici, nous sommes mis face à la Personne même de Jésus. Son histoire unique et singulière est la Parole définitive que Dieu dit à l’humanité. On comprend alors pourquoi «à l’origine du fait d’être chrétien, il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive».[33] Le renouvellement de cette rencontre et de cette conscience génère dans le cœur des croyants l’émerveillement devant l’initiative divine que l’homme, avec ses seules facultés rationnelles et avec son imagination n’aurait jamais pu concevoir. Il s’agit d’une nouveauté incroyable et humainement inconcevable: «Le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous» (Jn 1, 14a). Ces expressions n’indiquent pas une figure rhétorique mais une expérience vécue! C’est saint Jean, témoin oculaire, qui la rapporte: «nous avons vu sa gloire, la gloire qu’il tient de son Père comme Fils unique, plein de grâce et de vérité» (Jn 1, 14b). La foi apostolique témoigne que la Parole éternelle s’est faite Un de nous. La Parole divine s’exprime vraiment à travers des paroles humaines.


12. En contemplant cette «Christologie de la Parole», la tradition patristique médiévale a utilisé une expression suggestive: le Verbe s’est abrégé.[34] Dans leur traduction grecque de l’Ancien Testament, les Pères de l’Église ont trouvé une parole du prophète Isaïe - que saint Paul cite aussi - pour montrer que les voies nouvelles de Dieu étaient déjà annoncées dans l’Ancien Testament. On pouvait y lire: «Dieu a rendu brève sa Parole, il l’a abrégée» (Is 10, 23; Rm 9, 28). Le Fils, lui-même, est la Parole de Dieu, il est le «Logos: la Parole éternelle s’est faite petite – si petite qu’elle peut entrer dans une mangeoire. Elle s’est faite enfant, afin que la Parole devienne pour nous saisissable».[35] À présent, la Parole n’est pas seulement audible, elle ne possède pas seulement une voix, maintenant la Parole a un visage, qu’en conséquence nous pouvons voir: Jésus de Nazareth.[36]


En suivant le récit des Évangiles, nous relevons que l’humanité même de Jésus apparaît dans toute son originalité dans sa référence à la Parole de Dieu. En effet, il réalise heure par heure, dans son humanité parfaite, la volonté du Père. Jésus écoute sa voix et il lui obéit de tout son cœur. Il connaît le Père et il observe sa Parole (cf. Jn 8, 55). Il nous raconte les choses du Père (cf. Jn 12, 50). «Je leur ai donné les paroles que tu m’as données» (Jn 17, 8). Jésus montre donc qu’il est le Logos divin qui se donne à nous, mais aussi le nouvel Adam, l’homme vrai, celui qui accomplit à chaque instant non sa propre volonté mais celle du Père. Il «grandissait en sagesse, en taille et en grâce sous le regard de Dieu et des hommes» (Lc 2, 52). De manière parfaite, il écoute, il réalise en lui-même et il nous communique la Parole divine (cf. Lc 5, 1).


La mission de Jésus trouve enfin son accomplissement dans le Mystère pascal: nous nous trouvons ici face au «langage de la croix» (1 Co 1, 18).


Le Verbe se tait, il devient silence de mort, car il s’est «dit» jusqu’à se taire, ne conservant rien de ce qu’il devait communiquer. De manière suggestive, les Pères de l’Église, contemplant ce Mystère, mettent sur les lèvres de la Mère de Dieu cette expression: «Sans parole est la parole du Père, laquelle a créé toute la nature parlante, sans mouvement sont les yeux éteints de celui par la parole et le geste de qui est mû tout ce qui se meut».[37] Ici, nous est vraiment révélé l’amour le «plus grand», celui qui donne sa vie pour ses propres amis (cf. Jn 15, 13).


Dans ce grand Mystère, Jésus se manifeste comme la Parole de l’Alliance Nouvelle et Éternelle: la liberté de Dieu et la liberté de l’homme se sont définitivement rencontrées dans sa chair crucifiée, en un pacte indissoluble, à jamais valable. Au cours de l’institution de l’Eucharistie, Jésus lui-même - à la dernière Cène - avait parlé de «la Nouvelle et Éternelle Alliance», scellée par son Sang versé (cf. Mt 26, 28; Mc 14, 24; Lc 22, 20), se montrant comme le véritable Agneau immolé, en qui s’accomplit la libération définitive de l’esclavage.[38]


Dans le Mystère lumineux de la Résurrection, ce silence de la Parole se manifeste dans sa signification authentique et définitive. Le Christ, Parole de Dieu incarnée, crucifiée et ressuscitée, est le Seigneur de toutes choses; il est le Vainqueur, le Pantokrátor, et tout est récapitulé pour toujours en lui (cf. Ep 1, 10). Le Christ est donc «la lumière du monde» (Jn 8, 12), cette lumière qui «brille dans les ténèbres» (Jn 1, 5) et que les ténèbres n’ont pas arrêtée (cf. Jn 1, 5). Nous comprenons pleinement ici le sens du Psaume 119: «ta parole est la lumière de mes pas, la lampe de ma route» (v. 105); la Parole qui ressuscite est cette lumière définitive sur notre route. Dès le début, les Chrétiens ont eu conscience que, dans le Christ, la Parole de Dieu est présente en tant que Personne. La Parole de Dieu est la véritable lumière dont l’homme a besoin. Oui, au moment de la Résurrection, le Fils de Dieu s’est manifesté comme Lumière du monde. À présent, en vivant avec lui et par lui, nous pouvons vivre dans la lumière.


13. Parvenus, si l’on peut s’exprimer ainsi, au cœur de la «Christologie de la Parole», il est important de souligner l’unité du dessein divin dans le Verbe incarné: c’est pour cela que le Nouveau Testament nous présente le Mystère pascal en accord avec les Saintes Écritures, comme leur accomplissement parfait. Saint Paul, dans la première Lettre aux Corinthiens, affirme que Jésus-Christ est mort pour nos péchés «conformément aux Écritures» (15, 3) et qu’il est ressuscité le troisième jour «conformément aux Écritures» (15, 4). De cette manière, l’Apôtre place l’événement de la mort et de la Résurrection du Seigneur en relation avec l’histoire de l’antique Alliance de Dieu avec son Peuple. Bien plus, il nous fait comprendre que c’est de cet événement que cette histoire tire sa logique et sa véritable signification. Dans le Mystère pascal s’accomplissent «les paroles de l’Écriture; c’est-à-dire que – cette mort réalisée “conformément aux Écritures” – est un événement qui porte en soi un Logos, une logique: la mort du Christ témoigne que la Parole de Dieu s’est faite pleinement “chair”, “histoire” humaine».[39] La Résurrection de Jésus se produit aussi «le troisième jour conformément aux Écritures»: puisque, suivant l’interprétation juive, la décomposition commençait après le troisième jour, la Parole de l’Écriture s’accomplit en Jésus qui ressuscite avant que ne commence la décomposition. Ainsi, en transmettant fidèlement l’enseignement des Apôtres (cf. 1 Co 15, 3), saint Paul souligne que la victoire du Christ sur la mort advient par la puissance créatrice de la Parole de Dieu. Cette puissance divine apporte l’espérance et la joie: c’est là, en définitive, le contenu libérateur de la Révélation pascale. À Pâques, Dieu se révèle lui-même ainsi que la puissance de l’Amour trinitaire qui anéantit les forces destructrices du mal et de la mort.


En rappelant ces éléments essentiels de notre foi, nous pouvons contempler la profonde unité entre la création et la nouvelle création et celle de toute l’histoire du salut dans le Christ. En recourant à une image, nous pouvons comparer l’univers à un «livre» – comme le disait également Galilée – le considérant comme «l’œuvre d’un Auteur qui s’exprime à travers la “symphonie” de la création. Au sein de cette symphonie, on trouve, à un certain moment, ce que l’on appellerait en langage musical un “solo”, un thème confié à un seul instrument ou à une voix unique; et celui-ci est tellement important que la signification de toute l’œuvre dépend de lui. Ce “solo”, c’est Jésus ... Le Fils de l’homme résume en lui la terre et le ciel, la création et le Créateur, la chair et l’Esprit. Il est le centre de l’univers et de l’histoire, parce qu’en lui s’unissent sans se confondre l’Auteur et son œuvre».[40]


Dimension eschatologique de la Parole de Dieu

14. À travers tout cela, l’Église exprime qu’elle est consciente de se trouver, avec Jésus-Christ, face à la Parole définitive de Dieu; il est «le Premier et le Dernier» (Ap 1, 17). Il a donné à la création et à l’histoire son sens définitif; c’est pourquoi nous sommes appelés à vivre le temps, à habiter la création de Dieu selon le rythme eschatologique de la Parole; «l’économie chrétienne, du fait qu’elle est l’Alliance nouvelle et définitive, ne passera jamais et aucune nouvelle révélation publique ne doit plus être attendue avant la glorieuse manifestation de notre Seigneur Jésus-Christ (cf. 1 Tm 6, 14 et Tt 2, 13)».[41] En effet, comme l’ont rappelé les Pères durant le Synode, «la spécificité du Christianisme se manifeste dans l’événement Jésus-Christ, sommet de la Révélation, accomplissement des promesses de Dieu et médiateur de la rencontre entre l’homme et Dieu. Lui “qui nous a révélé Dieu” (cf. Jn 1, 18) est la Parole unique et définitive donnée à l’humanité».[42] Saint Jean de la Croix a exprimé cette vérité de façon admirable: «Dès lors qu’il nous a donné son Fils, qui est sa Parole – unique et définitive –, il nous a tout dit à la fois et d’un seul coup en cette seule Parole et il n’a rien de plus à dire. […] Car ce qu’il disait par parties aux prophètes, il l’a dit tout entier dans son Fils, en nous donnant ce tout qu’est son Fils. Voilà pourquoi celui qui voudrait maintenant interroger le Seigneur et lui demander des visions ou révélations, non seulement ferait une folie, mais il ferait injure à Dieu, en ne jetant pas les yeux uniquement sur le Christ et en cherchant autre chose ou quelque nouveauté».[43]


Par conséquent, le Synode a recommandé d’«aider les fidèles à bien distinguer la Parole de Dieu des révélations privées»,[44] dont le rôle «n’est pas de (…) “compléter” la Révélation définitive du Christ, mais d’aider à en vivre plus pleinement à une certaine époque de l’histoire».[45] La valeur des révélations privées est foncièrement différente de l’unique Révélation publique: celle-ci exige notre foi; en effet, en elle, au moyen de paroles humaines et par la médiation de la communauté vivante de l’Église, Dieu lui-même nous parle. Le critère pour établir la vérité d’une révélation privée est son orientation vers le Christ lui-même. Quand celle-ci nous éloigne de Lui, alors elle ne vient certainement pas de l’Esprit Saint, qui nous conduit à l’Évangile et non hors de lui. La révélation privée est une aide pour la foi, et elle se montre crédible précisément parce qu’elle renvoie à l’unique Révélation publique. C’est pourquoi l’approbation ecclésiastique d’une révélation privée indique essentiellement que le message s’y rapportant ne contient rien qui s’oppose à la foi et aux bonnes mœurs. Il est permis de le rendre public, et les fidèles sont autorisés à y adhérer de manière prudente. Une révélation privée peut introduire de nouvelles expressions, faire émerger de nouvelles formes de piété ou en approfondir d’anciennes. Elle peut avoir un certain caractère prophétique (cf. 1 Th 5, 19-21) et elle peut être une aide valable pour comprendre et pour mieux vivre l’Évangile à l’heure actuelle. Elle ne doit donc pas être négligée. C’est une aide, qui nous est offerte, mais il n’est pas obligatoire de s’en servir. Dans tous les cas, il doit s’agir de quelque chose qui nourrit la foi, l’espérance et la charité, qui sont pour tous le chemin permanent du salut.[46]


La Parole de Dieu et l’Esprit Saint

15. Après nous être arrêtés sur la Parole dernière et définitive de Dieu au monde, nous devons parler à présent de la mission de l’Esprit Saint en lien avec la Parole divine. En effet, aucune compréhension authentique de la Révélation chrétienne ne peut être atteinte en dehors de l’action du Paraclet. Et ce, parce que la communication que Dieu fait de lui-même implique toujours la relation entre le Fils et l’Esprit Saint, qu’Irénée de Lyon appelle, de fait, «les deux mains du Père».[47] De plus, c’est l’Écriture Sainte qui nous montre la présence de l’Esprit Saint dans l’histoire du salut et en particulier dans la vie de Jésus, qui a été conçu de la Vierge Marie par l’action de l’Esprit Saint (cf. Mt 1, 18; Lc 1, 35); au début de son ministère public, sur les rives du Jourdain, Jésus le voit descendre sur lui sous la forme d’une colombe (cf. Mt 3, 16 et par.); par ce même Esprit, il agit, il parle et il exulte (cf. Lc 10, 21); et c’est en lui qu’il peut s’offrir lui-même (cf. He 9,14). Alors que sa mission s’achève, suivant le récit de l’Évangéliste Jean, c’est Jésus lui-même qui met clairement en relation le don de sa vie avec l’envoi de l’Esprit aux siens (cf. Jn 16, 7). Ensuite, Jésus ressuscité, portant dans sa chair les signes de sa passion, répand l’Esprit (cf. Jn 20, 22), rendant les siens participants de sa propre mission (cf. Jn 20, 21). Ce sera alors l’Esprit Saint qui enseignera toutes choses aux disciples et qui leur rappellera tout ce que le Christ a dit (cf. Jn 14, 26), parce qu’il lui revient, en tant qu’Esprit de vérité (cf. Jn 15, 26), d’introduire les disciples dans la vérité tout entière (cf. Jn 16, 13). Enfin, comme on lit dans les Actes des Apôtres, l’Esprit descend sur les Douze réunis en prière avec Marie, au jour de la Pentecôte (cf. 2, 1-4), et il les remplit de force en vue de leur mission d’annoncer la Bonne Nouvelle à tous les peuples.[48]


La Parole de Dieu s’exprime donc en paroles humaines grâce à l’action de l’Esprit Saint. La mission du Fils et celle de l’Esprit Saint sont inséparables et constituent une unique économie du salut. L’Esprit, qui agit au moment de l’Incarnation du verbe dans le sein de la vierge Marie, est le même Esprit qui guide Jésus au cours de sa mission et qui est promis aux disciples. Le même Esprit, qui a parlé par l’intermédiaire des prophètes, soutient et inspire l’Église dans sa tâche d’annoncer la Parole de Dieu et dans la prédication des apôtres. Enfin, c’est cet Esprit qui inspire les auteurs des Saintes Écritures.


16. Attentifs à cet horizon pneumatologique, les Pères synodaux ont voulu rappeler l’importance de l’action de l’Esprit Saint dans la vie de l’Église et dans le cœur des croyants par rapport à l’Écriture Sainte.[49] En effet, sans l’action efficace de «l’Esprit de vérité» (Jn 14, 16) on ne peut comprendre les paroles du Seigneur. Comme le rappelle saint Irénée: «Ceux qui ne participent pas à l’Esprit ne puisent pas au sein de leur Mère (l’Église) la nourriture de Vie, ils ne reçoivent rien de la source très pure qui coule du Corps du Christ».[50] Comme la Parole de Dieu vient à nous dans le Corps du Christ, dans le Corps eucharistique et dans le Corps des Écritures par l’action de l’Esprit Saint, de même elle ne peut être accueillie et comprise pleinement que grâce à ce même Esprit.


Les grands écrivains de la Tradition chrétienne prennent unanimement en considération le rôle de l’Esprit Saint dans le rapport que les croyants doivent avoir avec les Écritures. Saint Jean Chrysostome affirme que l’Écriture «a besoin de la Révélation de l’Esprit, afin qu’en découvrant le véritable sens des choses qui s’y trouvent, nous en tirions abondamment profit».[51] Saint Jérôme est lui aussi fermement convaincu que «nous ne pouvons arriver à comprendre l’Écriture sans l’aide de l’Esprit Saint qui l’a inspirée».[52] Saint Grégoire le Grand souligne à son tour de manière suggestive l’œuvre du même Esprit dans la formation et dans l’interprétation de la Bible: «Il a lui-même créé les paroles des Saints Testaments, c’est lui-même qui les ouvre».[53] Richard de Saint-Victor rappelle qu’il faut des «yeux de colombe», illuminés et instruits par l’Esprit, pour comprendre le texte sacré.[54]


Je voudrais souligner encore toute l’importance du témoignage que nous trouvons, à propos de la relation entre l’Esprit Saint et l’Écriture, dans les textes liturgiques, où la Parole de Dieu est proclamée, écoutée et expliquée aux fidèles. C’est le cas d’anciennes prières qui, sous forme d’épiclèses, invoquent l’Esprit avant la proclamation des lectures: «Envoie ton Esprit Saint Paraclet dans nos âmes et fais-nous comprendre les Écritures qu’il a inspirées; et concède-moi de les interpréter de manière digne, pour que les fidèles ici réunis en tirent avantage». De même, nous trouvons des prières qui, au terme de l’homélie, invoquent à nouveau Dieu pour le don de l’Esprit sur les fidèles: «Dieu sauveur (…) nous t’implorons pour ce peuple: envoie sur lui l’Esprit Saint; que le Seigneur Jésus vienne le visiter, qu’il parle aux consciences de tous et qu’il prépare les cœurs à la foi et conduise à toi nos âmes, Dieu des Miséricordes».[55] Tout cela nous permet de comprendre pourquoi l’on ne peut pas arriver à saisir le sens de la Parole si l’action du Paraclet n’est pas accueillie dans l’Église et dans le cœur des croyants.


Tradition et Écriture

17. En réaffirmant le lien profond entre l’Esprit Saint et la Parole de Dieu, nous avons aussi posé les fondations pour comprendre le sens et la valeur déterminante de la Tradition vivante et des Écritures Saintes dans l’Église. En effet, puisque «Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son Fils unique» (Jn 3, 16), la Parole divine, prononcée dans le temps, s’est donnée et «livrée» à l’Église de manière définitive, afin que l’annonce du salut puisse être communiquée de manière efficace à toutes les époques et en tous lieux. Comme nous le rappelle la Constitution dogmatique Dei Verbum, Jésus-Christ «ayant accompli lui-même et proclamé de sa propre bouche l’Évangile d’abord promis par les prophètes, ordonna à ses Apôtres de le prêcher à tous comme la source de toute vérité salutaire et de toute règle morale, en leur communiquant les dons divins. Ce qui fut fidèlement accompli tantôt par les Apôtres, qui, dans la prédication orale, dans les exemples et les institutions transmirent, soit ce qu’ils avaient appris de la bouche du Christ en vivant avec lui et en le voyant agir, soit ce qu’ils tenaient des suggestions du Saint-Esprit, tantôt par ces Apôtres et des hommes de leur entourage, qui, sous l’inspiration du même Esprit- Saint, consignèrent par écrit le message de salut».[56]


Le Concile Vatican II rappelle, par ailleurs, que cette Tradition d’origine apostolique est une réalité vivante et dynamique: elle progresse dans l’Église sous l’assistance du Saint-Esprit, non dans le sens qu’elle change dans sa vérité, qui est éternelle, mais plutôt par le fait que «la perception des réalités aussi bien que des paroles transmises s’accroît», par la contemplation et par l’étude, avec l’intelligence que donne une expérience spirituelle plus profonde, et par «la prédication de ceux qui, avec la succession dans l’épiscopat, ont reçu un charisme certain de vérité».[57]


La Tradition vivante est essentielle afin que l’Église puisse grandir au fil du temps dans la compréhension de la vérité révélée dans les Écritures; en effet, «par cette même Tradition, le Canon intégral des Livres Saints se fait connaître à l’Église, et en elle aussi les Saintes Écritures elles-mêmes sont comprises plus à fond et sans cesse rendues agissantes».[58] En fin de compte, c’est la Tradition vivante de l’Église qui nous fait comprendre de manière adéquate la Sainte Écriture comme Parole de Dieu. Même si le Verbe de Dieu précède et transcende la Sainte Écriture, toutefois, dans la mesure où elle est inspirée par Dieu, elle contient la Parole divine (cf. 2 Tm 3, 16) «d’une manière tout à fait particulière».[59]


18. D’où l’importance d’éduquer et de former de façon claire le Peuple de Dieu à s’approcher des Saintes Écritures en lien avec la Tradition vivante de l’Église, en reconnaissant en elles la Parole même de Dieu. Faire grandir cette attitude chez les fidèles est très important du point de vue de la vie spirituelle. Il peut être utile de rappeler à ce propos une analogie développée par les Pères de l’Église entre le Verbe de Dieu qui se fait «chair» et la Parole qui se fait «Livre».[60] La Constitution dogmatique Dei Verbum, recueillant cette ancienne tradition selon laquelle «son Corps (celui du Fils), ce sont les enseignements des Écritures» – comme le disait saint Ambroise,[61] – affirme: «les paroles de Dieu, exprimées en langues humaines, sont devenues semblables au langage humain, de même que jadis le Verbe du Père éternel, ayant assumé la chair humaine avec ses faiblesses, est devenu semblable aux hommes».[62] Comprise ainsi, l’Écriture Sainte se présente à nous, bien que dans la multiplicité de ses formes et de ses contenus, comme une réalité unifiée. En effet, «à travers toutes les paroles de l’Écriture Sainte, Dieu ne dit qu’une seule Parole, son Verbe unique en qui il se dit tout entier (cf. He 1, 1-3)»,[63] comme l’affirmait saint Augustin avec clarté: «Rappelez-vous que le discours de Dieu, qui est développé dans toute la Sainte Écriture, est un seul et qu’un seul est le Verbe qui résonne sur la bouche de tous les auteurs sacrés».[64]


En fin de compte, à travers l’action de l’Esprit Saint et sous la conduite du Magistère, l’Église transmet à toutes les générations tout ce qui a été révélé dans le Christ. L’Église vit dans la certitude que son Seigneur, qui a parlé dans le passé, ne cesse de communiquer sa Parole, aujourd’hui, dans la Tradition vivante de l’Église et dans l’Écriture Sainte. En effet, la Parole de Dieu se donne à nous dans l’Écriture Sainte comme témoignage inspiré de la Révélation qui, avec la Tradition vivante de l’Église, constitue la règle suprême de la foi.[65]


Écriture Sainte, inspiration et vérité

19. Un concept clé pour accueillir le texte sacré, en tant que Parole de Dieu faite paroles humaines, est indubitablement celui de l’inspiration. Ici aussi, nous pouvons suggérer une analogie: comme le Verbe de Dieu s’est fait chair par l’action de l’Esprit Saint dans le sein de la Vierge Marie, de même l’Écriture Sainte naît du sein de l’Église par l’action du même Esprit. L’Écriture Sainte est «Parole de Dieu en tant que, sous le souffle de l’Esprit divin, elle est consignée par écrit».[66] On reconnaît de cette manière toute l’importance de l’auteur humain qui a écrit les textes inspirés et, en même temps, de Dieu reconnu comme son auteur véritable.


Comme les Pères synodaux l’ont affirmé, il apparaît avec force combien le thème de l’inspiration est décisif pour s’approcher de façon juste des Écritures et pour en faire une exégèse correcte,[67] qui, à son tour, doit s’effectuer dans l’Esprit même dans lequel elles ont été écrites.[68] Lorsque s’affaiblit en nous la conscience de son inspiration, on risque de lire l’Écriture comme un objet de curiosité historique et non plus comme l’œuvre de l’Esprit Saint, par laquelle nous pouvons entendre la voix même du Seigneur et connaître sa présence dans l’histoire.


En outre, les Pères synodaux ont souligné avec justesse que le thème de l’inspiration est aussi lié au thème de la vérité des Écritures.[69] C’est pourquoi, un approfondissement de la compréhension de l’inspiration portera sans aucun doute aussi à une plus grande intelligence de la vérité contenue dans les Livres Saints. Comme l’affirmait la doctrine conciliaire sur ce thème, les Livres inspirés enseignent la vérité: «Dès lors, puisque tout ce que les auteurs inspirés ou hagiographes affirment doit être tenu pour affirmé par l’Esprit Saint, il faut par conséquent professer que les Livres de l’Écriture enseignent fermement, fidèlement et sans erreur la vérité que Dieu a voulu voir consignée dans les saintes Lettres en vue de notre salut. C’est pourquoi “toute Écriture inspirée de Dieu est utile pour enseigner, réfuter, redresser, former à la justice afin que l’homme de Dieu se trouve accompli, équipé pour toute œuvre bonne” (2 Tm 3,16-17, gr.)».[70]


La réflexion théologique a certainement toujours considéré l’inspiration et la vérité comme deux concepts clé pour une herméneutique ecclésiale des Saintes Écritures. Toutefois, nous devons reconnaître la nécessité actuelle d’approfondir de façon adéquate ces réalités, afin de pouvoir mieux répondre aux exigences relatives à l’interprétation des textes sacrés selon leur nature. Dans cette perspective, je souhaite ardemment que la recherche dans ce domaine puisse progresser et qu’elle porte du fruit pour la science biblique et pour la vie spirituelle des fidèles.


Dieu Père, source et origine de la Parole

20. L’économie de la Révélation a donc son commencement et son origine en Dieu le Père. Par sa Parole «il a fait les cieux, l’univers par le souffle de sa bouche» (Ps 33, 6). C’est lui qui fait «resplendir la connaissance de la gloire de Dieu qui rayonne sur le visage du Christ» (cf. 2 Co 4, 6; cf. Mt 16, 17; Lc 9, 29).


Dans le Fils, Logos fait chair (cf. Jn 1, 14), venu accomplir la volonté de Celui qui l’a envoyé (cf. Jn 4, 34), Dieu, source de la Révélation, se manifeste en tant que Père et porte à sa pleine réalisation la divinisation de l’homme, déjà assurée auparavant par les paroles des prophètes et par les merveilles qu’il a réalisées dans la création et dans l’histoire de son Peuple et de tous les hommes. Le sommet de la Révélation de Dieu le Père est offert par le Fils à travers le don du Paraclet (cf. Jn 14, 16), Esprit du Père et de son Fils, qui nous «guide vers la vérité tout entière» (cf. Jn 16, 13).


21. C’est ainsi que toutes les promesses de Dieu deviennent «oui» en Jésus-Christ (cf. 2 Co 1, 20). S’ouvre ainsi à l’homme la possibilité de parcourir le chemin qui le conduit au Père (cf. Jn 14, 6), pour qu’à la fin «Dieu soit tout en tous» (1 Co 15, 28).


Comme le montre la croix du Christ, Dieu parle aussi à travers son silence. Le silence de Dieu, l’expérience de l’éloignement du Tout-Puissant et du Père est une étape décisive du parcours terrestre du Fils de Dieu, Parole incarnée. Pendu au bois de la croix, il a crié la douleur qu’un tel silence lui causait: «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?» (Mc 15, 34; Mt 27, 46). Persévérant dans l’obéissance jusqu’à son dernier souffle de vie, dans l’obscurité de la mort, Jésus a invoqué le Père. C’est à lui qu’il s’en remet au moment du passage, à travers la mort, à la vie éternelle: «Père, entre tes mains je remets mon esprit» (Lc 23, 46).


Cette expérience de Jésus est comparable à la situation de l’homme qui, après avoir écouté et reconnu la Parole de Dieu, doit aussi se mesurer avec son silence. Bien des saints et des mystiques ont vécu une telle expérience qui aujourd’hui encore fait partie du cheminement de nombreux chrétiens. Le silence de Dieu prolonge ses paroles précédemment énoncées. Dans ces moments obscurs, il parle dans le mystère de son silence. C’est pourquoi, dans la dynamique de la Révélation chrétienne, le silence apparaît comme une expression importante de la Parole de Dieu.


[14]  Cf. XIIe Assemblée Générale Ordinaire du Synode des Évêques, Relatio ante disceptationem, I: L’ORf, 4 novembre 2008, p. 9.
[15]  Cf. Conc. Œcum. Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 2.
[16]  Benoît XVI, Lett. enc. Deus caritas est (25 décembre 2005), n. 1: AAS 98 (2006), pp. 217-218.
[17]  XIIe Assemblée Générale ordinaire du Synode des Évêques, Instrumentum laboris, n. 9.
[18]  Credo de Nicée Constantinople: DS 150.
[19]  Saint Bernard de Clairvaux, Homelia super missus est, IV, 11: PL 183, 86 B.
[20]  Cf. Conc.Œcum. Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 10.
[21]  Cf. Proposition 3.
[22]  Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Déclaration sur l’unicité et l’universalité salvifique de Jésus Christ et de l’Église Dominus Iesus (6 août 2000) nn. 13-15: AAS 92 (2000), pp. 754-756.
[23]  Cf. In Hexaemeron, XX, 5: Opera Omnia, V, Quaracchi 1891, pp. 425-426 ; Breviloquium I, 8: Opera Omnia, V, Quaracchi 1891, pp. 216-217.
[24]  Saint Bonaventure, Itinerarium mentis in Deum, II, 12 : Opera Omnia, V, Quaracchi, 1891, pp. 302-303 ; cf. Commentarius in librum Ecclesiastes, Chap. 1, vers. 11; Quaestiones, II, 3, Quaracchi 1891, p. 16.
[25]  Conc. Œcum. Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 3; cf. Conc. Œcum. Vat. I, Const. dogm. sur la foi catholique Dei Filius, chap. 2, De revelatione: DS 3004.
[26]  Cf. Proposition 13.
[27]  Commission Théologique Internationale, À la recherche d’une éthique universelle: un regard nouveau sur la loi naturelle, n. 39.
[28]  Cf. Summa Theologiae, Ia-IIae, q. 94, a. 2.
[29]  Cf. Commission Biblique Pontificale, Bible et morale, Racines bibliques de l’agir chrétien (11 mai 2008), nn. 13, 32 et 109.
[30]  Cf. Commission Théologique Internationale, À la recherche d’une éthique universelle: un regard nouveau sur la loi naturelle, n. 102.
[31]  Cf. Benoît XVI, Méditation à l’occasion de l’ouverture du Synode des Évêques (6 octobre 2008): ASS 100 (2008), 758-761, L’ORf, 14 octobre 2008, p. 11.
[32]  Conc. Œcum. Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 14.
[33]  Benoît XVI, Lett. enc. Deus caritas est (25 décembre 2005), n. 1: AAS 98 (2006), pp. 217-218.
[34] «Ho Logos pachynetai (ou brachynetai)». Cf. Origène, Péri Archon, I, 2, 8: Sources Chrétiennes (par la suite SC ) 252, p. 127-129.
[35]  Benoît XVI, Homélie au cours de la Messe de la Nativité du Seigneur (24 décembre 2006): AAS 99 (2007), p. 12, L’ORf, 2 janvier 2007, p. 2.
[36]  Cf. XIIe Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques, Message final, II, 4-6.
[37]  Saint Maxime le Confesseur, La vie de Marie, n. 89 : CSCO 479, p. 77.
[38]  Cf. Benoît XVI, Exhort. apost. post-synodale Sacramentum caritatis (22 février 2007), n. 9-10: AAS 99 (2007), pp. 111- 112.
[39]  Cf. Benoît XVI, Audience Générale (15 avril 2009): L’ORf, 21 avril 2009, p. 2.
[40]  Cf. Benoît XVI, Homélie en la solennité de l’Épiphanie du Seigneur (6 janvier 2009): L’ORf, 13 janvier 2009, p. 6.
[41]  Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. Sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 4.
[42] Proposition 4.
[43]  Cf. Saint Jean de la Croix, Montée du Carmel, II, 22.
[44] Proposition 47.
[45] Catéchisme de l’Église Catholique, n. 67.
[46]  Cf. Congrégation pour la Doctrine de la Foi, Le message de Fatima, (26 juin 2000): Ench. Vat. 19, n. 974-1021.
[47] Adversus haereses, IV, 7, 4; SC 100, p. 465; V, 1, 3: SC 153, p. 73; V, 28,4: SC 153, p. 361.
[48]  Cf. Benoît XVI, Exhort. apost. post-synodale Sacramentum caritatis (22 février 2007), n. 12: AAS 99 (2007), pp. 113-114.
[49]  Cf. Proposition 5.
[50] Adversus haereses, III 24, 1: SC 34, p. 401.
[51] Homeliae in Genesim, XXI, n. 1; PG 53, 175.
[52] Epistula 120, 10: CSEL 55, pp. 500-506.
[53] Homiliae Ezechielem I. VII. 17: CC 142, p. 94.
[54]  «Oculi ergo devotae animae sunt columbarum quia sensus eius per Spiritum sanctum sunt illuminati et edocti, spiritualia sapientes… Nunc quidem aperitur animae talis sensus, ut intellegat Scripturas»: Richard de Saint-Victor, Explicatio in Cantica canticorum, 15: PL 196, 450 B et D.
[55] Sacramentum Serapionis, II (XX), Didascalia et Constitutiones apostolorum, ed. F. X. Funk II, Paderborn 1906, p. 161.
[56]  Conc. œcum. Vat. ii, Const. dogm. sur la Révélation divineDei Verbum, n.7.
[57] Ibidem, n. 8.
[58] Ibidem.
[59]  Cf. Proposition 3.
[60]  Cf. XIIe Assemblée Générale ordinaire du Synode des Évêques, Message final, n. 5.
[61] Expositio Evangelii secundum Lucam 6, 33: SC45, p. 240.
[62]  Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 13.
[63] Catéchisme de l’Église Catholique n. 102. Cf. aussi Rupert de Deutz, De operibus Spiritus Sancti, I, 6: SC 131, pp. 72-74.
[64] Enarrationes in Psalmos, 103, IV, 1: PL 37, 1378. Affirmations analogues chez Origène, In Ioannem V, 5-6: SC 120, pp. 380-384.
[65]  Cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 21.
[66] Ibidem n. 9.
[67]  Cf. Propositions 5 et 12.
[68]  Cf. Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 12.
[69]  Cf. Proposition 12.
[70]  Conc. œcum. Vat. II, Const. dogm. sur la Révélation divine Dei Verbum, n. 11.

 

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