Aujourd'hui, cependant, il paraît nécessaire de relire l'ensemble de l'enseignement moral de l'Eglise, dans le but précis de rappeler quelques vérités fondamentales de la doctrine catholique, qui risquent d'être déformées ou rejetées dans le contexte actuel. En effet, une nouvelle situation est apparue dans la communauté chrétienne elle-même, qui a connu la diffusion de nombreux doutes et de nombreuses objections, d'ordre humain et psychologique, social et culturel, religieux et même proprement théologique, au sujet des enseignements moraux de l'Eglise. Il ne s'agit plus d'oppositions limitées et occasionnelles, mais d'une mise en discussion globale et systématique du patrimoine moral, fondée sur des conceptions anthropologiques et éthiques déterminées. Au point de départ de ces conceptions, on note l'influence plus ou moins masquée de courants de pensée qui en viennent à séparer la liberté humaine de sa relation nécessaire et constitutive à la vérité. Ainsi, on repousse la doctrine traditionnelle de la loi naturelle, de l'universalité et de la validité permanente de ses préceptes ; certains enseignements moraux de l'Eglise sont simplement déclarés inacceptables ; on estime que le Magistère lui-même ne peut intervenir en matière morale que pour « exhorter les consciences » et « pour proposer les valeurs » dont chacun s'inspirera ensuite, de manière autonome, dans ses décisions et dans ses choix de vie.
Il faut noter, en particulier, la discordance entre la réponse traditionnelle de l'Eglise et certaines positions théologiques, répandues même dans des séminaires et des facultés de théologie,sur des questions de première importance pour l'Eglise et pour la vie de foi des chrétiens, ainsi que pour la convivialité humaine. On s'interroge notamment : les commandements de Dieu, qui sont inscrits dans le cœur de l'homme et qui appartiennent à l'Alliance, ont-ils réellement la capacité d'éclairer les choix quotidiens de chaque personne et des sociétés entières ? Est-il possible d'obéir à Dieu, et donc d'aimer Dieu et son prochain, sans respecter ces commandements dans toutes les situations ? L'opinion qui met en doute le lien intrinsèque et indissoluble unissant entre elles la foi et la morale est répandue, elle aussi, comme si l'appartenance à l'Eglise et son unité interne devaient être décidées uniquement par rapport à la foi, tandis qu'il serait possible de tolérer en matière morale une pluralité d'opinions et de comportements, laissés au jugement de la conscience subjective individuelle ou dépendant de la diversité des contextes sociaux et culturels.
Veritatis Splendor, 4